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Les organisations sociales lancent la commémoration du centenaire de l’occupation américaine d’Haïti (Multimédia)

Par Gotson Pierre

P-au-P., 30 mars 2015 [AlterPresse] --- L’Initiative du Mouvement patriotique démocratique et populaire (Mpdp), une plateforme de 25 organisations sociales, a lancé, le 29 mars à Port-au-Prince, une série d’activités commémoratives du centenaire de la première occupation américaine d’Haïti suite au débarquement des marines le 28 juillet 1915.

Une journée de conférences, déclarations, témoignages, exposition de photos et prestations musicales a eu lieu à la Faculté d’ethnologie avec la participation de quelques centaines de personnes, en particulier des étudiants.

Cette activité s’inscrit dans le cadre du combat pour « la désoccupation du pays », explique Ernst Mathurin, secrétaire provisoire de l’Initiative Mpdp, dans un entretien accordé à AlterPresse.

La démarche vise aussi l’émancipation de l’État haïtien, qui ne doit plus être un État « soumis », mais un État « national, social et démocratique », ainsi que l’endiguement du « pillage des ressources nationales ».

Selon Mathurin, il faut travailler à la « conscientisation de la population sur l’occupation », qui, d’après lui, a changé de forme au cours des ans, mais se poursuit aujourd’hui encore, après le départ physique des soldats américains en 1934. Après avoir été sous « contrôle à distance » jusqu’en 1994, le pays a été mis sous « tutelle des Nations-Unies » de concert avec le département d’État américain et les institutions internationales, ajoute le dirigeant de l’Initiative Mpdp.

Voilà pourquoi, selon lui, les activités mises en œuvre commémorent « 100 ans d’occupation » d’Haïti.

Très peu d’activités se rapportant au centenaire du débarquement américain en Haïti sont pour le moment répertoriées. La Société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie (Shhgg) avait lancé l’année dernière un comité multi-institutionnel de commémoration. Mais aucune action n’a encore été annoncée.

On apprend que plusieurs initiatives sont en préparation au niveau des secteurs culturels et au sein de la diaspora haïtienne.

Mathurin admet que les initiatives de commémoration du centenaire de l’intervention américaine sont tardives et « lentes à émerger ». Cette situation, souligne-t-il, traduit « la réalité des forces (sociales) » à travers le pays où « un travail de récupération et de répression » du mouvement est en marche depuis 1986, date de la chute de la dictature des Duvalier.

Cela n’empêche pas que « de nombreux démocrates et progressistes se sentent interpelés » et sont conscients de la nécessité de dresser « le bilan de l’occupation » au point de vue politique, économique, social et culturel, assure-t-il.

Quant au gouvernement, qui n’a pris aucune initiative de commémoration, il fait partie du système mis en place par les forces d’occupation, à travers des élections manipulées, dénonce Ernst Mathurin.

Haïti se trouve dans une année électorale importante qui risque de noyer le centenaire de l’occupation, craignent plus d’un. Le processus pour le renouvellement cette année du personnel politique au niveau présidentiel, législatif et municipal a été récemment lancé et se poursuit jusqu’à la fin de l’année.

D’autre part, selon nos sources, il y a de fortes chances que le « carnaval des fleurs » organisé tous les ans en été, depuis l’arrivée au pouvoir de Michel Martelly en 2011, soit maintenu cette année encore. Si c’est le cas, les festivités pourraient même se dérouler le 28 juillet, jour anniversaire du débarquement des troupes américaines.

« Il faut que les partis et candidats disent une fois pour toutes à la population s’ils seront au service de l’occupation ou s’ils oeuvreront à la désoccupation », martèle Ernst Mathurin. Il annonce que les organisations membres de l’Initiative Mpdp s’impliqueront dans les débats électoraux en vue de faire éclaircir ce point.

Les activités de commémoration ont été inaugurées le jour marquant le 28ème anniversaire du referendum d’adoption à une forte majorité de la constitution de 1987, amendée à la va-vite en 2012.

Prenant la parole au cours des échanges du 29 mars à la Faculté d’ethnologie, Osnel Jean-Baptiste, porte parole de l’organisation Tèt Kole Ti Peyizan (Unité des petits paysans), a relevé des conséquences désastreuses de l’intervention américaine sur la paysannerie. Dans le cadre de l’occupation, « un système de domination marginalisant les paysans a été mis en place », souligne-t-il. [gp apr 30/03/2015 13 :00]