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Haiti - Jeanne : Gémir, pleurer, prier... Et après ?

Par Ernst Wèche, Agronome

Soumis à AlterPresse le 22 septembre 2004

Le monde entier s’émeut et s’éprend de pitié une nouvelle fois, une fois de trop, face à l’hécatombe des Gonaïves. Voilà Haïti propulsée sur tous les écrans, tel un drame d’horreur à succès. La question est de savoir quand les haïtiens prendront-ils conscience qu’ils doivent troquer leurs rôles de figurants ou de spectateurs pour celui de réalisateur ou de scénariste, donc avec le pouvoir d’influencer les spectacles à offrir On ne répètera pas assez que les catastrophes écologiques sont prévisibles. Le lien de causalité étant connu, où situer le problème haïtien. Dans le cadre de cette réflexion, nous n’en retenons que trois facettes.

La première facette du problème haïtien en est une d’inconscience ou d’insouciance. L’haïtien est - comme on le dit chez nous - un Saint-Thomas ; il croit à quelque chose seulement quand il fait face à une évidence. C’est ce qui explique son attitude d’attentiste : il réagit au lieu d’agir. Il lui faut des catastrophes du genre de celle de Mapou/Fonds-Verrettes et des Gonaïves pour le sortir de son incrédulité. Alors, il est prêt à promettre monts et merveilles et à faire de grandes déclarations. La réaction étant dictée par l’émotion, elle reste sans lendemain ; ce n’est que feu de paille. Quelques jours plus tard, il revient au statu quo ante - c’est-à -dire son immobilisme - face à la dégradation de l’environnement, jusqu’à la prochaine hécatombe. Et le cycle continue...

La seconde facette du problème haïtien est celle de la recherche de l’intérêt personnel dans les actions à poser. Il ne prend à cœur une action que s’il peut en tirer un profit pour lui ou ses proches ; un intérêt qui peut être matériel ou moral. Il n’a pas de penchant naturel pour le bien-être collectif. Un sentiment tout à fait individualiste domine chez l’Haïtien. à€ preuve, le pays dans son ensemble affiche un environnement désastreux ; mais beaucoup d’oasis individuelles pavent ce désert de pierrailles et de détritus (arbres et fleurs ombragent et ornent les cours clôturées, gazonnées et soigneusement propres des résidences de familles de classes moyenne et bourgeoise de la population).

La troisième facette du problème haïtien - et non la moindre - est celle de l’attachement à la gloire personnelle, en raison des bénéfices qui y sont souvent associés. Partout où vit une communauté haïtienne, la vie sociale est dominée par des luttes de leadership et des guerres de clochers. Un soi-disant leader-haïtien n’accepte pas que les éventuelles retombées positives d’une action soient attribuées à quelqu’un d’autre que lui, fussent-elles profitables à toute la communauté. L’un ne ménage rien pour mettre des bâtons dans les roues de l’autre. C’est un fait que les luttes de leadership et les guerres de clochers empêchent la concertation et la coopération, deux éléments indispensables pour faire avancer des causes importantes et résoudre des problèmes cruciaux, comme celui de l’environnement.

Ainsi, pour qu’un quelconque progrès puisse s’accomplir dans le dossier d’Haïti, l’Haïtien doit impérativement rompre avec les tares que nous avons exposées. Il lui faut un profond curage mental, matérialisé par des passages à des niveaux supérieurs de l’échelle humaine, à savoir : de l’insouciance à la conscience active, de l’individualisme morbide à la recherche du bien-être collectif, de la vision autocratique à l’idéal démocratique. Puisse le combat des Haïtiens ne faire qu’un gagnant : le PEUPLE HAITIEN !

Ernst Weche, Agronome

Saint-Hubert, le 22 septembre 2004