Conclusion & recommandations d’une enquête conduite par la Solidarité des femmes haïtiennes (Sofa) et le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh)
Extrait du document transmis à AlterPresse
Les résultats de l’enquête témoignent de l’ampleur croissant du harcèlement sexuel à l’ egard des
femmes dans le milieu du travail en Haïti, du point de vue des enquêtées.
8 % des femmes des secteurs de l’administration publique et ONGs se sont senties victimes
directement de la part de leurs patrons, de leurs directeurs, de leurs superviseurs et de
leurs collègues de sexe masculin.
Du côté des enquêtées du secteur des travailleuses domestiques et de manufacture, le phénomène
est tout aussi alarmant, 11% des femmes affirment avoir été victimes, du propriétaire, d’un superviseur, d’un supérieur, d’un directeur, etc.
Deux (2) autres phénomènes concomitants et révélés par l’enquête ne sont pas à négliger. Il s’agit du nombre élevé de femmes témoins des actes de harcèlement. En effet, elles sont plus de 72% dans les secteurs des travailleuses domestiques et de manufactures, 41% chez les fonctionnaires (public/privé). D’autre part, 26% de fonctionnaires et 25% parmi les travailleuses domestiques et des manufatures, sont affectées par le harcèlement moral au sein de leur travail : actes de discrimination, d’abus, de méchanceté, injures, mauvais traitements.
Sur les conséquences de cette forme de violence sur leur vie professionnelle et/ou privée, les témoignages sont dramatiques. Plus de 37% de femmes des secteurs de l’administration publique et ONGs recourent à des tentatives de suicide, à la consommation de somnifères pour échapper aux insultes, aux humiliations, à la peur, aux souffrances de toutes sortes que leur impose le régime du harcèlement au sein de leur travail. La situation est similaire chez les femmes travailleuses domestiques et des manufactures, qui disent avoir recours souvent aux médicaments, et même à la drogue … pour surmonter les souffrances liées au harcèlement sexuel et au harcèlement moral qu’elles subissent.
La vulnérabilité des femmes au harcèlement dans le cadre de leur travail est davantage préoccupante, quand on sait que ces pratiques évoluent dans un contexte où les normes au niveau national sont inadaptées et inadéquates. La majorité des institutions privées et même celles relevant de la Fonction Publique échappe au contrôle de l’Etat quant à l’établissement et à la surveillance des règles de conduite et de protection des employé-e-s , travailleurs-travailleuses et ce, en contravention aux lois nationales [1] ainsi qu’aux accords et conventions ratifiés : CEDAW, Belem Do Para, les accords de l’OIT sur le respect des droits des travailleurs-euses.
De plus, en ce qui a trait aux mécanismes de prévention du harcèlement, l’enquête révèle que seulement 14% des institutions enquêtées affirment posséder des outils comme un code d’Ethique, mais, la plupart reconnait qu’aucun mécanisme n’est mis en place pour leur application et leur vulgarisation auprès des employé-e-s. Parmi les ONGs, une seule possède des outils conformes : "Politique de Genre" et "Code de conduite", ce qui lui confère une bonne ambiance de travail et un climat de confiance chez les employé-e-s qui n’ont pas manqué d’en témoigner. Presque 100% des institutions possèdent des règlements internes, qui selon elles, peuvent remplacer des outils plus modernes et plus adaptés comme les instruments : politique de genre et/ou code de conduite, qu’elles estiment plus aptes à assurer la sécurité des femmes et des hommes en matière de respects des droits et d’équité dans les rapports de genre au travail. Partant de ces données, il ressort que les recommandations les plus pertinentes tant de la part des employé-es , travailleuses, que des responsables d’institutions touchent les points suivants :
-> L’exigence de l’Etat la mise en place dans toutes les institutions publiques/ privées d’outils de prévention d’un Code d’éthique, d’une politique de genre et de mécanismes fiables à leur application tels que : Comité de surveillance, Conseil de discipline avec la participation des syndicats /ou de leurs représentant–e-s, Contrat de travail à l’embauche de manière à s’assurer de la bonne application de ces mesures ;
-> L’adoption de mesures d’accompagnement et de protection spécifiques au harcèlement sexuel pour les femmes travaillant dans les manufactures ainsi que celles ayant le statut de travailleuses domestiques. Ces mesures doivent adresser les conditions associées au climat propice au harcèlement telles :
- la mise en place des toilettes spécifiques et sécurisées pour les femmes
- l’amélioration des conditions de salaire, de prélèvement de taxe etc.
- l’exigence qui doit être faite aux patrons/ superviseurs de respecter les lois et principes haïtiens en matière de protection des femmes travailleuses face au harcèlement sexuel ;
-> La mise en place au sein des institutions, de structures de protection comme des cellules d’encadrement psychologique et de protection aux femmes se sentant victimes de harcèlements sexuel / moral ;
-> Le renforcement des structures d’accueil et de plaintes au sein des organisations féministes et de droits humains, comme soupape de sécurité pour les femmes voulant les solliciter ;
-> La mise sur pied de programmes de sensibilisation orientés vers les patrons et les responsables d’institutions, d’employé-e-s, de manière à les responsabiliser et surtout à les inciter à rompre avec la culture de tolérance et d’opacité qui les caractérisent face au harcèlement institutionnel ;
-> La mise en application de programmes d’éducation et de sensibilisation adressés aux employé-e-s et aux travailleuses de manière à mieux les instruire sur la défense de leurs droits et à les porter à rompre avec le silence et la tolérance ;
-> La réforme par l’Etat des lois relatives au droit du travail et l’adoption d’une loi spécifique au harcèlement (sexuel et moral) dans le milieu du travail, tout en mettant en œuvre les mécanismes à son application par tous les secteurs (publics –privé).
[1] Le code du travail haitien en ses articles 316-317, préconise un certain nombre de mesures de protection en faveur
des employées femmes du privé.De même que les différentes lois sur la fonction publique accordent un minimum de
sécurité à ce niveau. Malgré les faiblesses de ces outils, le problème réside surtout dans leur application et leur
vulgarisation auprès des concerné-e-s.