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Haïti – Rép. Dom : La menace de déportation au cœur des échanges attendus entre les deux gouvernements

P-au-P, 05 juin 2015 [AlterPresse] --- Le dossier brûlant de la menace de déportation d’Haïtiennes et d’Haïtiens, vivant sans papiers en territoire dominicain, devrait être au centre des échanges entre le chancelier haïtien ad interim, Lener Renaud, et son homologue dominicain Andrés Navarro Garcia, apprend AlterPresse.

La visite de Navarro, attendu à Port-au-Prince d’ici ce vendredi 5 juin 2015, n’est pas confirmée dans les milieux officiels.

La déportation, à compter de la mi-juin 2015 de milliers d’Haïtiennes et d’Haïtiens, ainsi que de Dominicaines et de Dominicains - à qui la nationalité dominicaine n’est plus reconnue depuis l’adoption de la sentence du 23 septembre 2013 de la Cour constitutionnelle dominicaine - reste la préoccupation de diverses organisations, notamment de droits humains, dans les deux républiques qui partagent l’île d’Haïti.

Le lundi 15 juin 2015, devraient expirer les démarches administratives (du côté dominicain) dans le cadre du Plan national de régularisation des étrangers (Pnre).

Lener Renaud et Andres Navarro Garcia devraient se pencher sur un
nouveau délai de 45 jours - qui serait accordé au gouvernement haïtien par son homologue dominicain - pour compléter l’identification de ses ressortissants, menacés d’expulsion du territoire dominicain.

Des interrogations planent, chez les organismes de droits humains, sur ce nouveau délai de 45 jours, qui aurait été convenu, vu les difficultés de parvenir à une identification systématique de ressortissants haïtiens dans le temps imparti.

Sur une année, seulement 50 mille personnes – sur un nombre présumé de plus de 200 mille – auraient été répertoriées comme « ressortissants haïtiens » résidant en République Dominicaine, suivant les données disponibles.

Le Pnre a été adopté, suite à la sentence de la Cour constitutionnelle dominicaine, prise le 23 septembre 2013 et déclarant déchoir de la nationalité dominicaine des milliers de Dominicaines et de Dominicains, nés sur le territoire voisin d’Haïti depuis 1929.

La sentence en date du 23 septembre 2013 continue de susciter la désapprobation d’organismes de droits humains internationaux, qui l’assimilent à un acte xénophobe et raciste envers plusieurs milliers d’êtres humains, dont une grande partie d’ascendance haïtienne.

Des déportations de sans papiers vers Haïti seraient effectuées à partir du 15 juin 2015, avaient annoncé les autorités dominicaines.

Des milliers d’Haïtiens, voire de Dominicains migrants travailleurs, privés arbitrairement de leur nationalité, sont concernés par cette menace d’expulsion du territoire dominicain.

D’où un risque de tension aggravée, qui a poussé divers organismes de droits humains à exiger un moratoire entre les 2 gouvernements.

C’est un « droit pour la République Dominicaine de réguler la migration chez elle » et « un devoir pour les Haïtiens de recevoir leurs compatriotes en difficulté », reconnaît Lener Renaud dans des déclarations à AlterPresse.

« Mais, entre le droit et le devoir, il faut un protocole », dixit Renaud, qui affirme que le protocole, conclu, en 1999, entre les deux États sur la question de la déportation a été révisé (par les autorités haïtiennes) et transmis aux Dominicains.

Les autorités haïtiennes souhaitent, surtout, « faire en sorte que cela (la déportation) se fasse suivant les règles ».

Car, « on ne peut pas empêcher les Haïtiens de revenir... ».

Comme cela est redouté, « la déportation en masse » constituerait une « catastrophe humanitaire ».

« Nous avons déjà appelé les instances internationales à intervenir et les autorités dominicaines à (faire preuve de) sagesse », indique le ministre a.i. haïtien des affaires étrangères.

Il n’est, jusqu’à présent, pas question d’éviter la « déportation », mais essentiellement « qu’elle soit faite suivant les principes ».

« Il est nécessaire qu’il y ait une entente (entre les deux États) », estime Saint-Pierre Beaubrun, coordonnateur de la plateforme Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr).

Le Garr appelle au respect du protocole déjà paraphé entre les deux pays, en particulier sur des points fondamentaux, comme éviter des rapatriements après 6 heures du soir et permettre aux migrants à rapatrier de récupérer leurs biens.

Les rapatriements ne devraient pas, non plus, disperser les familles.

Préoccupations de la Cchd

La Commission de concertation haïtiano-dominicaine (Cchd), qui regroupe 14 organisations haïtiennes et dominicaines [1] exprime ses inquiétudes sur la situation des Dominicaines et Dominicains, déchus de la nationalité dominicaine par la Cour constitutionnelle dominicaine à travers le décret 168-13 du 23 septembre 2013, dans une note rendue publique le 2 juin 2015.

« Nous recommandons aux autorités dominicaines de sanctionner sévèrement au regard des lois dominicaines, les groupes de militaires et civils dominicains qui violent de manière flagrante les Droits Humains dans le processus de déportation. Nous dénonçons aussi le vol des objets importants et la saisie des pièces d’identité légale des migrant (e) s. En condamnant ces exactions et ces actes d’impunité flagrante, nous exhortons les autorités dominicaines à punir les auteurs de ces forfaits.

Nous appelons le gouvernement haïtien à reconnaître les limites du processus de documentation des ressortissantes et ressortissants haïtiens nés en République Dominicaine, dans le cadre du Programme d’identification et de documentation des immigrants haïtiens (Pidih), et d’adresser une demande de prorogation du Pnre, afin de pouvoir remplir les obligations qu’implique la régularisation de ses ressortissant (e) s en situation irrégulière.

Nous convions l’État haïtien à s’asseoir avec les organisations de la société civile haïtienne, en vue de planifier une réponse concertée à la crise humanitaire qu’impliquent les déportations massives de migrantes et migrants haïtiens non régularisés à la fin du Pnre.

L’État haïtien doit demander officiellement aux autorités dominicaines de ne pas déporter vers Haïti les citoyennes et citoyens dominicains. Du coup, il doit formuler une demande de moratoire en vue de permettre à beaucoup plus d’immigré (e) s à régulariser leur situation ».

Pour la Cchd, une prorogation du Pnre, par les autorités dominicaines, permettrait une régularisation des ressortissants Haïtiens en territoire dominicain. [srh kft rc apr 05/06/2015 1:10]


[1La commission de concertation haïtiano-dominicaine comprend le Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr), le Service jésuite aux réfugiés et migrants / Solidarite fwontalye Wanament (Sjm-Haïti/Sfw), le Réseau frontalier Jeannot Succès (Rfjs), le Centre culturel haïtiano-dominicain Jacques Viau (Ccdhjv), Centro de desarrollo sostenible (Cedeso), le Centre pour le développement soutenable (Cedesou), Centro Bono, le Groupe de volontariat civil (Gruppo dI volontariato civile / Gvc), la Mission sociale des églises haïtiennes (Misseh, un réseau de réseaux d’églises protestantes composé de 13 missions évangéliques oeuvrant sur l’ensemble du territoire d’Haïti), el Movimiento socio-cultural para los trabajadores haitianos (Mosctha) / Red de encuendtro dominico-haitiano Jacques Viau (Mosctha/RED), le Mouvement des femmes dominico-haïtiennes (Mudha), l’organisation Observatorio migrantes del Caribe (Obmica), American friends service committee (Afsc), l’organisation Servicio social de iglesias dominicanas (Ssid).