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Haïti - Martelly - 4 ans : Une justice en coupe réglée

P-au-P, 14 mai 2015 [AlterPresse] --- Les éclaboussures, provoquées par plusieurs dossiers judiciaires, dont celui de la libération (le 17 avril 2015) de Woodly Éthéart et Renel Nelfort, accusés de kidnapping, projettent l’image d’une justice sous coupe réglée durant les 4 ans au pouvoir du président Joseph Michel Martelly, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.

Survenue à l’issue d’un procès express le vendredi 17 avril 2015, cette libération de Woodly Éthéart (dit Sonson Lafamilia) et Renel Nelfort (Alias le récif) n’a pas manqué de susciter l’indignation et des appréhensions de la part d’organisations nationales et internationales.

Une enquête et des sanctions ont été exigées par divers secteurs et partis politiques, après cette libération ordonnée par le juge controversé Lamarre Bélizaire, qui a mis en avant une « insuffisance de preuves et de charges » comme motif.

Tout en reconnaissant combien sont réelles les appréhensions, exprimées après la libération de ces 2 présumés kidnappeurs, la France et le reste de la communauté internationale se disent vraiment inquiets du déni de justice qui se manifeste en Haïti.

A Port-au-Prince, une marche - convoquée par plusieurs organisations, dont la Solidarité des femmes haïtiennes (Sofa) et le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), a été organisée le 6 mai 2015, pour condamner cette mise en liberté « scandaleuse », qui donne pied à l’impunité dans le pays.

« Un complot planifié », « une menace pour la stabilité du pays », « un affront » et un « jugement de la honte » : tels sont les qualificatifs attribués, lors de la marche, à cette libération, impliquant plusieurs responsables judiciaires, notamment le juge controversé Lamarre Bélizaire.

Des sanctions de façade

La mise en disponibilité du doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince, Raymond Jean-Michel, a été, de suite, décidée par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj).

Jean-Michel a reconnu ses torts devant le Cspj, lors d’une audience réalisée le mercredi 22 avril 2015.

Un recours en cassation a été intenté, par le parquet du tribunal civil de Port-au-Prince, contre le verdict du juge controversé Lamarre Bélizaire.

Jusqu’à date (14 mai 2015), il n’y a pas encore d’ordonnance émise par la Cour de cassation sur le recours intenté.

Le commissaire du gouvernement, près le tribunal civil de Port-au-Prince, Kerson Darius Charles a été, lui-même, limogé par le Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp).

Et puis, un silence complice prend forme dans ce dossier judiciaire, comme c’est le cas pour plusieurs autres laissés en suspens.

Un réseau de criminels et de narcotrafiquants, proches du pouvoir

En 2013, plusieurs proches du président Martelly, comme son ami Jojo Lorquet, son chauffeur personnel Patrick Maître, l’ancien sénateur Joseph Lambert et le sénateur proche du pouvoir, Edo Zenny ont été aux prises avec la justice.

La justice a procédé à l’arrestation de Jojo Lorquet et Patrick Maître, impliqués dans une affaire en rapport à la mise en œuvre de combines mafieuses - consistant à livrer des permis de port d’armes, d’utilisation de gyrophares et de sirènes - et à l’accès à des privilèges douaniers.

Jusqu’à présent, aucune information ne filtre concernant l’ex-journaliste Ernest Edouard Laventure, dit Mòlòskòt, qui serait à la tête de ce réseau.

Dans ce dossier, Joseph Lambert et Edo Zenny ont été dénoncés comme présumés chefs d’un puissant gang appelé Kakòs, spécialisé dans le trafic de la drogue, l’enlèvement, le kidnapping et l’assassinat dans le Sud-Est.

Cette affaire, impliquant Lambert et Zenny, semble être au point mort.

Le gang Kakòs semblerait être lié à celui de l’homme d’affaires, Clifford Brandt, arrêté le lundi 22 octobre 2012 pour kidnapping et vraisemblablement écroué au pénitencier national, depuis sa capture après son évasion, de la prison de Croix-des-Bouquets, le dimanche 10 août 2014.

Après plusieurs audiences, le dossier de corruption présumée, impliquant la famille présidentielle, dont la compagne du président Sophia Saint-Rémy Martelly et son fils Olivier Martelly, pour avoir géré des fonds de l’État, échapperait, peu à peu, à la justice.

Paradoxalement, sans aucune base légale ni administrative, Sophia Saint-Rémy Martelly et son fils Olivier Martelly sont devenus comptables de deniers publics, après leur nomination respective comme présidente de la Commission nationale de la lutte contre la faim et la malnutrition (Colfam) et responsable de la direction de la Commission d’appui à la coordination des infrastructures de sport et d’accomplissement de la jeunesse haïtienne (Cacisajh).

Libéré en décembre 2014, le citoyen Enol Florestal a été écroué, en août 2013, au pénitencier national pour avoir porté une plainte formelle, en août 2012, contre la famille présidentielle par devant le Parquet près le tribunal civil de Port-au-Prince.

Après avoir pris une ordonnance demandant au président Michel Martelly de faciliter la comparution de grands fonctionnaires de l’État, le juge d’instruction d’alors Jean Serge Joseph, en charge de ce dossier, est décédé le 13 juillet 2013, suite à une hémorragie cérébrale et des pressions diverses exercées sur lui par le pouvoir.

La justice et la police impliquées dans une affaire de rançon

En mars 2015, la justice et la police ont été éclaboussées, aux Gonaïves (à 171 km au nord de Port-au-Prince), dans une affaire de rançon « faramineuse » pour libération d’un détenu du nom de Madsen Clervoyant, un homme d’affaires, a rapporté le Rnddh dans une enquête réalisée sur ce dossier.

Le commissaire du gouvernement, près le tribunal civil des Gonaïves, Enock Géné Génélus, a été révoqué pour avoir permis à l’accusé « aux ordres de la justice » de se rendre à la banque pour déposer l’argent sur le compte de l’avocat Duclas Marcelin, le plaignant.

Madsen Clervoyant a été libéré provisoirement, suite à une audience déroulée, le mardi 28 avril 2015, au tribunal correctionnel des Gonaïves dans le cadre de cette affaire qui concernerait une relation privée avec une femme. [emb kft rc apr 14/05/2015 14:00]