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Haïti-RD : Un collectif d’universitaires met en cause le manque de civisme et l’attitude des médias

P-au-P, 17 mars 2015 [AlterPresse] --- Le Collectif des universitaires citoyens (Cuci) met en cause le manque de civisme ainsi que l’attitude des médias dans la crise haitiano-dominicaine, ravivée depuis le mois de février dernier.

« La crise haitiano-dominicaine, médias et éducation civique » est le thème qui a été retenu par le collectif pour une conférence autour de cette crise le vendredi 13 mars 2015.

Comme en 1937, lors du massacre de milliers d’Haïtiens et Haïtiennes en République Dominicaine, l’indignation et la colère du peuple haïtien sont grandes depuis la découverte du corps d’un ressortissant haïtien pendu à un arbre à Santiago, fait remarquer le professeur Hérold Toussaint.

« Cette histoire [du massacre de 1937] n’est pas enseignée dans les écoles haïtiennes. Or, pour qu’un peuple avance, il y a ce qu’on appelle le devoir de mémoire et de commémoration. Quels sont les monuments qui ont été dressés pour les 15 mille Haïtiens et Haïtiennes tués en République dominicaine ? Où sont les lieux de mémoire pour ces Haïtiens et Haïtiennes qui ont été tués ? Cela veut dire qu’il y a une absence de mémoire et de commémoration », regrette le professeur Toussaint, docteur en sociologie et détenteur d’une maitrise en communication sociale.

Pour lui, le point de départ du problème c’est la question de savoir si on n’a pas instauré en Haïti « le règne du mépris social ».

« De 1937 à nos jours qu’ont fait les différents gouvernements du pays pour défendre la dignité du peuple haïtien ? Pour défendre le sol haïtien ? Où est le dévouement au service de la communauté ? Le vivre ensemble ? », critique le professeur Toussaint.

78 ans (1937-2015) après le massacre, la crise haitiano-dominicaine refait surface sous les yeux de la communauté internationale, qui continue de manifester son laxisme par rapport aux actions xénophobes et anti-haïtiennes des Dominicains, condamne-t-il.

Les médias : une logique de confrontation

Richardson Dorcé, étudiant au programme de Master de l’Université d’Etat d’Haïti (Ueh), membre de Cuci a fait part d’une mini-enquête de monitoring réalisée sur quelques médias de la capitale autour des concepts les plus utilisés à propos de la question de la crise haitiano-dominicaine.

« Apartheid en République Dominicaine, manœuvres d’intimidation, chasses aux Haïtiens, boycottage du tourisme dominicain, logique de confrontation, esprit de vengeance, bourgeoisie ultranationaliste dominicaine, profanation du drapeau des deux peuples », tels sont les expressions les plus courantes dans les médias dans le contexte pris en compte.

Richardson Dorcé souligne le fait qu’elles traduisent une logique de confrontation et une résurgence d’un sentiment anti-haïtien et anti-dominicain de part et d’autre. Ce qui peut déboucher sur une crise d’une plus grande ampleur sur l’île.

Pour une éducation citoyenne

« Il faudra sans doute un siècle pour effacer les discriminations, les préjugés et les stéréotypes entre Haïtiens et Dominicains.

Qu’attendons-nous pour mettre sur pied un vrai programme d’éducation à la solidarité destiné aux deux peuples ? » s’interroge le professeur Hérold Toussaint.

Le Collectif des universitaires citoyens (Cuci) a formulé plusieurs propositions au terme de sa conférence.

Il suggère la création d’une université haitiano-dominicaine gérée par les savants des deux pays, une semaine de solidarité haitiano-dominicaine et un service national de la solidarité envers les paysans haïtiens financé par les secteurs privé et public. [jep kit gp apr 17/03/2015 00:10]