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Haïti-Presse/Corruption : Des enveloppes distribuées à des journalistes accrédités au palais présidentiel suscitent protestations et remous

Texte actualisé le 30 janvier 2015 / Révision des citations des professeurs Franck Séguy et Louis Gabriel Blot

P-au-P, 27 janv. 2015 [AlterPresse] --- Les protestations de la station privée Radio Kiskeya contre un « acte ignoble de corruption » de la présidence vis-à-vis des journalistes accrédités au Palais National, le 23 décembre 2014, en leur remettant « des enveloppes contenant respectivement cinquante mille gourdes (50,000.00 Gdes) et quarante mille gourdes (40,000.00 Gdes) », suscitent des remous.

Dans une lettre adressée à la présidence, les responsables de la station indiquent que le président Michel Martelly a personnellement offert aux journalistes « un petit cadeau pour la modicité duquel ils ne devraient pas se formaliser. »

Il les a, par la suite, référés à son porte-parole, Lucien Jura, et à Esther Fatal, responsable du Bureau de Communication de la Présidence, qui ont personnellement remis à chacun d’eux l’ignoble cachet, ajoute la lettre.

La radio annonce de sévères sanctions contre ses journalistes qui ont accepté de recevoir cet argent.

Interrogé sur ce fait qui défraie la chronique, Franck Séguy, professeur à la Faculté des Sciences Humaines et ancien journaliste, le qualifie d’« acte de corruption claire », ce qui caractérise selon lui « le rapport à la presse en Haïti ».

« Ce n’est pas la première fois que les journalistes reçoivent des Pots-de-vin », avance-t-il, déplorant que cette pratique « n’a jamais été discutée dans la presse ».

Le professeur Séguy avait déjà dénoncé ce genre d’agissement, en 2006, dans le cadre d’un mémoire intitulé « La sociologie de la pratique de journaliste à Port-au-Prince ».

Dans ce texte, le professeur met en évidence la notion de « journaliste de marché », qui s’érige en « pratique normale », à un point tel que « les marchands de micro et d’espaces médiatiques n’ont aucun scrupule à parler ouvertement de leurs forfaits ».

Pour lui, une cause majeure de ce phénomène serait le fait que le salaire ainsi que les conditions de travail du journaliste ne lui permettraient pas de vivre en dignité, et le patron de média lui laisserait la possibilité d’aller « compléter son salaire ailleurs ».

Le professeur Louis Gabriel Blot, professeur de Communication et d’Ethique à la Faculté des Sciences humaines, précise, pour sa part : « dès qu’on donne au journaliste des per diem, des frais de déplacement, on le condamne à faire un reportage positif ».

La question des « cadeaux et gratifications » est traitée dans le Code de déontologie, adopté, le 8 décembre 2011 à Port-au-Prince, par plusieurs associations du secteur Presse et Médias, dont l’Association des journalistes haïtiens (Ajh).

Au point 18, le document stipule que « les médias et les journalistes refusent tout cadeau ou gratification pouvant compromettre leur impartialité. Ils refusent que des entreprises, des institutions ou des organisations les paient pour couvrir des événements ».

« En vue de contribuer à assurer ou à valoriser le statut professionnel du journaliste, les responsables des médias devront s’efforcer d’offrir une rémunération, permettant aux journalistes de mener une vie digne et décente », lit-on au point suivant.

Le code présente, en même temps, comme un devoir pour le journaliste, l’obligation impérieuse de « chercher constamment à se perfectionner et à maîtriser les techniques, dont il a besoin, pour mieux exercer sa profession avec le soutien des médias pour lesquels il travaille », alors que « les responsables des médias devront encourager les journalistes à participer à toutes formes de formation visant à leur intégration dans la profession ». [jep gp apr 27/01/2015 16:40]