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Haïti-Séisme/5 ans : Le problème du logement demeure entier

P-au-P, 12 janv. 2015 [AlterPresse] --- Cinq ans après le tremblement de terre du 12 janvier, la question du logement demeure un enjeu majeur pour le pays, qui assiste encore à des expulsions forcées et un manque cruel de logement adéquat.

« La situation n’a pas changé, au contraire elle est plus difficile », affirme Jean Reyneld Sanon de la Force de réflexion et d’action sur la question du logement (Fòs refleksyon ak aksyon sou koze kay/Frakka).

Zéro. C’est le nombre d’abris provisoires octroyés en 2014, contre en tout 114 mille 124 les trois années précédentes, selon un rapport d’Amnesty international.

Le signe que le pays emprunterait la voie durable. Pourtant seules « 20% des solutions de logements peuvent être considérées comme durables ou à long terme », affirme le même rapport, publié le 8 janvier 2015.

Depuis 2011, l’administration actuelle a multiplié les initiatives. Des initiatives qui ont abouti à des logements vides voire vandalisés notamment à Morne à cabri.

Pour Sanon, « les projets du gouvernement n’ont pas apporté de grandes satisfactions aux victimes [du séisme] ». La propagande, dit-il, a pris le pas sur le reste.

La loi des tôles rouges

Sous le gouvernement de Laurent Lamothe, des projets de reconstruction ont émergé par dizaines. Des ministères, le parlement haïtien, des places publiques, des lycées et des lieux de culture. A l’aube de 2015, certains chantiers sont à l’arrêt tandis que d’autres avancent lentement.

Les tôles rouges installées pour délimiter ces chantiers sont devenues le symbole de l’échec de l’administration en place aux yeux d’une partie de l’opposition qui aurait même tenté de les incendier. Les tôles rouges sont aussi devenues symboles de frustration et de colère.

Ce qui est en cause aux yeux du militant de Frakka, c’est surtout un manque de « sensibilité populaire ». L’administration Martelly, agissant selon une ligne libérale, a pu trouver des terrains, dans certains cas consacrés à la subsistance de familles agricoles, pour la construction de zone franche.

« Normalement tout ce qui se fait dans un pays doit être dans l’intérêt des gens. La construction des bâtiments publics devait se situer après celle des logements sociaux », martèle Jean Reyneld Sanon.

Pour Frakka, il faudrait un million de nouveaux logements dans le pays.

« Le problème du logement est national. C’est celui des gens qui vivent dans les quartiers populaires et dans les milieux paysans. Ce qui fait que le problème du logement reste entier[5 ans après le séisme] », souligne Sanon, parlant d’un « problème structurel ».

Pas moins de 80 mille personnes sont encore sans abri, logés dans des camps. Si la population déplacée à autant diminué depuis cinq ans c’est aussi parce que des allocations de loyers ont été accordées. En tout, 74 582 depuis 2011, selon la coordination humanitaire.

Cependant, ces personnes ayant quitté les camps n’ont pas vraiment gagné un logement décent.

« La majorité des déplacés ayant reçu les 20 mille gourdes sont allés à Canaan », ancien camp devenu un immense quartier anarchique, ou dans d’autres bidonvilles, signale Reyneld Sanon.

Insécurité du logement

A Canaan la police et des hommes armés sont intervenus plusieurs fois pour détruire des logements de déplacés qui y ont trouvé refuge.

Depuis le séisme, les expulsions arbitraires, souvent violentes ont lieu. Incendies, attaques policières à coup de gaz lacrymogène. De 2010 à 2014, 60 570 personnes ont subi des expulsions forcées, d’après les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (Oim).

Par ailleurs, un peu plus de 69 mille personnes encore dans des camps, dont 42 mille dans des abris de fortune, ne sont pas ciblées par des activités de retour vers un habitat durant 2015, selon les estimations humanitaires.

L’une des choses que l’après-séisme a révélé c’est le risque constant de se retrouver à la rue.

Des commerçants du centre ville en ont fait l’expérience. Des centaines de maisons y ont été détruites sous ordre du gouvernement, s’appuyant d’une déclaration d’utilité publique du secteur prise après le tremblement de terre. Des experts ont toutefois critiqué des anomalies et une absence de projet global entourant ces expropriations.

L’insécurité, en fait, ne se situe pas seulement dans le non respect des normes de constructions, mais dans le statut de locataire ou propriétaire capable d’être remis en question à tout moment.

« J’ai payé 15 mille gourdes pour un appartement à Delmas 41… Le 6 janvier je suis passé voir ou en étaient les réparations. J’y ai trouvé plein de monde à qui on avait loué le même appartement », raconte Charlène [1].

Selon elle, 60 personnes ont été arnaquées en même temps qu’elle, certaines pour des sommes beaucoup plus élevées. La prétendue propriétaire de la maison est introuvable.

L’affaire a été finalement portée auprès de la direction centrale de la police judicaire(DCPJ) mais l’issue demeure incertaine.

« Rien n’est clair jusqu’à présent. Parce que mon loyer actuel expire le 29 janvier [2015] », déplore-t-elle.

20% seulement de la population haïtienne était citadine dans les années 1970. En 2014, on atteint la barre des 51%, avec de multiples conséquences. L’une d’elles est sans doute la multiplication des charlatans. [apr 12/01/2015 8:00]


[1nom d’emprunt