P-au-P, 20 févr., 2015 [AlterPresse] --- Alors que le Gouvernement projette d’adopter un ensemble de mesures techniques pour renforcer la sécurité publique lors des rassemblements culturels, plusieurs secteurs de la vie nationale estiment que l’on devrait fixer les responsabilités dans l’accident, survenu dans la nuit du 16 au 17 février, ayant couté la vie à près de 18 personnes et blessé 78 autres.
Face à cet accident, le gouvernement, dans une note de presse, annonce avoir demandé au ministre des travaux publics, transports et communications (Mtptc), Jacques Rousseau, de faire l’inspection générale des câbles de haute tension par rapport à la sécurité des ménages et la circulation des véhicules, en particulier les convois exceptionnels (trailer, camions…).
Un comité d’inspection générale de sécurité publique doit être mis en place pour évaluer le respect des normes de sécurité publique par rapport à la distribution des câbles électriques, utiliser des câbles souterrains dans l’aire du parcours carnavalesque et aménager un large périmètre de sécurité autour des chars.
Par ailleurs, « pour les festivités publiques, telles que les fêtes champêtres et tout autre rassemblement d’envergure, dont le carnaval, les ministères suivants : ministère de la Justice et de la Sécurité publique, ministère des travaux publics, transports et communications, ministère de la Culture, ministère de la Santé publique et de la Population sont instruits de former une commission d’évaluation de la sécurité publique du carnaval de février 2015 pour produire un rapport dans les trente (30) jours ouvrables suivant sa formation », lit-on dans la note.
Ils devront également mettre en place un comité permanent de certification de sécurité publique pour les manifestations carnavalesques et festivités publiques à venir. Ce comité devra produire les normes de sécurité publique à respecter par les acteurs.
Le Gouvernement a pris la décision de veiller à l’application « scrupuleuse » de ces mesures et prendra d’autres dispositions appropriées selon les circonstances et les événements à réaliser sur toute l’étendue du territoire national, affirme la note.
L’équipe d’Evans Paul souligne qu’il ne manquera pas de pénaliser les responsables qui auront failli à leur tâche.
Entre négligence criminelle et irresponsabilité
Le parti politique Fanmi Lavalas accuse l’Etat haïtien dans la tragédie du 17 février.
« L’Etat haïtien se doit d’être responsable. Le premier jalon consiste en la reconnaissance de ses manquements et non en la recherche d’excuses qui conforteraient la thèse d’un simple accident surtout que dans pareil cas, un accident n’arrive jamais par hasard », soutient le Parti Fanmi Lavalas dans la note.
Fanmi Lavalas demande instamment au gouvernement d’indemniser les parents des disparus ainsi que les blessés. Il réclame aussi avec vigueur la tenue d’une enquête publique sur les causes de la tragédie et les moyens d’éviter des nouvelles.
Plusieurs autres partis d’opposition, comme l’Organisation du peuple en lutte (Opl), et des entités socio-politiques, comme l’initiative pour un Mouvement patriotique démocratique et populaire (Mpdp), vont dans le même sens.
Une position que partage également le secrétaire exécutif de la Plateforme des organisations haïtiennes de défense des droits humains (Pohdh), Antonal Mortimé, qui estime que cet accident est de la négligence criminelle.
« Cela veut dire que des personnes ne se sont pas occupé des câbles électriques impliqués dans cet accident. S’il y a de la négligence criminelle, il faut punir les criminels », critique Antonal Mortimé dans une interview à AlterPresse.
Mortimé pointe aussi une mainmise du chef de l’Etat sur le carnaval et ses conséquences, comme la violation de la liberté d’expression de certains groupes critiques à l’endroit du président.
A qui la faute ?
Joint au téléphone par AlterPresse, le président du comité du carnaval, Gregory Sabba, insiste sur le fait que tous les chars avaient la même hauteur, à savoir 23 pieds.
Toutefois, un ingénieur consultant en système énergétique a affirmé à AlterPresse que les câbles électriques seraient placées à 35 et 40 pieds, ce qui correspondrait à la norme en la matière.
Sabba soutient fermement la thèse de l’accident, parce que, normalement, les artistes ne devraient pas se tenir debout sur les chars, dit-il. Ce qui n’était pas le cas pour Daniel Darius, plus connu sous le nom de « Fantom ».
Pour Antonal Mortimé, cependant, le comité du carnaval semble avoir trop peu tenu compte des dangers.
« Le comité du carnaval national planifie ces festivités carnavalesques pendant plusieurs mois. Sans doute, il vend des espaces pour les stands, mais il n’a jamais tenu compte des branches d’arbres et des cables électriques. Donc, je pense que c’est lui qui a la responsabilité directe. Tout l’Etat haïtien est responsable », regrette Antonal Mortimé.
Le défenseur des droits humains souhaite aussi qu’une commission d’enquête interroge les responsables de la mairie de Port-au-Prince et de l’Electricité d’Haïti.
Il souligne également que les autorités doivent donner, aux familles des victimes, la possibilité de décider des funérailles de leurs proches.
Les funérailles seront prises en charge par l’administration Martelly et auront lieu en même temps le samedi 21 février 2015.
Pour l’instant, certaines familles ont exprimé le désir d’organiser des enterrements dans l’intimité.
Le jeudi 19 février 2015, des psychologues ont été envoyés par le gouvernement auprès des familles éplorées, alors qu’une équipe - dirigée par un médecin légiste - a entrepris l’identification des cadavres, en compagnie des parents.
Une précédente information officielle indiquait que tous les cadavres avaient été identifiés, sauf un. [jep apr 20/02/2015 00:10]