Par Edner Fils Décime
P-au-P, 16 févr. 2014 [AlterPresse] --- Le premier jour gras des festivités carnavalesques (15 février) semble avoir comblé les attentes de réjouissance et de bonne ambiance des dizaines de milliers de carnavaliers qui y ont pris part à Port-au-Prince.
Jusqu’à 5 heures du matin du 16 février, le rythme, les décibels et la danse ont ponctué le cœur et le corps des Haïtiens.
Les fêtards ont longé la rue Oswald Durand à partir du stade Sylvio Cator en passant par le boulevard Jean-Jacques Dessalines, puis la rue des casernes pour investir l’avenue de la république avant de parvenir dans l’aire du Champ de Mars, principal lieu d’animation musicale avant la rue Capois suivi de la rue Saint Honoré et la rue Oswald Durand où la boucle est bouclée.
16 groupes musicaux ont créé l’animation sur le parcours, chacun selon ses capacités. Ils ont été jugés et jaugés par les tours de reins, par les agitations frénétiques des mains, des mouchoirs, des drapeaux, des vêtements, par les reprises en chœur des refrains populaires des meringues, etc.
10 groupes représentent le rythme national Compas, T-Micky, Kazino, Carimi, Le Konpa, Kreyòl la, Deng One, T-Vice, Djakout#1, Anbyans tèt Dwat et Bel Plezi.
Le rythme rap dit créole a pour représentants les concurrents Baricad Crew et Rock Fam.
Boukman Esksperyans est la seule formation musicale du rythme racine sélectionnée pour performer durant les trois jours gras.
King Posse, qui revient sur le parcours et Team Lobèy sont de la tendance raggamufin alors que Vwadèzil joue du Rabòday.
Cependant, les différents cas de blessures par diverses armes et au moins un cas de mort font un canard dans la symphonie.
D’autre part, une bonne quantité de chars allégoriques, sur lesquels n’ont pas trôné des rois et des reines, n’ont pas ravi le public habitué à ces jeunes filles et jeunes hommes habillés élégamment par des grands couturiers et/ou des modistes locaux.
« Nou tout se Ayiti (nous sommes tous Haiti) » est le thème retenu pour le Carnaval 2015.
Le défilé des bandes à pieds : un peu de place aux minorités et à la mémoire
Les femmes et les personnes en situation de handicap ont participé au défilé du 15 février et ont pu « faire passer leur message de sensibilisation ».
6 raras de femmes sont remarqués dont Vodoula et Simbi Roots emmené par Dieuvela Etienne de l’atelier Toto B.
« Un mythe commence à tomber depuis quelques années. Nous prouvons que les femmes peuvent jouer de la vaccine, rouler du tambour et avoir leur propre rara comme les hommes » déclare une musicienne à AlterPresse.
Des jeunes militantes d’organisations féministes véhiculent des messages de sensibilisation sur l’égalité entre les hommes et les femmes, sur les revendications pour les droits des femmes par le biais de pancartes du Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes (Mcfdf).
Le défilé des bandes à pieds et des bandes déguisées est un moment important de mise en évidence des couleurs, des talents de nos acrobates, de nos maquilleurs et maquilleuses, de nos écoles de danses et de la musique des bandes à pied.
Une bande à pied de sourds-muets joue sur le parcours et le Secrétaire d’Etat à l’intégration des personnes handicapées, Gérald Oriol Junior, est lui-même présent physiquement pour accompagner un autre groupe de personnes handicapées « défilant pour mieux sensibiliser la société sur cette cause ».
Faire passer un message, plusieurs en saisissent l’occasion. C’est le cas de ces jeunes déguisés en arbres à bouteilles plastiques qui veulent inviter les citoyens à ne pas les jeter dans la rue mais plutôt à construire des objets de décorations avec.
Le bureau national d’ethnologie est très présent dans le défilé avec la mise en scène de la reine et du roi Zobop. Le rouge au rendez-vous, la liaison du zobòp comme forme de résistance tant sous la colonie que sous l’occupation américaine de 1915 est rapidement faite.
Plus loin dans le défilé, on retrouve deux hommes déguisés en héros de l’indépendance nationale dont un symbolise le fondateur Jean Jacques Dessalines, montés à cheval arborant un montage des drapeaux américains, français et canadiens qui piétinent avec leurs bottes le drapeau haïtien.
Tout en appelant les Haïtiens à se souvenir de l’occupation américaine de 1915 et en s’appuyant sur le thème du carnaval, ces messieurs lancent « si vous êtes des Haïtiens, révoltez-vous jusqu’au bout ».
Et ça déplait
Les groupes musicaux qui feintent des pannes pour ne pas se retrouver pris entre les puissants décibels des ténors, les feedbacks des microphones, la guerre des décibels dans l’aire du champ de mars ainsi que les slogans violents et machistes n’ont pas été des plus souhaitables dans cette fête populaire.
Nos danseurs et danseuses qui comptent à haute voix leurs mouvements montrent le niveau amateur des écoles.
A minuit 20 on retrouve encore des groupes sur le boulevard Jean-Jacques Dessalines en mode « mute », la diligence de la logistique du carnaval pose problème.
Que nos policiers circulent avec des armes de guerres en plein défilé soit pour sécuriser le parcours ou protéger une autorité ou tout simplement des proches, révolte les carnavaliers subissant les bousculades.
Etre obligé de faire des acrobaties pour pouvoir identifier le nom d’un groupe musical qu’on risque en plus de confondre avec celui d’un sponsor – puisqu’occupant toute la devanture du char – déplait.
Qu’un rara de femmes n’arbore aucune de ses couleurs pour s’habiller entièrement de la couleur et des habillements de l’entreprise qui le sponsorise tue notre carnaval, estime une participante. [efd kft gp apr 16/02/2015 17 :30]