Español English French Kwéyol

Haïti -Politique : Des questions suggérées par l’annonce de la nomination d’un premier ministre intérimaire

Par Gotson Pierre

P-au-P., 21 déc. 2014 [AlterPresse] --- L’annonce officielle de ce dimanche 21 décembre informant du choix du président Michel Martelly de nommer un premier ministre par intérim dans les circonstances actuelles caractérisées par une crise politique aiguë soulèvent quelques interrogations.

« Suite à la démission du Premier Ministre Laurent Salvador Lamothe et de son retrait du poste pour raisons personnelles, Madame Florence Duperval Guillaume, ministre de la santé publique et de la population, a été désignée à titre de première ministre intérimaire conformément à l’article 165 de la Constitution (amendée) », lit-on dans un communiqué émis par le palais présidentiel.

« En cas de démission du Premier Ministre, le Gouvernement reste en place pour expédier les affaires courantes jusqu’à la prise de fonction de son successeur », stipule l’article 165.

Cet article ajoute qu’« En cas d’incapacité permanente dûment constatée du Premier Ministre ou de son retrait du poste pour raisons personnelles, le Président choisit un Premier Ministre intérimaire parmi les membres du cabinet ministériel en attendant la formation d’un nouveau Gouvernement dans un délai ne dépassant pas trente jours ».

Au lieu d’entrer dans le processus de choix d’un nouveau chef de gouvernement qui aurait à être approuvé et ratifié par le parlement, tel qu’attendu par une frange de l’opposition, Martelly a opté pour la désignation d’un premier ministre intérimaire.

Cette attitude soulève quelques interrogations, au moment où le président a repris des pourparlers avec l’opposition après la démission dans la nuit du 13 au 14 décembre de l’ancien premier ministre Laurent Lamothe, suggérée par une commission consultative mise sur pied par Martelly.

Cette nouvelle décision serait-elle susceptible d’évacuer l’épineuse question du 12 janvier 2015, suscitant de nombreuses préoccupations ?

Est-on encore dans la démarche de « consensus » ou bien, au contraire, dans une logique de coup de force ?

Le président s’apprêterait-il à déclarer caduc le parlement lorsque cette instance de contrôle de l’exécutif deviendra non fonctionnel avec seulement 10 sénateurs en fonction, suite à la non tenue d’élections législatives, municipales et locales depuis plus de 3 ans ?

Martelly, pourrait-il avoir les coudées franches à partir de cette date, malgré le mécontentement exprimé par une partie de l’opposition à travers des manifestations répétées ?

Irait-on vers la mise en place d’une constituante qui élaborerait une nouvelle constitution adaptée aux intérêts politiques et économiques des secteurs actuellement dominants ?

Quel serait le sort de la transition démocratique et comment le pouvoir envisagerait-il de gérer d’éventuels troubles que provoqueraient ses dispositions ?

On apprend aussi ce 21 décembre que le Conseil électoral provisoire (Cep), présidé par Max Mathurin, a démissionné en bloc, tel que recommandé par la commission consultative. Attente maintenant de la démission du président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj), Anel Alexis Joseph, qui réfléchit encore.

Quel est le véritable plan qui s’esquisse dans le cadre de l’accélération constatée des évènements politiques et où se situe la communauté internationale dans ce jeu ?

Dans cette partie qui semble rude, Martelly disposerait-il de toutes les cartes ? Quelle devrait être, dans cette conjoncture, l’attitude citoyenne à adopter, alors que les voyants économiques sont au rouge et la situation sociale extrêmement difficile au moment où la décote de la monnaie haïtienne, frôle les 50 gourdes pour 1 dollar ?

Durant les dernières décennies, autant les militaires, les administrations autoritaires qui leur ont succédé que les secteurs en lutte pour le pouvoir, ont souvent effectué une lecture erronée des rapports de forces en présence.

L’instabilité chronique de ce pays est en partie due à cette myopie. [gp apr 21/12/2014 22 :00]