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Haiti - Catastrophe : Nécessité d’un consensus national pour la refondation de l’État

Déclaration du Conseil des Sages suite à la tragédie de l’Artibonite et du Nord-Ouest

Soumis à AlterPresse le 1er octobre 2004

Le Conseil des Sages veut redire son vif émoi face à tant de désastre, de souffrance humaine et de désespérance. Il réitère ses sympathies et sa solidarité à toutes les communautés si durement frappées, en particulier celles des Gonaïves et des régions environnantes. Il présente ses plus sincères condoléances aux nombreuses familles endeuillées.

Le vendredi 23 septembre, le Conseil des Sages a effectué une visite aux Gonaïves. A cette occasion, il s’est entretenu avec les Autorités Locales et les responsables du Groupe d’Assistance mis en place par la MINUSTHA (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti). Au-delà de l’émotion, le Conseil des Sages estime nécessaire de formuler certaines remarques.

1. Dans les communautés touchées par le désastre, les Administrations Publiques, déjà anémiques et déficientes, sont également sinistrées. Le Conseil des Sages partage des préoccupations exprimées par les Autorités Locales et veut s’en faire le relais.

a) L’ampleur de la catastrophe en fait un drame national qui dépasse, de loin, les capacités des Administrations Locales, notamment dans la ville des Gonaïves déjà très marquée par les effets du chaos politique sous le régime Lavalasse.

b) La formation de structures de coordination à Port-au-Prince, pour importante qu’elle soit, n’a de sens que dans la mesure où cette démarche s’accompagne d’un véritable transfert de ressources humaines, matérielles et financières vers les zones affectées. Les Autorités Centrales se doivent donc, en toute urgence, de renforcer les Administrations Locales, afin que ces dernières soient actrices des interventions réalisées. Le Pouvoir Central donnera ainsi une image cohérente et coordonnée de la prise en charge par l’Etat, renforcera les Administrations Locales et, surtout, leur permettra d’acquérir l’expérience de gestion nécessaire pour faire face à ce type de catastrophe. Car, au regard de la désastreuse situation écologique nationale, Haïti aura malheureusement à faire face à d’autres désastres. Faute de pouvoir les éviter à court terme, il importe de pouvoir convenablement gérer leurs effets, pour limiter les dégâts et fournir une assistance adéquate aux populations.

c) Le Conseil des Sages salue les nombreuses initiatives de solidarité agissante mises en branle par différents secteurs nationaux et internationaux. Il souligne cependant l’impérieuse nécessité d’une coordination de ces actions ; afin qu’elles soient réellement porteuses de soulagement pour les populations sinistrées et qu’elles soient également structurantes pour le futur.

2. Le Conseil des Sages prend acte de la dénonciation, par le Gouvernement, des actions ayant entraîné la dégradation de l’environnement. Le Conseil insiste cependant pour que ce constat s’accompagne de mesures concrètes visant d’une part, à donner aux citoyens/citoyennes le sens de leurs responsabilités par rapport à leur environnement et, d’autre part, à offrir des alternatives économiques sérieuses à l’exploitation sauvage du bois. Les limites des interventions de prévention des dégâts causés par les catastrophes naturelles sont une leçon majeure du drame actuel.

3. Le Conseil des Sages croit que cette tragédie est une nouvelle occasion pour la société haïtienne de se questionner sur l’exercice des responsabilités. Le drame actuel, tout en montrant la célérité des organisations humanitaires, rappelle à notre collectivité que, quel que soit l’engagement de ces organisations et de la Société Civile, leurs interventions ne peuvent être que des palliatifs ponctuels à des défaillances structurelles.

4. Ces situations de crise démontrent, si besoin est, la nécessité de construire un Etat apte à remplir sa mission par devant la Nation. Le Conseil des Sages insiste donc sur la nécessité d’un consensus national pour la refondation de l’Etat. A court terme, cela implique au niveau de l’Administration Publique centrale et locale, le recrutement de personnels qualifiés et intègres, la revalorisation du statut de la Fonction Publique dûment sous-tendue par la promotion des valeurs liées au Service Public et, le respect par le pouvoir politique des missions et attributions des différentes Administrations.

Port-au-Prince, le 27 septembre 2004

Pour le Conseil des Sages : Danièle Magloire, Porte parole