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Haïti-Elections : Tension et suspense

P-au-P, 5 juin 2015 [AlterPresse] --- A deux mois d’un premier tour de scrutin législatif, attendu pour le dimanche 9 août 2015, tension et suspense sont perceptibles en Haïti. Entre-temps, au premier week-end du mois de juin 2015, le sort des aspirants candidats à la présidentielle de 2015 n’est pas encore arrêté, observe l’agence en ligne AlterPresse.

Dans la matinée du vendredi 5 juin ainsi que le jeudi 4 juin 2015, des restes de pneus usagés enflammés ont été remarqués dans plusieurs quartiers de la zone métropolitaine de la capitale Port-au-Prince, notamment à Carrefour Feuilles (périphérie sud-est), à Delmas (municipalité au nord-est), et à la Plaine du Cul de Sac (au nord).

Ce vendredi 5 juin 2015, vers 3:00 pm locales (19:00 gmt), des tirs d’armes à feu ont été entendus à proximité de l’aéroport international de Port-au-Prince, non loin du bureau de la douane, rapportent des riverains.

Une atmosphère lourde semble planer, ces derniers jours, en divers endroits de la capitale, où des cas d’agression armée sont signalés.

Aucun groupe ni organisation n’ont revendiqué ces tentatives de pose de barricades de pneus usagés enflammés.

Cependant, ces signes de tension, dont l’origine demeure inconnue, apparaissent après les assertions de certains aspirants candidats (aux élections à venir) menaçant de recourir à la violence s’ils venaient à être écartés du processus.

La Pnh se repose sur la justice pour agir

« Lorsqu’une personne fait des menaces publiques, c’est l’action publique qui doit être mise en mouvement pour que la Pnh puisse réagir. La police agit de deux manières : sur mandat et en cas de flagrant délit », indique le porte-parole de la Police nationale d’Haïti (Pnh), le commissaire divisionnaire Frantz Lerebours, joint au téléphone par AlterPresse.

« Mais, si on n’a pas la justice en back-up, il n’y a rien qu’on puisse faire ».

Lerebours déclare ne pas avoir remarqué, sur son chemin, des traces de pneus usagés enflammés, ce vendredi 5 juin 2015.

La semaine dernière, des partisans de l’agent exécutif intérimaire de Delmas, Wilson Jeudy, avaient créé la panique sur Delmas, près de l’intersection avec la route de l’aéroport international pour exiger un certificat de décharge en faveur de Jeudy. Ce dernier compte briguer un nouveau mandat à la tête de la municipalité de Delmas.

Vigilance et application de la loi et du décret électoral, préconisent les organismes de droits humains

Tout acte de violence va à l’encontre de la loi et du décret électoral, estime la Plateforme des organisations haïtiennes de défense des droits humains (Pohdh), interrogée par AlterPresse sur ce climat de tension et de menaces dans le processus électoral.

« Il faut que le Conseil électoral provisoire (Cep) applique le décret électoral contre ces candidats », qui menacent de recourir à la violence pour faire passer leurs revendications, recommande Antonal Mortimé, secrétaire exécutif de la Pohdh.

Le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), une des organisations membres de la Pohdh, appelle à plus de vigilance de la Pnh dans le contexte électoral de l’année 2015.

« Trop de policiers sont en détachement, auprès de gens qui ne travaillent même pas pour la population, qui ne travaillent pas dans les structures de l’Etat. Nous devons avoir la sérénité dans le processus électoral », considère Pierre Espérance, directeur exécutif du Rnndh.

Le Rnndh demande au Cep d’avoir, comme boussole, le décret électoral et la Constitution du pays.

Le processus électoral de 2015 avance avec beaucoup d’incertitudes : non seulement sur le respect du calendrier électoral, mais aussi quant au spectre de la violence qui hante le processus, relève la Pohdh.

Suspense dans l’attente des décisions du Bcen

Après la décision du Bureau de contentieux électoral départemental (Bced) sur diverses contestations de candidatures à la présidentielle, les yeux sont braqués sur le Bureau de contentieux électoral national (Bcen), appelé à statuer sur les recours produits.

Le Bced demande au Cep d’écarter les aspirants candidats à la présidentielle Laurent Salvador Lamothe, Antoine Joseph et Anthony Bennett, pour défaut de décharge et nationalité américaine, respectivement.

Criant à l’abus et évoquant une théorie de « formalité impossible », avec le dysfonctionnement (depuis le 12 janvier 2015) du parlement, qui ne peut pas lui accorder décharge de sa gestion comme chef de gouvernement et comme ministre (des affaires étrangères, puis de la planification), l’ancien premier ministre Lamothe entend « mobiliser » ses troupes pour faire valoir ses droits politiques.

C’est le même Lamothe qui, durant son passage à la tête du gouvernement (16 mai 2012 – 14 décembre 2014), a boudé, sur des prétextes divers (agendas chargés, entre autres) plusieurs convocations du parlement, qui voulait s’enquérir de sa gestion sur divers dossiers.

Les avocats et partisans de Lamothe affirment ne pas comprendre pourquoi le Bced demande d’écarter Lamothe, tout en recommandant le maintien des candidatures à la présidentielle d’anciens ministres (du gouvernement de Laurent Salvador Lamothe), qui ne disposent pas de certificats de décharge de leur gestion des affaires publiques.

Au niveau du Conseil électoral provisoire, c’est silence radio.

Aucun délai n’est avancé concernant la publication de la liste définitive des aspirants candidats à la présidentielle, au nombre de 70.

Beaucoup craignent un regain de violence, orchestrée par d’aspirants candidats qui n’entendent pas digérer d’éventuelles décisions, qui pourraient être adoptées à leur encontre, pour défaut de décharge et comportements répréhensibles.

Quatre (4) candidats au sénat et 31 à la députation, agréés par le Cep pour les élections de 2015, sont impliqués dans divers crimes, dont vols et assassinats, dénonce le Rnddh.

Au moins deux candidats aux législatives, prévues pour le 9 août 2015, ont été déportés des Etats-Unis d’Amérique « en raison de leur implication dans des actes répréhensibles ».

« Le Rnddh peut affirmer que les noms de nombreux individus en conflit avec la loi figurent dans la liste des candidats aux législatives, agréés par le Cep. Ils sont impliqués dans la perpétration de crimes graves. Certains ont été arrêtés, gardés dans des commissariats ou des sous-commissariats du pays, incarcérés pour être ensuite irrégulièrement ou provisoirement libérés », lit-on dans un document transmis aux médias.

En plus d’un nouveau président, les électrices et électeurs haïtiens devront choisir 119 députés, 20 sénateurs et des centaines d’élus locaux, au cours du processus électoral de 2015. [jep kft rc apr 05/06/2015 14:20]