P-au-P, 27 oct. 2014 [AlterPresse] --- Arrestation, le dimanche 26 octobre 2014, de Rony Timothée et de Byron Odigé, 2 des farouches opposants à l’actuelle administration politique [du président Joseph Michel Martelly et du premier ministre Laurent Salvador Lamothe].
Membres de la Force patriotique pour le respect de la Constitution (Foparc), Timothée et Odigé faisaient partie des milliers de manifestantes et manifestants qui ont défilé à Port-au-Prince, Delmas, Pétionville et Carrefour, pour réclamer symboliquement des bureaux de vote.
La Police nationale d’Haïti (Pnh) a exécuté un mandat d’amener, émis par le parquet du tribunal civil de Port-au-Prince, indique à la presse le sénateur John Joël Joseph, rapportant les propos du commissaire du gouvernement, Khenson Darius Charles, qui « exécute les instructions du gouvernement ».
Le mandat d’amener porte la date du 17 octobre 2014, quand une manifestation de l’opposition a été brutalement dispersée (à coups de gaz lacrymogènes et de canon à eau) à Delmas par la Pnh.
Le dimanche 26 octobre, Timothée et Odigé n’ont été auditionnés par aucun juge, excepté qu’un juge de paix est allé constater leur « garde à vue » au commissariat de police dénommé « Omega » à Carrefour, municipalité au sud de la capitale.
Dérives et terrorisme d’Etat ?
L’arrestation de Timothée et d’Odigé entre dans un plan gouvernemental visant à casser le mouvement de protestation, relancé par l’opposition politique ces dernières semaines, interprètent plusieurs manifestants du 26 octobre, interrogés par la presse.
« Il s’agit d’un kidnapping. La manifestation se déroulait pacifiquement, sans aucun incident », soulignent les protestataires, qui affirment leur détermination à continuer de réclamer la démission de l’équipe gouvernementale actuelle, y compris de Martelly et de Lamothe.
« Contrairement à la convocation de Martelly, nous n’avons pas trouvé de bureaux de vote : ni à Port-au-Prince, ni à Delmas et Pétionville. Martelly a menti sur la tenue des élections, il doit partir », revendiquent-ils.
« Incitation à la violence … troubles à l’ordre public … » figurent parmi les chefs d’accusation du parquet de Port-au-Prince contre Rony Timothée et Byron Odigé.
Les mêmes accusations seraient évoquées contre d’autres opposants politiques, à l’exemple de Assad Volcy qui ferait l’objet d’un mandat d’amener au même titre que d’autres camarades.
Le dimanche 26 octobre 2014, trois opposants, qui s’apprêtaient à manifester contre Martelly, ont été appréhendés et incarcérés par la police aux Cayes, troisième ville du pays à environ 200 km au sud de la capitale.
Parallèlement, une manifestation de l’opposition a été dispersée au Cap-Haïtien, deuxième ville d’Haïti à 248 km au nord de Port-au-Prince.
Rony Timothée et Byron Odigé sont « gardés à vue » dans la municipalité de Carrefour.
Ce qui pose un problème de juridiction, signalent les manifestants, dont beaucoup se sont rendus dans cette municipalité pour exiger la libération de leurs camarades.
Des tirs d’armes à feu ont été entendus par les habitants de Carrefour, dans l’après-midi du dimanche 26 octobre 2014, après l’annonce de l’arrestation de Rony Timothée et de Byron Odigé.
Toujours est-il que le dossier de Timothée et d’Odigé aurait été transféré à un cabinet d’instruction.
Confirmation, que n’a pas pu obtenir le sénateur John Joël Joseph du doyen près le tribunal civil de Port-au-Prince.
Des remous politiques sont attendus cette semaine, avec l’arrestation de ces 2 opposants politiques.
Le ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp) annonçait les couleurs, en prédisant, la veille de la manifestation du 26 octobre 2014, un complot de membres de l’opposition, qui chercheraient à commettre prochainement des « actes de déstabilisation », en contraignant les établissements scolaires à renvoyer leurs élèves…
« Du déjà vu et allégué », relèvent des dirigeants de l’opposition, se référant à l’annonce, le 18 octobre 2013, par le ministère de la justice, d’un plan qui serait en cours pour attenter à la vie du journaliste Jean Monard Métellus de Radio Caraïbes.
Quid du suivi fait par le Mjsp sur la question ?
Des organismes de droits humains, à l’exemple du Réseau national de défense de droits humains (Rnddh) et de l’Institut mobile d’éducation démocratique (Imed), dénoncent l’instrumentalisation politique de la justice par l’exécutif en Haïti, les dérives gouvernementales et les violations du droit de manifester des citoyennes et citoyens.
Ils s’élèvent également contre les pratiques de répression des mouvements de protestation contre le gouvernement.
« Ces actes constituent du terrorisme d’Etat. Baboukèt la tonbe depi 7 fevriye 1986. Le droit d’expression est un acquis depuis le 7 février 1986. Nous ne saurions revenir au temps de la dictature, en 2014 », avertit le Rnddh.
Du Bel Air (centre de la capitale), en passant par Delmas et Pétionville, les milliers de manifestants du 26 octobre 2014 exhibaient leurs cartes électorales ainsi que des cartons rouges pour exprimer la faillite de l’équipe gouvernementale, qui n’a pas tenu, depuis 2011, ses promesses d’organiser des élections législatives, municipales et locales.
Des véhicules du Corps d’intervention et de maintien d’ordre (Cimo) les ont encadrés sur tout leur parcours.
A proximité du siège du Conseil électoral provisoire (Cep), à Pétionville, un fort dispositif de sécurité a été mis en place pour contenir les manifestants.
Ces derniers réclamaient symboliquement la disponibilité de bureaux de vote, pour répondre à la convocation d’expression de suffrages (pour le 26 octobre), faite en juin 2014 par le président Joseph Michel Martelly.
« L’arrêté de convocation du peuple en ses comices », pour un scrutin législatif, municipal et local, n’a été rapporté sine die que le dimanche 26 octobre 2014, selon un communiqué de la présidence haïtienne. [rc apr 27/10/2014 0:00]
Photo logo : manifestation du 17 octobre 2014 à Port-au-Prince