P-au-P, 02 déc. 2014 [AlterPresse] --- Plus d’une dizaine de doyens de tribunaux de première instance de la république d’Haïti écrivent aux membres du Conseil Supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj) pour leur demander « d’entreprendre des démarches », en vue d’obtenir le renouvellement des mandats, arrivés à terme, de juges et juges d’instruction, apprend l’agence en ligne AlterPresse.
Dans une correspondance datée du 21 novembre 2014 et reçue au Cspj le 24 novembre, les doyens attirent spécifiquement l’attention sur le cas de Gustave Pharaon, doyen du tribunal de première instance des Gonaïves (département de l’Artibonite), qui « représentait tous les juges » au Cspj.
Les décanats de première instance des Gonaïves, de Port-au-Prince et de Petit-Goâve (Ouest), de Jérémie (Grande Anse, une partie du Sud-Ouest), d’Anse à Veau et de Miragoâne (Nippes, une partie du Sud-Ouest), de Jacmel (Sud-Est), de Grande Rivière du Nord (Nord), de Saint Marc (Artibonite), des Cayes, d’Aquin et des Coteaux (Sud), de Mirebalais (Plateau central), ont paraphé la lettre.
Même au Cspj, on s’en plaint
Déjà, trois membres du Cspj, Jacques Letang, Max Elibert et Dilia Lemaire ont, dans un communiqué conjoint en date du 10 octobre 2014, dénoncé cet état de fait, « malgré les avis répétés du conseil », avant l’ouverture de l’année judiciaire 2014-2015.
Des organisations de défense des droits humains ont également tiré la sonnette d’alarme par rapport à cette situation, au cours du même mois d’octobre 2014.
Dans cette sortie de ces conseillers, l’immixtion et l’ingérence du pouvoir exécutif dans le système judiciaire, à la faveur du président du Cspj, Anel Alexis Joseph, ont été pointés du doigt.
Le rappel que le Cspj ne saurait être sous une quelconque tutelle du ministère de la justice a valu au secrétaire technique de cette instance, Lionel Constant Bourgoin, sa révocation, selon le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh).
Pharaon dans sa juridiction
Pendant que les doyens, collègues du magistrat Pharaon, appellent à la reconduction de son mandat, des avocats du barreau des Gonaïves ne sont pas du même avis.
A la mi-octobre 2014, des avocats - appuyés par le conseil de l’ordre du barreau des Gonaïves - ont fait un mouvement de protestation contre le renouvellement du mandat du doyen du tribunal de première instance de la cité de l’indépendance.
Ils reprochent au magistrat d’être un « personnage conflictuel », « jamais disponible pour ses audiences », n’ayant « pas de jour de siège », de faire une « mauvaise gestion [du] décanat », etc.
Selon des observateurs des Gonaïves, la base de la levée de boucliers contre le juge Pharaon aurait commencé en 2013, après le démantèlement, par ce dernier, d’un réseau de faussaires de jugements de divorce, dénoncé par l’ambassade américaine en Haïti.
Un greffier, des avocats et des magistrats ont eu les mains trempées jusqu’au coude dans cette affaire.
Il s’en est suivi un bras de fer entre le doyen du tribunal civil et le commissaire du gouvernement, près le tribunal civil des Gonaïves, Me. Enock Gené Génélus.
En tout cas, malgré l’existence de la loi portant création du Cpsj, la mise sur pied de cette instance coiffant le pouvoir judiciaire, la justice haïtienne garde l’image d’un pouvoir suborné à l’Exécutif. [efd kft rc apr 02/12/2014 13:05]