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L’histoire d’Haïti revisitée dans le livre « L’hospitalité entre l’éthique et le droit »

Par Wooldy Edson Louidor

Bogotá (Colombie), 22 janvier 2015 [AlterPresse] --- Depuis la « rencontre » de Christophe Colomb avec les Indiens (Les Taïnos) en 1492 jusqu’à date, l’histoire d’Haïti (Ayiti à l’époque « précolombienne », Hispaniola selon les premiers conquistadores espagnols et Saint-Domingue sous la colonisation française), n’a pas cessé de provoquer, partout dans le monde et surtout en Amérique Latine, un mélange étrange d’étonnement, tellement que cette histoire est tissée de paradoxes.

Ayiti : le premier territoire du « Nouveau Monde », où s’installa le conquérant de l’Amérique, Christophe Colomb ! Et où les conquistadores espagnols décimèrent, dans l’espace de moins de deux siècles, les Indiens (Taïnos) qui y habitaient tranquillement !

Le lieu, où l’histoire enregistra la première lutte de résistance à la conquête du « Nouveau monde », dirigée par une femme Anacaona.

C’est également là, où s’érigea la première république noire au monde en 1804 !

Grâce à cet évènement majeur de l’histoire mondiale, les droits humains trouvèrent un contenu concret, universel et dépourvu de discrimination sur la base de la race.

L’indépendance d’Haïti apprit, aux philosophes et penseurs occidentaux, dont l’allemand Hegel, le vrai sens de la liberté, selon l’étude réalisée par l’écrivaine étasunienne Susan Buck-Morss [1].

Enfin, Saint-Domingue, la colonie française la plus prospère au 18e siècle, est devenue, au XXe siècle, le pays le plus pauvre de l’hémisphère !

Haïti a toujours été au cœur de l’histoire mondiale. Soit comme contre-exemple, pour les pays qui veulent rompre avec la dépendance sous toutes ses formes ! Soit à titre de paradigme de la contre-histoire, dans le sens foucaultien d’expression du droit à la rébellion.

Haïti, c’est le pays du réel merveilleux, disait déjà l’écrivain cubain Alejo Carpentier, où l’histoire est racontée par ceux d’en bas et où les vaincus exercent leur droit à faire valoir leur propre version.

Cependant, l’histoire d’Haïti est le théâtre d’un champ de bataille entre ceux qui veulent l’effacer (la « rendre invisible », selon l’uruguayen Eduardo Galeano) ou la « fausser délibérément », comme disait Noam Chomsky, et ceux qui luttent pour tirer la vraie histoire des oubliettes et la revendiquer comme l’histoire des victimes (et de toutes les victimes) des conquêtes, de la traite négrière, de l’esclavage et des représailles contre toutes formes de résistance à l’oppression, l’exploitation, le racisme.

En ce sens, la publication, en espagnol, sur le site web de vente en ligne Amazon [2], du livre intitulé « La hospitalidad entre la ética y el derecho » [3](en francais, L’hospitalité entre l’éthique et le droit) alimente le débat, en contribuant à revigorer cette revendication légitime.

Ce texte part de la « rencontre » entre les Indiens d’Ayiti et les conquistadores espagnols, en lui donnant une place privilégiée dans l’histoire mondiale. Cette « rencontre », ratée, durant laquelle les Indiens accueillaient les Espagnols, alors que ces derniers leur répondaient avec hostilité en leur faisant la guerre en vue de les esclaviser, les exploiter et les opprimer.

Ce fut la mise en marche de l’entreprise de la conquête et la colonisation de tout un continent. Début de l’hégémonie de tout un continent, l’Europe, sur le monde. Point de départ d’une autre phase de l’histoire mondiale, faite de violences, d’oppression, de racisme, d’esclavage et aussi de libération, de résistance à l’absurde et d’émancipation en Amérique Latine et à travers le monde.

Le texte invite à lire la « rencontre » à partir de cette clé d’interprétation : l’hospitalité des Indiens, trahie par l´hostilité des Espagnols. Le couple ambivalent hospitalité-hostilité.

À partir d’une relecture de Vers la Paix perpétuelle du philosophe allemand Emmanuel Kant (publiée en 1795) et de Totalité et infini du philosophe français Emmanuel Lévinas (publié en 1971), le texte redéfinit le concept d’hospitalité en tant que rencontre accueillante entre un étranger et son hôte. Rencontre, où est exclue l’hostilité de manière absolue (en tout moment), parce que la rencontre entre les deux rend à la fois possibles l’accueil et l’hostilité, par action de l’un d’entre eux ou des deux.

Par exemple, dans le cas de la première rencontre entre les Indiens d’Ayiti et les conquistadores espagnols, ces derniers répondirent avec hostilité à l’accueil des Indiens ; donc, il n’y eut pas d’hospitalité, en dépit de la bonne foi et action des Indiens.

À partir de la reconstruction de cette rencontre et son incidence sur l’histoire mondiale (premier chapitre), le texte offre une définition précise et claire de ce qui rend possible l’hospitalité (deuxième chapitre), de ses conditions de possibilité (troisième chapitre) et de ses limites (quatrième chapitre).

Grâce à la méthode de l’herméneutique analogique du philosophe mexicain Mauricio Beuchot, le texte propose des réponses critiques et créatives à ces trois questions : qu’est ce qui rend possible l’hospitalité ? Sous quelles conditions ? Dans quelles limites ?

Les réponses servent aussi à démontrer que la cause principale de tant de problèmes (discrimination, exploitation, irrégularité, fermeture des frontières, catastrophes humanitaires, tragédies à répétitions, violations de droits humains, etc.) - auxquels font face les 232 millions de migrantes et migrants internationaux vivant actuellement dans le monde - n’est autre que le manque d’hospitalité, entendu comme la négation de toute rencontre sur son propre territoire avec les migrantes et migrants (surtout celles et ceux provenant des pays en difficulté) et aussi le refus de les accueillir, c’est-à-dire de les recevoir comme des hôtes dotés de droits humains et de dignité.

Dans le but de nier toute rencontre avec ces étrangers, les États (surtout les plus riches et ce, dans les cinq continents) construisent des frontières, ou ferment celles qui existent déjà, ou tout simplement ils laissent les migrantes et migrants périr, avant qu’ils arrivent sur leur territoire ou au cours de la trajectoire, rendue de plus en plus difficile.

En vue de refuser l’accueil, les États appréhendent les migrantes et migrants qui arrivent sur leur territoire, les enferment et les rapatrient vers leurs pays d’origine respectifs.

En fait, les migrantes et migrants, n’ayant pas la documentation requise pour entrer sur les territoires de ces États, sont criminalisés : ils sont traités d’ « illégaux ».

Le livre “La hospitalidad entre la ética y el derecho” part de l’histoire d’Ayiti pour proposer une reconstruction de l’histoire mondiale, à partir de la rencontre fatidique entre les Indiens de l’Île et les premiers conquistadores dirigés par Christophe Colomb.

Il présente également une nouvelle définition de l’hospitalité, capable d’expliquer la principale cause des problèmes actuels de migration et d’offrir des pistes de solution vers la construction d’un globe hospitalier, en facilitant la rencontre accueillante des personnes issues de cultures, de sociétés et de coutumes différentes, dans un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des biens, des capitaux et de l’information, mais pourtant fermé à la circulation des êtres humains, en particulier les pauvres.

Un monde, qui devrait être régi par l’éthique de l’hospitalité et le droit à l’hospitalité sur fond de rencontres ouvertes, libres, responsables, humaines, donc accueillantes ! [wel rc apr 22/01/2015 0:00]


[1Susan Buck-Morss, Hegel, Haiti and Universal history, University of Pittsburgh Press, 1st edition, Pittsburgh (USA), 2009.

[3Wooldy Edson Louidor, La hospitalidad entre la ética y el derecho. Una propuesta analógica desde América Latina. Editorial Académica Española (EAE), Saarbrücken.