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Haïti : A Anse Rouge, des combattants de la misère abandonnés par les autorités

Correspondance Exalus Mergenat

Gonaïves, 1er avril 2015 [AlterPresse] --- La vie n’est que peine et frustration pour les habitantes et habitants de la commune d’Anse-Rouge située à 42 kilomètres au nord-ouest des Gonaïves dans le haut Artibonite (nord), selon les témoignages des riveraines et riverains recueillis par l’agence en ligne AlterPresse.

Livrés à eux-mêmes, les habitantes et habitants de cette commune dont les besoins sociaux ne sont pas couverts mènent une vie morne et déprimante.

« Anse rouge est quasiment dépourvue d’arbre, jour et nuit règne une chaleur suffocante, alors que les riveraines et riverains font face à une rareté d’eau potable depuis plusieurs années », explique l’ancien maire de la commune, Brunel Joseph Métayer.

« Si vous n’avez pas 5 gourdes pour acheter deux petits sachets d’eau traitée par osmose, vous mourez de soif », déclare l’ancien maire.

Pour étancher leur soif, la majorité des habitantes et habitants à Anse-Rouge boivent de l’eau saumâtre puisée par une pompe à bras.

« Cette situation a de graves conséquences sur la santé des membres de la population notamment les femmes et les enfants souffrant respectivement de l’infection vaginale et de la diarrhée », déplore pour sa part, Roselande Etienne.

Alors que les activités agricoles à Anse Rouge dépendent en grande partie du régime pluvieux, la pluie n’est pas tombée dans cette région depuis plus d’un an.

Cela a provoqué une sécheresse prolongée qui ne permet pas aux agricultrices et agriculteurs de la région d’entreprendre leurs activités.

« Vous voyez nos terres ? Vous voyez comment elles sont sèches ? Elles n’ont même pas d’herbe pour nourrir nos animaux, notre situation est difficile », déplore un agriculteur de la plaine de l’Arbre, 2e section communale d’Anse-Rouge.

« Il y a une pompe pour l’irrigation, mais il faut payer 600 gourdes pour arroser sa parcelle pendant une heure de temps, c’est trop chère », s’insurge l’agriculteur.

Il demande aux autorités du ministère de l’agriculture de prendre des dispositions pour irriguer les parcelles cultivables de la zone sèche de la plaine de l’arbre avec l’eau des trois rivières (Nord-Ouest).

Le manque d’activités agricoles à Anse rouge a contribué à l’aggravation de la situation socio-économique des ménages.

Outre l’accès difficile à l’eau, l’approvisionnement en nourriture constitue un souci majeur pour les habitants de cette région, considérés comme des combattants résistant à la misère.

Visage ridé, Alciné Pierre, 45 ans, père de cinq enfants, ne cache pas sa difficulté d’accès au pain quotidien pour lui et ses enfants.

« Se nourrir est un véritable casse-tête. Mes enfants et moi, nous mangeons par chance », déclare Alciné Pierre qui s’en remet à Dieu.

La situation de misère et d’insécurité alimentaire à laquelle sont confrontés les habitantes et habitants d’Anse-Rouge oblige certains d’entre eux à la mendicité.

« Chez nous, il n’y a pas de vie, c’est l’enfer sur terre », lâche un jeune homme, la main tendue.

Cette situation difficile n’épargne pas les enfants de la région qui se donnent rendez-vous tous les jours sur la route reliant Gonaives à Anse-Rouge au niveau de Morne La Pierre.

Sales, mal vêtus, parfois pieds nus, par dizaine, ces enfants courent après les voitures et camions fréquentant ce tronçon de route pour demander de l’argent aux passagers ou aux chauffeurs.

« La situation est préoccupante malgré la présence de certaines organisations humanitaires dans la région », dit le porte-parole du Mouvement organisé pour le progrès économique et social (Mopes), Rigot Senat.

Le programme alimentaire mondial (Pam) et Action contre la faim (Acf) exécutent depuis plusieurs mois un programme social baptisé « Kore la vi » en faveur des enfants, des femmes enceintes et allaitantes de la région.

Dans le cadre de ce programme, les bénéficiaires reçoivent chacun un kit alimentaire contenant de la farine de soya, du haricot, de l’huile et du blé.

« Ces organisations humanitaires feraient mieux de penser à des programmes visant à favoriser les activités agricoles dans la région », suggère le porte-parole de Mopes, déplorant l’absence d’électricité et aussi le manque d’espace de loisirs pour les jeunes de la région.

La pêche considérée comme l’une des principales activités génératrices de revenus des habitants de cette région, après le sel, n’est plus rentable.

Interrogés par AlterPresse, certains jeunes exerçant ce métier affirment passer leurs journées vainement en mer.

Les fruits de mer notamment les poissons de cette région tendent à disparaitre à cause de la coupe abusive des mangroves abritant ces espèces animales aquatiques.

« Dans leur lutte pour la survie, les riveraines et riverains de cette région ont abattu ces arbres tropicaux (les mangroves) dont le bois sert à la construction anarchique et la fabrication du charbon de bois. Ce comportement causant la dégradation de l’environnement d’Anse-Rouge aurait diminué la reproduction des poissons », tente d’expliquer un pêcheur.

Le sel produit à Anse-Rouge, qui devrait aider les habitants dans leur lutte pour la survie, est fortement concurrencé par le sel dominicain.

Les problèmes d’infrastructures routières auxquelles est confrontée la commune d’Anse-Rouge empêchent aussi l’écoulement de ce produit vers d’autres marchés publics de l’Artibonite.

A l’instar des animaux aquatiques, bon nombre d’habitants, dont des jeunes en quête de meilleures conditions de vie, ne sachant pas à quel saint se vouer, ont migré vers la République dominicaine voisine et le Brésil. [me kft gp apr 06/04/2015 11:15]