Par Wooldy Edson Louidor
Bogotá, 04 juin 2015 [AlterPresse] --- Se basant sur la tragédie de centaines de migrants à la dérive en mer d’Andaman dans l’Océan Indien, l’Union des nations sud-américaines (en Espagnol, Unión de las naciones sudamericanas, Unasur) dénonce l’insensibilité du monde face à la souffrance du genre humain, dans une déclaration officielle publiée sur son site web [1] et consultée par l’agence en ligne AlterPresse.
Depuis plusieurs semaines, ces migrantes et migrants voguent sur les mers d’Asie, espérant que l’un de ces trois pays - l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande - les accueille et met fin à leur tragédie.
Ils sont actuellement « abandonnés à leur sort au milieu de la mer, sans pouvoir débarquer dans un port d’aucun pays », déplore l’Unasur.
Intégrée par douze pays de la région sud-américaine [2], l’Unasur surprend le monde entier avec cette courte déclaration, mais de portée globale (au-delà de sa mission régionale en tant qu’organisation supranationale) et qui met le doigt sur la globalisation de l’indifférence et la nécessité de prêter main forte aux flux de migrants et de demandeurs d’asile abandonnés à leur sort dans les cinq continents du monde.
Crise humanitaire en Asie
Alors que les projecteurs sont mis sur la Méditerranée, où des milliers de migrants provenant surtout du Proche-Orient (la Syrie, par exemple) et de l’Afrique (dont la Somalie) ont péri dans leur tentative de regagner l’Union européenne (Ue), l’Unasur lance un appel au monde entier à secourir les migrants rohingya, originaires de la Birmanie et de Bangladesh se trouvant à la dérive en mer d’Andaman.
Aucun de ces trois pays - l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande - ne veut créer un « mauvais » précédent, en recevant ces Birmans par peur d’être envahis par d’éventuels flux massifs de migrants, surtout par les Rohingya appartenant à un groupe ethnique musulman persécuté en Birmanie (occidentale).
Pourtant, ces étrangers « ne sont pas des migrants illégaux ou économiques, mais bien des gens qui fuient pour survivre » et, parmi eux, « de nombreux Rohingya sont persécutés depuis des décennies en Birmanie », soutiennent des organisations de droits humains et des spécialistes de droit international.
En ce sens, ils « bénéficient d’une protection internationale » et ces États ont le devoir de les accueillir, relève Eric Paulsen, directeur de l’Organisation non gouvernementale (Ong) malaisienne « Lawyers for Liberty ».
En outre, ces migrants sont en train de mourir de faim, de soif et sont très épuisés : ils ont besoin de l’assistance internationale.
Aucun de ces trois pays ne devrait les refouler vers la Birmanie, au cas où ils accepteraient de les accueillir [y inclus la Malaisie, qui n’est pas signataire de la Convention de l’Organisation des nations unies / Onu, relative au Statut des Réfugiés (Genève, 1951)], en vertu du principe de non-refoulement de ladite Convention, selon ces défenseurs de droits humains.
« Aucun des Etats Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires, où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques », définit l’Article 33 de la Convention de 1951.
La déclaration de l’Unasur attire l’attention sur une autre crise humanitaire et de droit international (en Asie), outre la crise de la Méditerranée, en qualifiant cette situation d’ « authentique génocide passif de la part d’un monde de plus en plus en plus insensible à la souffrance du genre humain ».
L’Unasur propose de créer une « chaîne de solidarité, dirigée par la Croix-Rouge Internationale, au travers de laquelle tous les pays du monde s’engagent à apporter leur contribution pour que les pays d’origine – quand il existe des conditions permettant à ces migrants d’y rester - ou de destination de tous les migrants forcés puissent assumer leurs responsabilités humanitaires ».
L’Unasur appelle à la solidarité globale pour faire face à ce « génocide passif » et pour diminuer et soulager la souffrance de ces migrants forcés.
Cette coopération internationale, basée sur la solidarité, pourrait, selon l’organisation régionale, contribuer à « ouvrir des espaces économiques et sociaux pour que ces millions de citoyens à la dérive puissent trouver un lieu sûr où s’établir, d’où ils puissent se déplacer avec leurs familles ».
Contexte de crise humanitaire dans la Méditerranée
Cette déclaration de l’Unasur surgit au moment où l’Union européenne peine à trouver une solution humaine pour protéger la vie de milliers de citoyens africains et du Proche-Orient, bravant la Méditerranée en quête de refuge dans l’Union européenne.
Plusieurs activistes des droits humains voient d’un mauvais œil le fait que l’Union européenne (Ue) ait décidé d’aborder cette crise humanitaire du point de vue sécuritaire, en décidant d’ « établir une opération navale pour interrompre le modèle des réseaux de trafiquants » de personnes dans la Méditerranée, selon l’annonce faite par le chef de la diplomatie de l’Ue, Federica Mogherini, suite à réunion du conseil des ministres de défense et des chanceliers européens tenue à Bruxelles le lundi 18 mai 2015.
Ces activistes critiquent également le refus de plus de 10 - des 28 pays membres de l’Union européenne – d’appliquer la proposition de la Commission Européenne qui, le mercredi 13 mai 2015, invitait les pays de l’Ue à instaurer des quotas migratoires à l’échelle communautaire (prenant en compte le produit intérieur brut, la population, mais aussi le niveau de chômage de chaque pays et le nombre de demande d’asiles et de réfugiés ) pour accueillir des demandeurs d’asile et aussi des réfugiés se trouvant dans des pays tiers.
La double vertu de la déclaration de l’Unasur
La déclaration de l’Unasur possède deux grandes vertus.
En premier lieu, elle laisse voir combien ces crises humanitaires et de droit international, affectant les migrantes et migrants provenant des pays pauvres ou en guerre de l’Afrique et de l’Asie, posent un problème global.
Problème, qui ne devrait laisser indifférent aucun pays, surtout ceux de destination qui ne font rien ni suffisamment d’efforts pour donner de la protection internationale aux étrangères et étrangers à la dérive et en détresse.
En second lieu, cette déclaration de l’Unasur lance une critique acerbe contre la globalisation de l’indifférence.
Elle convie tous les pays du monde à apporter une solution conjointe, qui doit être globale et qui passe nécessairement par une vraie coopération internationale fondée sur la solidarité. [wel rc apr 04/06/2015 0:00]
[1] Lien actif de la déclaration de l’Unasur http://www.unasursg.org/es/node/250
[2] Ces douze pays sont l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Chili, l’Equateur, la Guyane, le Paraguay, le Perú, Suriname, l’Uruguay et le Venezuela.