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Haïti-Bilan 2014 : Polémiques et dérapages

P-au-P, 26 déc. 2014 [AlterPresse] --- La machine de communication de l’administration politique, présidée par Joseph Michel Martelly, a connu de sérieuses avaries en 2014, durant laquelle silence et mots en trop ont suscité des malaises.

La première sanction intervient à la suite du décès d’une crise cardiaque de l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier.

Revenu en Haïti en 2011, après 25 ans d’exil, Baby doc avait pris ses aises malgré des poursuites judiciaires pour crimes contre l’humanité et crimes économiques.

Les tergiversations de la présidence autour des rumeurs de funérailles nationales, au profit de Duvalier, n’ont pas été reçues favorablement. En Haïti, comme dans d’autres pays, des voix se sont élevées.

Duvalier sera finalement mis en terre, sans fanfare ni salutation de la nation. Mais l’absence de Martelly et de son premier ministre Laurent Salvador Lamothe sera interprétée comme une bouderie contre la partie de l’opinion, hostile à des funérailles nationales.

Plusieurs mois après cette affaire, Martelly rate, aux yeux de certains, un exercice de communication délicat. Cherchant à vanter, aux Européens, une Haïti, désormais debout après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, le président s’égare, lors d’une interview accordée à RFI, TV5 Monde et Le Monde.

Pour commencer, il ne précise pas - à l’intention des journalistes français, souvent trop prompts à évoquer les mérites de Toussaint Louverture - que c’est Jean Jacques Dessalines qui a fait l’indépendance du pays.

Il commet une autre bourde concernant l’avortement, condamné par la loi haïtienne, mais qui reste un problème de santé publique, parce que cause de multiples complications, voire de décès.

Pour finir, l’ancien chanteur du groupe Sweet Micky donne une réponse floue sur l’ingérence américaine dans les affaires politiques du pays qu’il dirige.

L’interview est diffusée, le dimanche 2 novembre 2014. Toute la semaine, un déchaînement éclate sur les réseaux sociaux. Si, pour certains, le président a passé l’examen, d’autres lui mettent un zéro barré.

Toutefois, tour à tour amnésique et désinvolte, le président ne s’est pas arrêté là. Petit à petit, il tisse, dans ses discours, la toile des revendications de l’opposition.

Aux grands mots…

Au terme d’assises politiques, ayant réuni, entre janvier et mars 2014, une partie de l’opposition, une polémique bouillonne au sujet de la formation du Conseil électoral provisoire (Cep). Le président ne cache pas son intention d’utiliser l’article 12 de l’accord signé, article qui lui permettrait de passer outre l’avis du parlement pour monter son Cep.

La grogne des parlementaires enfle.

Fin septembre 2014, comme pour boucler la boucle, le président, qui n’a pas réussi à s’entendre avec ses opposants pour organiser les élections, concède qu’il est prêt à diriger par décrets en 2015. Il n’en faut pas plus pour renverser le vase.

Entre-temps, lors de la visite de Ban Ki-Moon, le 14 juillet 2014, il souligne le « courage » du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (Onu), alors que des victimes ont porté plainte contre l’institution pour l’introduction du choléra, à partir d’octobre 2010, en Haïti.

Au lieu de rendre hommage, le 17 octobre 2014, au père de la Nation, Jean-Jacques Dessalines, Martelly et son équipe font la java. Ce qui ne manque pas de hérisser une bonne partie de l’opinion.

A partir de là, les accusations de corruption et gaspillage trouvent un terreau clément.

D’autant que Martelly se rend à deux reprises, en Europe, durant l’année.

Paris, Berlin, Rome, Belgique, les voyages s’enchaînent, sans rime ni raison.

Le 6 février 2014, il se fait prendre en photo dans le bureau ovale, aux côtés de Barack Obama. Puis le 24 février, il s’en va papoter en Italien avec le Pape François au Vatican.

Vers la fin de 2014, les manifestations prennent un rythme plus dense, critiquant la gestion de l’administration politique, de Martelly lui-même, son accointance avec le « blanc » et l’institution considérée comme la pire dans cette catégorie imaginaire, la Mission des Nations unies de stabilisation en Haïti (Minustah).

Comme quoi, qui sème inconsidérément l’argent du contribuable récolte la tempête.

Pour ne rien arranger, son ministre de la communication, Rudy Hérivaux, issu d’une tentative de « gouvernement d’ouverture », craque. Dans un texte, il traite les adversaires de son camp de « cafards ».

Outrée, l’opposition concocte une chanson lors de ses manifestations, mêlant Martelly, son épouse, le terme « cafard », dans une poésie corrosive et graveleuse.

Cette chanson pourrait même être entendue le jeudi 1er janvier 2015, voire après.

Car, les manifestations ne devraient pas s’arrêter, tant que Martelly restera au pouvoir, selon une des branches de l’opposition. [apr 26/12/2014 0:00]