Position de diverses organisations a l’occasion du treizième anniversaire du coup d’état du 30 septembre 1991
Soumis à AlterPresse le 4 octobre 2004
Ce 30 septembre 2004 rappelle le treizième anniversaire du Coup d’Etat sanguinaire contre l’ancien président Aristide élu lors des scrutins du 16 décembre 1990, et le massacre de plusieurs centaines de personnes par les militaires de l’ex-Forces Armées d’Haïti. Ces victimes largement issues des catégories populaires défendaient leurs droits d’opérer leurs propres choix politiques. Toutefois, le pouvoir d’Aristide n’était pas la principale cible de l’Armée, ce bras armé des classes dominantes et de l’impérialisme nord-américain auxquels il n’avait cessé de donner des gages. L’objectif fondamental du putsch était de briser l’élan populaire, freiner les aspirations démocratiques des masses populaires. Est-ce pourquoi après trois années de terrorisme d’Etat orchestré par les militaires contre le mouvement populaire, non sans appui de Washington, les marines américains allaient ramener Aristide au pouvoir.
Cette date doit nous porter à réfléchir sur les causes du dévoiement du vote populaire du 16 décembre 1990, dévoiement illustré par l’absence de réponse concrète aux revendications populaires de justice, de mieux-être, et de transparence dans les affaires de l’Etat au profit des dignitaires Lavalas alliés à une large frange des classes dominantes. En cette triste commémoration du plus abominable massacre commis par l’ex-armée d’Haïti depuis près d’un demi-siècle, nous ne saurions oublier d’autres forfaits commis par les militaires contre les masses populaires depuis 1986 :
26 avril 1986, devant le Fort Dimanche à Port-au-Prince ;
23 juillet 1987, assassinat de plus d’une centaine de petits propriétaires paysans à Jean Rabel dans le Nord-ouest ;
29 novembre 1987à la ruelle Vaillant à Port-au-Prince, pour faire avorter les premières élections générales post-duvaliéristes..
De tous les actes criminels des Forces Armées d’Haïti, assistées de leurs supplétifs "attachés" et paramilitaires du FRAPH, nous ne saurions passer sous silence les cas de viols et d’autres outrages commis à l’égard des femmes et fillettes. C’est durant les trois années de dictature militaire entre 1991 et 1994 que le viol a été systématisé comme instrument répressif, il a notamment constitué un déni du droit des femmes de participer à la vie politique de leur pays. Aujourd’hui, nous, citoyennes et citoyens, disons non ! Nous ne prendrons pas ces bourreaux pour des héros. Ces bourreaux armés qui défilent impunément un peu partout à travers le pays pour réclamer "leur solde" pour un travail non fourni méritent surtout d’être traduits en justice.
Treize années après le Coup d’Etat, nous rejetons la propagande qui voudrait faire croire que le retour des Forces Armées équivaudrait à l’élimination des "chimères". Nous rappelons que l’armée avait ses propres "chimères" ou hommes de main qui s’appelaient à l’époque "attachés", "brassards rouges" et "FRAPH". D’ailleurs nombre de "chimères" furent d’anciens militaires ou paramilitaires.
Nous refusons en outre la campagne d’intoxication qui voudrait présenter le retour de l’ex-FAd’H comme la solution à l’insécurité puisque c’est elle qui l’a instaurée comme arme politique après 1986. Les habitants des quartiers populaires doivent se souvenir qu’ils ont dû constituer des brigades civiles d’autodéfense, brigade de vigilance, pour se protéger de la politique de terreur de la junte militaire présidée par l’ex-général Henry Namphy.
La demande de retour de l’ex-armée entre dans le cadre de la réorganisation des forces répressives et obéit à la logique de la conjoncture la plus réactionnaire que connaît le pays depuis 1986. Au moment où les classes dominantes s’acharnent à mettre le peuple hors-jeu, à imposer leur projet anti-populaire, limiter le débat public à l’éventualité d’un retour des forces armées est un piège, un leurre pour détourner les couches populaires des questions de fond qui méritent d’être posées. Aujourd’hui, le véritable débat pour les masses populaires doit poser le problème de la nature de l’Etat, de la reconstruction du pays, de l’amélioration des conditions de vie des couches populaires urbaines et rurales. Les classes dominantes ne cherchent qu’à contrecarrer la montée des revendications des masses populaires. Elles n’aimeraient pas à se retrouver dans l’obligation d’appeler constamment l’armée dominicaine à la rescousse pour réprimer les masses populaires notamment les ouvriers, comme ce fut le cas récemment à Ouanaminthe où des soldats dominicains étaient appelés pour réprimer des ouvriers de l’usine de la CODEVI.
S’opposer fermement à un éventuel retour de l’ex-Forces Armées d’Haïti anti-populaires et anti-nationales implique la lutte contre cet Etat anti-populaire et anti-national. à€ un Etat répressif, on aura toujours des forces armées ou de police répressives. L’expérience de la jeune PNH (Police Nationale d’Haïti) vassalisée, instrumentalisée par le pouvoir Lavalas à des fins anti-populaires en est la preuve.
Les forces populaires doivent s’organiser et participer à la création d’organisations conséquentes, leur meilleur outil dans la lutte pour la satisfaction de leurs revendications et la reconstruction du pays.
Les organisations et institutions signataires :
Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen
Institut Culturel Karl Lévêque (ICKL)
Regwoupman à’ganizasyon Popilè Granmoun
Institut de Technologie et d’Animation (ITECA)
Kay Fanm
Action Catholique Ouvrière (ACO)
Chandèl
Saj-Veye yo
Plate-forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH
Pour authentification : Marc-Arhur Fils-Aimé, directeur général de l’ ICKL.