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Participation Communautaire en action

22 communautés au Cap-Haitien suivent des formations de préparation aux catastrophes

Compte rendu d’une expérience d’Oxfam

Par Maite Alvarez [1]

Soumis à AlterPresse en septembre 2004

La ville côtière du Cap-Haitien présente peu de vestiges de ce qui avait fait de cette ancienne capitale la fierté de la culture haitienne : une ville riche et distinguée bordée par la non-polluée Mer des Caraibes, une ville étalant d’élégants immeubles coloniaux, décorés de persiennes colorées et de jolis jardins.

Aujourd’hui, Cap-Haitien présente un aspect plus décourageant. La récente rébellion politique qui a conduit, en février 2004, à l’expulsion d’Haiti du président Jean Bertrand Aristide, de constantes péripéties et des années de dégradation environnementale ont fait du Cap-Haitien l’une des villes les plus vulnérables du pays.

Comme si cet héritage de problèmes ne suffisait pas, Cap-Haitien continue, non seulement d’être exposé aux adversités politiques et socio-économiques, mais aussi aux désastres naturels et ceux provoqués par l’homme.

En guise de réponse à la mauvaise destinée du Cap-Haitien, Oxfam a mis sur pied, avec le support du Programme de Préparation au Désastres (DIPECHO) de l’Office Humanitaire de la Commission Européenne, un projet qui permette aux communautés, aux organisations et institutions locales de répondre rapidement et efficacement aux désastres environnementaux.

Le projet vise à apporter une assistance à 22 des quartiers les plus vulnérables et à haut risque du Cap-Haitien. Neuf de ces communautés sont situées sur le versant instable de la montagne, Vallée du Cap-Haitien, qui surplombe la ville, tandis que les 13 autres sont situées dans l’estuaire, le long de la berge de la rivière du Haut-du-Cap.

Depuis août 2003, 714 leaders au total, venant des 22 communautés, ont reçu une formation sur la gestion du risque de désastres : planification de la réponse aux urgences, alerte et évacuation, et également secourisme. Grâce à ce programme, on s’attend à ce que 80.000 personnes bénéficient des connaissances qu’ils ont acquises sur la façon de réduire et de se préparer contre les risques de désastres possibles.

Subséquemment, 25 membres de chacune des 22 communautés-cibles ont été sélectionnés et on leur a demandé de former des comités. Ces comités portent le nom de Comités Locaux de Protection Civile (CLPC). Au sein de ces comités, une équipe formée de 7 membres est responsable de la coordination des commissions de santé, logistique, information et communication, aussi bien que de l’alerte et de l’évacuation. Chaque commission comprend 3 à 5 membres.

En plus des formations sus-mentionnées, des formations spécialisées en planification de réponse aux urgences et d’opérations de sauvetage sont en train d’être organisées. Le sauvetage aquatique et la recherche en matière de sauvetage sont deux problèmes clés qui ont été explorés au cours de la formation en sauvetage.

En plus de l’organisation de formations spécialisées, Oxfam aidera également les communautés à coordonner une campagne menée par la communauté et qui cherchera à montrer et à informer les gens des risques existants dans leur communauté. Oxfam donnera $150 à chaque communauté pour l’organisation de la campagne. Les membres de comités, grâce à l’utilisation de supports visuels (pancartes), essaieront de transmettre au public ce que signifient : ’mesures de protection’, ’plan de réponse aux urgences’ et aussi bien d’expliquer le rôle et les fonctions que remplissent les CLPC dans la communauté.

Le comité dessinera les pancartes, et une fois terminées, elles seront placées dans des endroits stratégiques tels que les écoles, les églises et les centres communautaires. Des spots radiophoniques et des pièces de théâtre seront joués durant la journée.

Les deux meilleures campagnes d’information recevront un prix ; on espère que cela encouragera les comités à travailler ensemble et à produire des résultats efficaces.

En dernier lieu, dans la région montagneuse, 9 petits projets de réduction des risques basés dans la communauté ont été mis sur pied et seront bientôt réalisés. Le projet vise à renforcer le système de drainage, réhabiliter les sentiers qui serviront de routes d’évacuation, tout aussi bien qu’à renforcer les petits ponts situés au-dessus des ravins.

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Face à la mer aux vagues fortes et écumantes, face au panorama se dessinant loin de la plage, un groupe de 16 hommes enthousiastes apprennent les opérations de sauvetage aquatique, aidés de 7 pompiers professionnels engagés pour mettre sur pied un module de formation et animer les sessions de formation. Les pompiers sont tous des formateurs chevronnés en sauvetage, qui ont animé des formations pour la mairie des Gonaives, de Jacmel et des Cayes.

Dans le cadre de supervisions d’activités, le personnel d’Oxfam a visité l’hôtel situé au bord de la plage à Camp Louise, où, la semaine d’avant, un groupe de volontaires fûtés venant de Zo Vincent et Blue Hill ont attentivement écouté les sifflets de leur formateur. Complètement équipés de gilets de sauvetage et de cordes, sous le soleil de midi, les volontaires ont répété les techniques de sauvetage.

Pendant que les hommes attendaient impatiemment leur tour pour plonger dans l’eau et sauver leur partenaire, l’employé d’Oxfam a voulu entendre leurs opinions sur la formation :
"La formation a été très bonne. Nous sommes impressionnés par le haut niveau de connaissances et le contenu du cours... la formation est difficile cependant, nous devons nous lever à 5h30 chaque matin pour faire des exercices physiques... c’est la partie la plus difficile de notre séjour ici... Cependant, c’est une grande opportunité pour acquérir des techniques appropriées" a dit Romilus Tilus, qui vit à Blue Hill.

Quand on lui a demandé pourquoi il a voulu participer à la formation, André Rony Rodeny (25 ans) a affirmé que : "Je fais partie de notre comité local depuis un an et, à la suite des inondations qui ont emporté ma maison et mes biens, j’ai décidé de jouer un rôle plus actif dans ma communauté. Etant donné que je remplissais toutes les conditions d’admission (je suis un excellent nageur, d’un âge situé entre 18 et 45 ans, en très bonne santé et j’ai une très forte motivation à aider les autres) j’ai décidé de soumettre une application pour la formation...Beaucoup de gens dans notre communauté ne savent pas nager ; de ce fait, ils ont été de tout coeur avec nous et nous ont encouragés à venir ici. Ils espèrent que cette formation fera une différence dans leurs vies".

Parlant de quelques-unes des techiques qu’il a acquises au cours de la formation, Romilus Tilus maintient que : "En cas d’inondation, je sais maintenant où les victimes doivent s’être dispersées... nous sommes tous préparés à toute éventualité...maintenant aussi, nous savons que nous pouvons transmettre aux autres toutes les connaissances que nous avons acquises. Cependant, ce serait beaucoup plus facile si nous avions un système de communication...nous avons besoin de radios pour communiquer entre toutes les communautés. Si Oxfam ne peut pas nous fournir ces outils, alors, qui le fera ?".

Quand on lui a demandé ce qu’il changerait dans la façon dont le programme est structuré, Tilus a avancé que : "Une formation ne suffit pas ! Oxfam souhaite réellement faire une différence durable ; elle a besoin de continuer à supporter nos communautés à travers d’autres formations et l’accès aux ressources...Ce n’est pas seulement une question d’assistance financière, c’est aussi une question de recevoir des conseils et un accompagnement."

"Les problèmes d’alphabétisation et de contraintes de temps ont été les deux plus grands défis que nous avons eus à affronter au cours de la réalisation de ce projet... en dehors de cela, nous sommes très impressionnés par tous les participants qui ont participé à cette formation" a expliqué l’un des pompiers tandis qu’il montrait à un volontaire comment soulever soigneusement une victime du sol.

Vers 9h30 am le jour suivant, dans le centre du Cap-Haitien, un important groupe de volontaires se sont eux-mêmes activement lancés dans un processus afin de déterminer et de détailler leurs procédures de réponse aux urgences dans les domaines de : santé, logistique, information et communication.

Leyette Mompremier, une institutrice de Fort St Michel, a accepté de dire à Oxfam quelle était sa perception du programme : "Je suis impliquée dans le travail d’Oxfam depuis juillet 2003Â….ce programme a été très positif depuis qu’il a mobilisé les gens et leur a donné l’espoir. Les structures de l’état sont faibles, ils n’ont pas fait grand chose ; la présence d’Oxfam a donc fait la différence. Nous nous inquiétons, cependant, de ce que le programme se termine si tôt. Nous aurions aimé avoir l’opportunité de mettre en pratique les procédures de réponse aux urgences que nous avons définies".

En dernier lieu, la formation de secourisme organisée conjointement avec la Croix-Rouge Haitienne s’est révélée, non seulement utile, mais aussi très réussie. Récemment, des volontaires ont donné les premiers soins à deux individus et les ont sauvés d’une mort certaine. Une personne a eu une crise cardiaque et l’autre souffrait d’une hémorragie.

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Il est vrai que la préparation aux urgences n’est que la première étape dans la gestion du risque de désastres. Cependant, dans de telles situations où il n’existe aucune autre structure en place, la préparation aux urgences est un instrument essentiel qui peut être utilisé pour minimiser les pertes matérielles et en vies humaines causées par les désastres naturels et ceux provoqués par l’homme. On ne doit pas oublier le fait qu’une fois la formation aux urgences réalisée, d’autres étapes doivent envisager la réduction d’autres risques dans l’avenir en ciblant les causes racines de la vulnérabilité.

Ceci étant dit, cela remonte le moral de savoir que la formation offerte dans le cadre du projet DIPECHO a déjà fait une différence dans la vie des gens. En fait, Oxfam croît fermement que fournir aux communautés affectées les outils nécessaires pour progresser est l’unique façon qu’elles ont de rompre avec le cycle continu de pauvreté et de vulnérabilité qui les entoure. Renforcer la capacité des communautés est crucial quand on lutte pour aller de l’avant et améliorer la vie des gens.


[1Officier de Communication d’Oxfam GB - Haiti