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Haïti-Séisme/5 ans : Un manque de professionnels en santé mentale

L’église comme exutoire...

Il y aurait une nette diminution du nombre de personnes ayant un problème de santé mentale en Haïti, suivant les chiffres disponibles.

Par Jean Elie Paul

P-au-P, 10 janv. 2015 [AlterPresse] --- Cinq ans après le tremblement de terre, qui a bouleversé Haïti et exposé une bonne partie de la population à un traumatisme et à une perte sans précédent, le pays ferait face à un manque criant de professionnels dans le domaine de la santé mentale, selon les informations recueillies par l’agence en ligne AlterPresse.

« Au début de 2010 jusqu’à la fin 2014, nous avions eu 4 médecins de service et chaque année, il y avait un résident. Pour l’année 2015, il y a un engouement pour cette profession, ils sont déjà 10 résidents. Cela démontre que les jeunes médecins s’intéressent aux problèmes psychiatriques dans le pays », fait valoir le psychiatre, Louis Marc Jeanny Girard, directeur du Centre psychiatrique et psychologique « Centre Mars et Kline », établi à Port-au-Prince.

Malheureusement, il n’y a que seulement 7 psychiatres pour l’ensemble du pays, tous concentrés dans la capitale, alors qu’il devrait y avoir, au moins, un psychiatre par département du pays, regrette Dr. Girard.

Pendant l’occupation américaine, dans la première moitié du XXe siècle (28 juillet 1915 - 19 août 1934), Haïti a hérité de son plus grand centre psychiatrique public avec 120 lits, « l’Hôpital Beudet », logé dans un ancien camp militaire désaffecté dans les environs de Port au Prince à Croix-des-Bouquets.

Son autre centre de soins psychiatriques et psychologiques, « Centre Mars et Kline », de capacité de seulement d’une centaine de lits, est une clinique externe attachée à l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (Hueh), au cœur de la capitale haïtienne.

Le centre psychiatrique Mars et Kline a été cédé à l’Etat Haïtien, en 1954, par une entreprise pharmaceutique, en compensation des expérimentations menées, pendant plusieurs années, sous la supervision d’un psychiatre américain Stephen Kline, en collaboration avec son collègue haïtien Louis Mars, relate le professeur Ronald Jean-Jacques, de la Faculté des Sciences Humaines, dans un texte paru le 25 janvier 2011 à L’Université de Lyon sur l’« Etat des lieux de la Santé Mentale en Haïti après le 12 janvier 2010 ».

Cependant, trois (3) autres centres privés (d’une centaine de lits en tout) et des unités psychologiques dans deux (2) hôpitaux privés offrent des services psychologiques et psychiatriques aux couches aisées de la population haïtienne.

Ce qui n’est pas suffisant pour l’ensemble de la population du pays.

« Autrefois, il y avait près deux mille personnes dans la capitale. Maintenant (en 2015), il y a plus de 2 millions. Or, pour tous les 10 départements du pays, seulement 2 centres sont disponibles. L’Etat haïtien paie 7 psychiatres, alors que la population haïtienne avoisine les 10 millions de personnes. Tout se concentre dans la capitale », relève Dr. Girard.

Le problème de la santé mentale du pays ne réside pas seulement dans la question d’augmentation du nombre de personnel qualifié, mais aussi dans la situation sociale du pays.

« Entre 2010 et 2011, il y avait un total de 35,580 cas, soit près de 33,991 patients externes et 1,580 hospitalisés. Du mois d’octobre 2012 à septembre 2013, il y a eu un total de 14 mille patients. Cependant, du mois d’octobre 2013 au mois de septembre 2014, il y a eu une nette diminution, près de 11,206 patients. Il y a plus de 1,830 nouveaux patients, soit 1,200 filles et 880 garçons, alors que il reste plus de 9,976 mille anciens patients » relate Louis Marc Jeanny Girard.

Le problème des séquelles du séisme réside chez les gens qui ont des stress post-traumatiques, chez ceux qui sont déprimés, analyse Dr. Girard.

Au problème de manque de professionnels, s’ajouterait aussi la question de faux professionnels de la santé mentale.

Les « charlatans » se présentent souvent comme de vrais psychiatres, prêtres ou pasteurs.

Ces « faux psychiatres » font croire aux malades qu’ils seraient frappés de mauvais esprits et prétendent être capables de les chasser de leurs corps.

« Ce qui parait paradoxal, c’est que les gens ne viendront pas au Centre tout d’un coup. Très peu viendront voir un psychiatre. Parce que la population haïtienne est croyante, les gens vont s’intéresser beaucoup plus à la religion, au miracle divin au lieu de recourir à la science pour avoir des soins », déplore Dr. Girard.

A l’occasion du 5e anniversaire, le 12 janvier 2015, du tremblement de terre de 2010, beaucoup de gens vont se rendre dans les églises, parce qu’ils vont avoir une psychothérapie de groupe, et non individuelle. En pensant que Dieu les aidera, certains vont se rendre chez des pasteurs, dans différents temples, pour avoir des soins. D’autres vont se rendre dans les églises charismatiques, dans les églises de Dieu et dans les cercles vodou, pour participer dans une sorte de thérapie collective.

L’Etat haïtien aurait un plan autour de la santé mentale qu’il devrait exécuter entre 2015 et 2020. [jep kft rc apr 10/01/2015 1:30]