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30 septembre 1991 - 30 septembre 2004

Un cauchemar inoubliable pour la memoire collective

Communiqué de la NCHR

Soumis à AlterPresse le 29 septembre 2004

Le 30 septembre 1991, les Forces Armées d’Haïti ont renversé dans le sang le Président Jean Bertrand Aristide, élu démocratiquement au cours des élections générales du 16 décembre 1990. Les militaires, aidés du groupe paramilitaire dénommé Front pour l’Avancement et le Progrès d’Haïti (FRAPH), ont établi pendant trois (3) ans, un régime de terreur caractérisé par la violence aveugle, la négation des droits fondamentaux de la personne.

La terreur imposée à la population civile tout au cours de cette période a pris des formes diverses : exécutions sommaires, enlèvements suivis de disparitions, arrestations illégales, détentions arbitraires, bastonnades, vols, viols, destructions de maisons, incendies, etc.

La NCHR rappelle que selon des estimations, ce coup d’Etat a fait des milliers victimes. Pourtant un seul procès a été réalisé dans le cas du massacre de Raboteau.

La NCHR constate avec douleur que treize (13) ans après ce coup d’Etat :

 Les criminels continuent de bénéficier de l’impunité officielle ;

 Les condamnés du massacre de Raboteau sont en cavale ;

 Des anciens bourreaux du peuple haïtien reviennent avec arrogance et continuent de sacrifier les aspirations démocratiques du peuple haïtien et menacer le fondement même de l’Etat ;

 Les groupes armés comme au temps du coup d’Etat ou du régime Lavalas continuent de bénéficier de la complaisance du Gouvernement actuel. Les actes de vols, de viols, de kidnapping, d’assassinats, de menaces de mort, d’incendies se multiplient de manière inquiétante ;

 La tendance générale, au niveau officiel et de certains secteurs amnésiques de la société, est de gommer ce passé douloureux dans la mémoire collective et non de faire le jour sur tous les crimes perpétrés pendant cette période.

Le Gouvernement Boniface-Latortue, six (6) mois après leur prise de fonction, ne fait montre d’aucune volonté pour s’attaquer au phénomène de l’impunité et répondre aux revendications de justice du peuple haïtien. Le scandale des dernières assises criminelles de Port-au-Prince conforte malheureusement le sentiment que : « rien n’a changé sinon les figures politiques ».

Des bandes armées imposent leur loi aux sinistrés de la ville des Gonaïves qui n’a même pas encore fini de compter ses cadavres suite aux graves inondations provoquées par le cyclone Jeanne. N’est-il pas navrant de relever le mépris du droit à la vie et à la sécurité de la population gonaïvienne affiché par les responsables des pouvoirs publics ? Est-il humainement possible de confier à des bandes de délinquants la sécurité d’une ville si durement éprouvée ? Ou sont passées les Unités Spécialisées de la Police Nationale d’Haïti ? Quel est le rôle réel de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) dans le dispositif de sécurité du Pays ? N’est-il pas encore temps de rétablir l’autorité de l’Etat aux Gonaïves ? L’Etat n’a-t-il pas le devoir de traiter les sinistrés des Gonaïves avec humanité et dignité ?

La NCHR, engagée dans la lutte contre l’oubli, considère le treizième anniversaire du sanglant coup d’Etat du 30 septembre 1991 comme une bonne occasion pour réfléchir sur notre passé, questionner le présent et préparer le futur. Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.

Port-au-Prince, le 29 septembre 2004