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Haïti-Infrastructures : Les travaux de rénovation de la place d’armes des Gonaïves soulèvent le mécontentement

Correspondance Exalus Mergenat

Gonaïves, 23 févr. 2015 [AlterPresse] --- Alors qu’ils s’attendaient à une place d’armes rénovée - qui pourrait représenter le fleuron du centre-ville des Gonaïves, beaucoup de citoyennes et citoyens de cette ville affirment leur insatisfaction quant à la qualité et à l’insuffisance des travaux entrepris sur cette place publique et historique, qui ne présenterait pas l’image d’un vrai espace d’attraction, selon les témoignages recueillis par l’agence en ligne AlterPresse.

Deux fois rénovée, la principale place publique des Gonaïves est loin d’être une fierté pour les habitantes et habitants de la cité de l’indépendance.

Des travaux, non achevés à cause des turbulences politiques, en 2003, ont été effectués sur cette place publique sous l’ancienne administration (Jean-Bertrand) Aristide/ (Yvon) Neptune.

La nouvelle configuration de la place d’armes des Gonaïves

Dans le cadre des nouveaux travaux de rénovation, la firme exécutante dénommée Société haïtienne de construction (Sohaco) a clôturé la place d’armes en fer forgé, avec 4 entrées principales.

Deux jets d’eau, dont l’un à l’est et l’autre à l’ouest, y ont été placés.

L’obélisque et la statue de l’empereur Jean-Jacques Dessalines, formant le monument de la guerre de l’indépendance haïtienne, ont été retouchées et décorées, avec des céramiques à sa base.

Un mini-système d’éclairage, avec au moins 4 petits projecteurs, a été aussi installé.

Environ une vingtaine de bancs en béton y ont été aménagés, en remplacement de certaines des anciennes structures en fer.

En vue de doter la place d’armes des Gonaïves de plus d’espace vert, de nombreux parterres, dont certains garnis de gazons, de fleurs et des arbustes ornementaux, comme des palmiers dattiers, y ont été créés.

Les tuyaux, qui serviront pour l’arrosage des plantes sur la principale place publique des Gonaïves, ont été refaits.

« Vingt sept (27) millions de gourdes (US $ 1.00 = 48.00 gourdes ; 1 euro = 60.00 gourdes aujourd’hui) : tel est le montant qui a été décaissé pour la réalisation de ces petits travaux de réaménagement, financés par le peuple haïtien à travers le trésor public », confie à AlterPresse l’un des agents exécutifs intérimaires des Gonaïves.

Il n’empêche que des citoyens de la ville s’interrogent, voire émettent des doutes quant à une utilisation pertinente du montant décaissé.

Toute une ville choquée

Le montant d’argent, alloué au réaménagement de la place d’armes des Gonaïves, ne justifierait pas la qualité et la quantité des travaux constatés, observent-ils.

« D’abord, le gazon, utilisé pour embellir les parterres de cette place, ressemble à des zèb Ginen ou herbes de savanes (herbes sauvages) », relève un habitant des Gonaïves, interrogé par AlterPresse.

« Les parties en béton, qui sont à peine construites, commencent déjà à se fissurer », dénonce Jonas Félix, délégué de ville de la zone « Avenue des dattes » aux Gonaïves.

« La nouvelle clôture en fer forgé de la place publique n’est pas solide, elle commence à se détacher des bétons de support », critique un autre citoyen.

« Avant les travaux de rénovation, il y avait des arbustes sur la place d’armes. Les responsables de la firme les ont abattus, sans les avoir remplacés », signale une citoyenne qui se demande « comment peut-on rénover une place publique, sans y planter des arbres » ?

Reconnaissant les anomalies soulignées, l’un des agents exécutifs intérimaires des Gonaïves, Erick André, affirme avoir demandé aux responsables de la firme de corriger cette situation.

Les agents intérimaires mis en cause

« Au lieu d’avoir utilisé à bon escient l’argent alloué, les responsables de la Société haïtienne de construction (Sohaco) ont fourni un travail bâclé… », fustige le coordonnateur du Mouvement démocratique pour une opposition durable (Modod), Jécosias Pierre, stigmatisant de l’insouciance chez les agents exécutifs intérimaires des Gonaïves.

Le jeudi 1er janvier 2015, l’agent exécutif intérimaire principal des Gonaïves, Stevens Saint-Fleur, alias anpil luil, a été chahuté - lorsqu’il prononçait son discours sur la place d’armes des Gonaïves - par des centaines de personnes, insatisfaites de sa gestion, qui exigeaient son départ.

Tout cela s’est passé en présence du président, Joseph Michel Martelly, du premier ministre alors désigné, Evans Paul, et de beaucoup d’autres officiels, qui participaient aux activités commémoratives du 211e anniversaire de l’indépendance d’Ayiti.

« Si la communauté des Gonaïves n’est pas satisfaite, moi, en tant que maire, je ne peux pas être, non plus, satisfait. La place d’Armes des Gonaïves est le patrimoine du pays. C’est là que l’acte de l’indépendance a été rédigé. Je m’attendais à une rénovation en bonne et due forme de ce monument », déclare à AlterPresse Stevens Saint-Fleur.

Il annonce, pour bientôt, une rencontre avec des responsables de la Sohaco pour faire le tour de la question.

« Étant donné que la firme ne m’a pas encore remis pas l’ouvrage qui devra être inauguré, je pense que l’ingénieur responsable est conscient de la qualité des travaux. Il pourra remédier à la situation », espère Saint-Fleur.

Stevens Saint-Fleur dément avoir reçu des pots-de-vin du montant d’argent, qui a été décaissé pour les travaux de rénovation de la place d’Armes.

La position de la Sohaco

« Ce qui compte pour moi, c’est la réputation de ma firme. Venir travailler aux Gonaïves n’est pas un cadeau : c’est le résultat satisfaisant de nombreux travaux réalisés pour l’Etat haïtien. L’Unité de construction des logements et des bâtiments publics (Uclbp), qui est responsable des travaux, est toujours satisfaite de mes réalisations. Elle n’accepte jamais des travaux hors normes », se défend le directeur exécutif de Sohaco, Thierry Serres, questionné par AlterPresse sur les critiques de la population.

Pour Serres, l’agent exécutif intérimaire principal des Gonaïves devrait seulement « exprimer son insatisfaction pas rapport au travail de gazonnage de la place, qui n’est pas parfait, mais dont le plan a été préalablement soumis au responsable environnemental de la mairie des Gonaïves ».

A quand la réouverture officielle de la place d’armes des Gonaïves ?

Rien n’est clair pour le moment.

Libérée de sa clôture en tôles, limitant le chantier pendant environ 3 mois (début d’octobre à fin décembre 2014), la place d’armes des Gonaïves a été provisoirement rouverte, le 31 décembre 2014, pour recevoir la traditionnelle cérémonie officielle du 1er janvier (2015).

Depuis environ une semaine, aucun ouvrier n’est remarqué sur la place d’armes des Gonaïves, qui reste, pour l’instant, fermée au public.

Initialement, les travaux de rénovation de la place d’Armes des Gonaïves devaient prendre fin avant le 1er janvier 2015. [em kft rc apr 23/02/2015 1:55]