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Haïti-Rép. Dominicaine : Racisme et liaisons douteuses

P-au-P, 13 février 2015 [AlterPresse] --- L’assassinat d’un cireur de chaussure haïtien mis en scène sur une place publique en République Dominicaine est loin d’être un fait divers et soulève la question du racisme et des relations empreintes de duplicité entre les responsables des deux pays se partageant l’ile d’Haïti.

Jean Claude Jean Harry a été tué et retrouvé pendu dans le parc Ercilia Pepin en face de l’hôpital José María Cabral y Báez, le 11 février. Dans la foulée, un drapeau haïtien a été incendié par un groupe de Dominicains anti-haïtien.

Le Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés(Garr), qui tire la sonnette depuis plusieurs années, rappelle que ce crime a eu lieu dans un contexte où un processus de régularisation de migrants haïtiens en territoire voisin se déroule.

Cet assassinat, s’il est accompagné d’une mise en scène macabre, n’est pourtant pas nouveau. Le Garr, tout en appelant les responsables dominicains à agir en faveur du respect des droits humains, pointe particulièrement les autorités haïtiennes.

« Que fait le gouvernement haïtien ? Qu’avait-il l’habitude de faire d’ailleurs ? Ces cruautés semblent toujours passer pour des faits divers dans les échanges de grands salons, où les affaires économiques sont généralement primées », déplore la plateforme dans un communiqué daté du 11 février.

L’an dernier, les deux Etats ont tenu plusieurs réunions binationales mais la migration n’a pas été au cœur de l’agenda contrairement aux questions économiques.

« L’Etat haïtien, dans le cadre des relations avec la République dominicaine, en raison du business, du financement de campagne et autres, n’a jamais eu le courage de mettre en place une diplomatie responsable pour protéger nos ressortissants. Et cet acte démontre que le gouvernement haïtien est en train de les sacrifier sur l’autel de ses intérêts particulier », réagit l’avocat et politologue Joseph Joël Louis du Collectif 4 décembre.

Un ancien sénateur dominicain, Felix Bautista, aujourd’hui pris dans une spirale judiciaire pour corruption, a financé la campagne de Mirlande Manigat et de Michel Martelly, actuel président. Bautista aurait, selon la justice de son pays, bénéficié de contrats frauduleux de la part les responsables haïtiens.

Mais à coté de ces liaisons douteuses entre politiques haïtiens et dominicains sur fond d’intérêts commerciaux, il y a, dans la répétition des crimes à l’égard des Haïtiens en République Dominicaine, le racisme qui semble à son plus haut niveau.

L’assassinat du cireur de chaussure est « encore la preuve du racisme exacerbé » qui a cours en terre dominicaine, estime Joseph Joël Louis, relevant : « Il y a beaucoup de gens en situation irrégulière en République Dominicaine mais seulement les noirs et [surtout] les Haïtiens sont persécutes ».

L’avocat Gédéon Jean, du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme, considère que si ces actes d’assassinats contre les Haïtiens ont lieu c’est « parce qu’au sein de l’Etat dominicain, de la société civile dominicaine, l’extrême droite domine et cautionne ces actes ».

Cet assassinat demeure une « barbarie », mais « ce n’est pas nouveau », signale-t-il.

2014 a été marquée, en effet, par des actes d’assassinats et de représailles contre des Haïtiens de l’autre côté de la frontière. Parmi plusieurs cas, celui de Santo, un Dominicain, armé d’une machette, qui a semé la terreur.

Critiquant à la fois l’Etat haïtien et l’Etat dominicain, Gédéon Jean souligne : « C’est une évidence que la situation a pris une autre proportion ». Il ajoute plus loin : « malheureusement ce n’est pas une chose qui intéresse la société civile haïtienne autant que la politique ».

Outre la réaction de la communauté économique de la Caraïbes(Caricom), la situation ne semble pas beaucoup préoccuper les autres pays de la région, déplore-t-il, tout en appelant la société civile à se soulever et à prendre cette cause migratoire à bras le corps. [apr 13/02/2015 12 :50]