P-au-P, 25 sept. 2015 [AlterPresse] --- Le Collectif des universitaires citoyens (Cuci) met en garde contre un éventuel massacre dans le contexte pré-électoral, à partir d’une étude réalisée sur des paroles véhiculées dans les médias par les protagonistes politiques (les pouvoirs exécutif et législatif).
Cette alerte survient après une analyse effectuée par le Collectif sur les médias radiophoniques et télévisuels de la capitale ainsi que tous les articles parus dans Le Nouvelliste pendant les mois juillet, août et septembre 2014 en rapport aux paroles violentes proférées par les acteurs politiques dans la perspective des prochaines élections.
« Ces paroles peuvent conduire à la violence extrême et collective, donc aux massacres », avertit le professeur à l’Université d’Etat d’Etat, Hérold Toussaint, lors d’une conférence-débat organisée le jeudi 25 septembre 2014, et à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
Cette conférence a été réalisée autour du thème : « Elections, acteurs politiques et prévention des massacres ».
Depuis quelques temps, l’exécutif et le législatif sont à couteaux tirés surtout en ce qui concerne l’organisation des élections dans le pays, en retard depuis 2011.
Des consultations politiques autour de la crise pré-électorale sont initiées dans un contexte de méfiance.
« C’est dans une logique de prévention des massacres que nous alertons la population haïtienne, les femmes et hommes de ce pays », précise Toussaint.
Psychologie des massacreurs et causes du massacre
« Un massacre désigne une forme de barbarie et d’actions collectives ayant pour but de détruire des êtres humains », explique le professeur avant de déterminer une psychologie des massacreurs. La haine, les préjugés à l’égard de l’autre et l’idéologie peuvent constituer des mobiles pour l’éventuel massacreur, argue t-il.
N’importe qui peut devenir massacreur en croyant aveuglément à une idéologie, fait-il savoir.
La surpopulation, les inégalités importantes, la situation économique désastreuse, un sentiment d’inquiétude devant un avenir incertain sont aussi évoqués par Toussaint comme principales causes des massacres.
Petit historique des massacres et prévention
Pour sa part, Ricarson Dorcé, intervenant comme un « universitaire citoyen », expose un historique des massacres en Haïti, liés notamment à la problématique électorale.
Il cite les massacres de Marchaterre en 1929 aux Cayes (sud du pays) sous l’occupation américaine (1915 - 1934), « les vêpres jérémiennes » à Jérémie (sud-ouest du pays) en 1964, les massacres de Cazale (nord de Port-au-Prince) en 1969, Fort dimanche à Port-au-Prince en 1986, Jean Rabel (département du Nord-Ouest) en 1987, la ruelle Vaillant à Port-au-Prince en 1987, Raboteau à Gonaïves (département de l’Artibonite) en 1994, La Scierie à Saint Marc en 2004.
« Le pays a une histoire de massacres. Il faut de véritables réflexions sur le massacre en Haïti en vue d’arriver à la prévention de ces massacres liés surtout à la problématique électorale », souhaite Dorcé.
« Chaos politique, atmosphère de confrontation, cascades de crises à rebondissements, catastrophe politique, crise explosive et épouvantable » constituent un ensemble de concepts utilisés dans le discours politique pouvant inciter à la violence, estime, de son côté, Pierre Michelot Jean Claude, membre du Cuci.
« Processus électoral explosif, saut dans la barbarie, arme nucléaire de dissuasion, tempête électorale, tsunami politique dévastateur » sont d’autres mots empreints de violence, renchérit Jeff Destinvil, membre du Cuci.
Il y a toujours des signes avant-coureurs d’un massacre, avance t-il.
« Nous sommes dans le domaine de l’analyse du discours. Le discours renferme un implicite. Tout énoncé est porteur d’intentions. L’analyse de ces concepts permet de voir qu’ils sont liés au champ lexical de la violence », signale Destinvil.
Sur la scène politique, il existe une situation de méfiance entre les protagonistes politiques et un délit de persécution, constate Pierre Michelot Jean Claude, soulignant que cela « risque de nous conduire à un massacre de trop dans ce contexte pré-électoral ».
Agir sur les causes et éduquer
Le Collectif des universitaires citoyens appelle à agir délibérément sur les causes du conflit existant en éliminant à la fois les causes profondes et directes des conflits internes et autres crises qui menacent la population.
Encourageant les acteurs à identifier et dénoncer tous les discours haineux, il prône une éducation civique à l’altérité et à la reconnaissance de l’autre.
La communauté internationale doit également honorer ses engagements vis-à-vis du pays, exige le professeur Hérold Toussaint lors de la conférence du jeudi 25 septembre, faisant suite à une première réalisée le jeudi 11 septembre autour de la problématique des élections, au regard de l’éthique du compromis. [emb kft gp apr 26/09/2014 15 :40]