P-au-P, 11 mars 2015 [AlterPresse] --- « Cela ne nous étonne pas. Nous savions que ce crime était [politique]. Maintenant, il revient à l’Etat de prendre ses responsabilités ».
C’est en ces termes qu’a réagi Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) autour de l’interview posthume accordée au journaliste Guyler C. Delva par Oriel Jean, ancien chef de la sécurité de Jean Bertrand Aristide, en ce qui concerne l’assassinat du journaliste Jean Léopold Dominique, le 3 Avril 2000.
Diffusée le mardi 10 mars à la radio, cette interview a été réalisée environ un an avant l’assassinat par balles d’Oriel Jean dans l’après-midi du 2 mars à Delmas (périphérie nord de la capitale).
Cet entretien permettrait de mieux comprendre les circonstances de l’assassinat du journaliste Jean Léopold Dominique et la gravité de la situation, estime, pour sa part, le journaliste Guyler C. Delva, également ancien secrétaire d’Etat à la communication du gouvernement actuel.
Dans un entretien téléphonique avec AlterPresse, Delva se dit convaincu que cette interview pourrait encourager d’autres témoins de ce crime à se manifester.
Même si le son ne peut être entendu dans un tribunal, la retranscription écrite de l’interview pourrait, par contre, être utilisée comme document, estime t-il.
Personne d’autre n’était au courant de ce qui se dit dans cette interview jusqu’à sa diffusion, pas même l’ancienne compagne du défunt journaliste, Michèle Montas, tient-il à préciser.
Contacté sur les déclarations d’Oriel Jean, très préjudiciables à Jean Bertrand Aristide et son clan, Mario Joseph, avocat de l’ancien président n’a pas voulu faire de commentaire, pour l’instant.
Ancien chef de la sécurité d’Aristide, Oriel Jean a notamment laissé entendre que Jean Dominique a été visé pour sa position critique vis-à-vis du parti politique Fanmi Lavalas qui a alors lancé une offensive vers 1999-2000 contre le journaliste.
En plus, le mouvement paysan « Koze Pèp », promu, entre autres, par Jean Dominique, aurait été vu par Aristide comme un parti politique qui pourrait le contrecarrer à la présidentielle qui était prévue à la fin de l’année 2000.
Aristide aurait engagé l’ancienne sénatrice du parti Fanmi Lavalas, Mirlande Libérus Pavert pour faire taire Dominique, considéré comme « un cancer » par cette dernière, a révélé Jean.
Ces déclarations d’Oriel Jean sont diffusées dans un contexte où un rapport a été émis, le 7 janvier 2015, sur le dossier du défunt journaliste par la chambre d’instruction criminelle de la cour d’appel de Port-au-Prince.
Ce rapport désigne l’ancienne sénatrice Mirlande Libérus Pavert, comme « auteure intellectuelle » du double assassinat de Jean Léopold Dominique et du gardien de sa station Radio Haiti Inter, Jean-Claude Louissaint.
Huit autres personnes, dont des militants Lavalas, sont inculpées dans l’assassinat : l’ancien maire adjoint de Port-au-Prince, Gabriel Harold Sévère, Annette Auguste (Sô Àn), Frantz Camille, Jeudy Jean Daniel, Markenton Michel, Toussaint Mercidieu, Mérité et Dimsley Milien.
Entre le 10 février 2011 et le 5 juin 2013, la Cour d’appel de Port-au-Prince a auditionné pas moins de 19 témoins et inculpés, parmi eux les anciens présidents René Garcia Préval et Jean Bertrand Aristide respectivement les 7 mars et 8 mai 2014, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat du journaliste.
Après l’audition le 25 janvier 2013 d’Oriel Jean, le cabinet d’instruction a décidé de considérer Mirlande Libérus Pavert comme auteure intellectuelle pour sa non comparution.
Les déclarations d’Oriel Jean ont été contestéespar l’ancien président Aristide, dans sa déposition en mai 2014. [emb kit gp apr 11/03/2015 12 : 30]