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Haïti-Communication : Sony Estéus, communicateur social, combattant de l’avant-jour

Par Gotson Pierre

Actualisé le 15 mars 2015

P-au-P., 13 mars 2015 [AlterPresse] --- Sony Estéus, Journaliste de carrière, a, durant les dernières années et jusqu’à son décès soudain, le 2 mars 2015, préféré le titre professionnel de Communicateur social.

Il me l’a confié lui-même, il y a quelque temps, en marge d’une conversation qui ne portait pas spécifiquement sur le sujet. J’y ai alors réfléchi, sans chercher à approfondir la question. Ce n’est plus possible aujourd’hui, mon confrère s’étant à jamais étendu. Il faudra donc interroger son action durant les 25 dernières années.

Vers la fin des années 1980, étudiant finissant à la Faculté de linguistique appliquée et militant pour la cause de la jeunesse, il fait ses premières armes dans la production radiophonique. Je suis alors son protagoniste ainé, moi-même qui, à ce moment, pratique le métier depuis une dizaine d’années.

Au sein du Centre de recherche et d’action pour le développement (Crad), il participe alors à la production du magazine bi-mensuel en Créole sur cassette audio Nouvèl pou n al pi lwen, destiné particulièrement à la paysannerie, aux habitantes et aux habitants des quartiers populaires.

Entre cette période et les récentes années, Sony Estéus a accumulé une riche expérience. Tantôt dans les médias conventionnels comme Radio Tropic FM, Radio Haïti Inter et Radio Kiskeya. Tantôt dans les médias associatifs et de proximité, notamment les radios communautaires qu’il a fortement contribué à lancer et à accompagner de près.

Ce travail, conditionné par les contraintes et limites personnelles, institutionnelles et sociales, a été essentiellement accompli à travers la Société d’animation et de communication sociale (Saks), dont il est l’un des fondateurs en 1992.

Cette pratique multidimensionnelle, qui embrasse plusieurs compétences, plusieurs démarches et plusieurs supports, le conduit à une action en communication, qui va au-delà du travail journalistique.

Donc, parallèlement à son rôle en tant qu’agent d’information documentée et contextualisée, Sony Estéus assume celui d’intermédiaire social, qui facilite la communication de divers secteurs, notamment les plus marginalisés.

Ici, la question est beaucoup plus de l’ordre de l’engagement socio-politique. En fait, on peut déduire que l’interrogation plurielle, qui caractérisait la quête de Sony Éstéus, est : comment faire en sorte que l’information contribue à la transformation sociale ? Comment peut-on être artisan du changement en mettant à contribution les outils de la communication sociale ?

L’action en information/communication de Sony Estéus s’est ainsi nourrie d’expériences développées bien avant son arrivée dans le métier, comme celles de la presse indépendante en Haïti, symbolisée par les radios Haïti Inter et Soleil, durant les années 1970 et 1980, fer de lance du combat contre la dictature et en faveur de l’éveil démocratique.

Puis, ses multiples rencontres lui ont ouvert la grande fenêtre de la communication populaire, telle que pratiquée dans les pays d’Amérique latine et, quelque peu, d’Europe (particulièrement la France avec les radios libres).

Dans l’Haïti de la fin des années 1980 et du début des années 1990, ces expériences constituent une source d’ inspiration pour des réflexions et pratiques de communication alternative et populaire, qui s’épanouiront à travers le pays.

Au centre de ce processus : le communicateur social, qui, en plus du droit à l’information, s’arcboute aux valeurs du droit à la communication, en tant que droit humain. Un droit essentiel au regard du combat en faveur d’une société égalitaire, d’une démocratie participative et d’un développement durable.

C’est à ce titre que Sony Estéus a été un combattant de l’avant-jour, qui a œuvré toute la nuit pour que le soleil se lève enfin ! [gp vs apr 13/03/2015 17:00]