P-au-P, 12 janv. 2015 [AlterPresse] --- Etabli à Delmas 33 suite au séisme dévastateur ayant occasionné environ 300 mille morts le 12 janvier 2010, le camp Acra adoken demeure encore debout dans des conditions sociales difficiles, constate AlterPresse.
Des maisonnettes construites avec des tôles, bois et bâches usés, sont éparpillées sur un terrain poussiéreux où jonchent çà et là des détritus dans un amas de boue exhalant une odeur nauséabonde.
Ce décor est semblable à d’autres camps, pour la plupart, vidés, au cours des dernières années de leurs occupants et occupantes, dans le cadre notamment d’un projet gouvernemental de relocalisation, dénommé programme 16/6.
Depuis le lancement du programme en septembre 2011, environ 1,385 camps (sur 1,555) auraient été libérés dans l’aire métropolitaine et dans d’autres zones affectées.
Ce programme a néanmoins suscité de vives critiques de la part de divers secteurs de droits humains lors de sa mise en œuvre.
Cinq ans après, l’Etat ne donne aucun accompagnement aux personnes déplacées dans le camp Acra adoken où l’insécurité continue de régner, explique Zamy Junior, membre d’une organisation qui intervient dans la zone.
L’assainissement du milieu n’est effectué que par moments comme pour le mois de décembre 2014 au cours duquel la Croix Rouge nous a aidés à faire un peu de nettoyage, indique t-il.
Face aux maladies comme le choléra, les familles recourent maintenant à l’aide de l’hôpital de Médecins sans frontières (Msf) car un centre de traitement du choléra installé sur le camp a été fermé en 2012.
Ce centre a été contraint de fermer ses portes à cause de l’absence de matériels médicaux nécessaires pour la prise en charge de malades, rappelle t-il.
Des enfants continuent de faire face aux maladies des yeux, à la malaria, alors que des adultes sont atteints de zona, rapporte t-il.
Logements à crédits souhaités
Face à cette situation, les habitants souhaitent être relocalisés à travers la mise en œuvre par l’Etat d’un programme de maisons à crédits à leurs profits, indique t-il.
Les vingt mille gourdes octroyées à des familles déplacées dans d’autres camps pour leur relocalisation ne leur permettront jamais de se loger de manière durable, critiquent plusieurs de ces sinistrés qui n’entendent pas accepter cette condition.
« Je ne partirai pas de ce camp pour aller encore vivre dans la même misère, mais dans une maison décente qui pourrait au moins m’appartenir après dix ans », exige Zamy Junior plaidant pour un Etat plus sensible aux problèmes de logements auxquels font face ces familles déplacées.
« Il n’y a pas de vie dans le camp. Les familles survivent généralement sans activités génératrices de revenus. Elles n’ont rien », déplore t-il.
Les églises mises en cause
Les conditions socio-économiques sont extrêmement difficiles et demandent une intervention immédiate de l’Etat et d’autres instances concernées comme l’église, souligne Baptiste Waler, pasteur de la mission assemblée chrétienne de Jésus-Christ, une église avoisinante, fondée depuis 1999.
Décoré à l’aide de chapeaux de pailles, des tissus de couleurs noire et blanche, cet espace de prière, aménagé avec des tôles, bois, comprend une petite table et des bancs arrangés à la file indienne.
Aucune activité de développement n’est réalisée dans le Camp pour ces familles déplacées malgré la présence de plusieurs autres églises dans l’espace comme, celle de Shalom.
« Le séisme de 2010 devrait être un moment pour l’église de prouver sa mission. Elle devrait être la première instance à la place des étrangers à intervenir pour apporter les premiers soins », estime Waler.
Selon lui, la communauté chrétienne a raté une occasion en or pour marquer l’histoire de l’église en Haïti.
Plusieurs d’entre elles n’ont pas su saisir dans la pratique la vraie mission de Jésus-Christ qui est de venir en aide aux plus vulnérables, critique le pasteur, qui appelle les églises à être désormais plus actives dans le développement social des communautés.
Des femmes livrées à elles-mêmes
Après la disparition de son commerce détruit par le séisme, une mère de sept enfants affirme avoir été obligée de venir s’installer dans le camp en dépit des mauvaises conditions sanitaires existantes.
« L’eau n’est pas traitée, des boutons apparaissent sur notre peau, certaines d’entre nous vivent près de canalisations et sans toilettes », se plaint-elle de cette situation qui perdure.
Cinq ans après le séisme, l’insécurité et les viols sur les jeunes filles font encore partie du vécu de ces familles marginalisées dans ce camp malgré la présence d’un commissariat de police dans la zone.
Environs 32 mille personnes déplacées, soit 6 mille familles, vivent encore dans le camp Acra.
La population dans les camps, estimée à 1 million 500 mille après le 12 janvier, se situe autour de 80 mille. [emb apr 12/01/2015 10 :30]