P-au-P, 25 sept. 2014 [AlterPresse] --- Au tréfonds d’un silence national régnant sur le très controversé sujet qu’est l’avortement, surgit une phrase tirée d’un document secret de l’Etat haïtien sur l’urgence de libéraliser l’avortement en Haïti.
« Haïti doit lever le flou existant actuellement dans sa législation sur l’avortement en adoptant une loi qui abroge l’article 262 du code Pénal haïtien de 1835 », écrit-on dans ce document dont fait état un article publié mi-septembre 2014 par la journaliste française Agathe Logeart, rédactrice en chef du journal Le Nouvel Observateur.
L’article 262 du Code pénal de 1835 punit par la réclusion criminelle à perpétuité la femme qui avorte et tous ceux et toutes celles, intermédiaires, pharmaciens, médecins participant au processus.
Pourtant son interdiction ne produit aucun effet dissuasif sur un tel recours, à tel point qu’il se pratique massivement dans la clandestinité et dans les pires conditions sanitaires, dans ce pays où une femme sur sept aurait avorté au cours de leur vie.
Dans le monde possible de l’avortement pour les plus aisées, l’argent facilite les choses. Pour les plus pauvres, la voie médicamenteuse est celle empruntée. Ce, entre autres, avec l’usage détourné du Misoprostol (médicament contre les ulcères gastriques), de décoctions d’herbes, traitements introduits dans le vagin ou le col de l’utérus, traitements intestinaux, curetage, des bâtons, des morceaux de sucre, des racines, des os de poulet et des rayons de roue de vélo.
Les avortements clandestins, en plus d’occasionner des morts, sont responsables de graves complications dont la stérilité définitive, des douleurs abdominales temporaires ou permanentes, l’infection et l’anémie (carence en fer).
A travers le monde, les avortements à risque entraînent le décès de près de 50 000 femmes, tandis que 8 millions d’autres souffrent d’invalidités temporaires ou permanentes.
Le document secret du Ministère haïtien de la santé constitue une résolution adoptée après le colloque de mai 2013 organisé par la ministre de la santé, Dre. Florence Duperval Guillaume, qui avait réuni des religieux, des féministes et d’autres actrices/acteurs de la vie nationale autour de l’avortement dans le pays.
Même deux représentants de la très conservatrice église protestante ont signé le document après une belle foire d’empoigne avec les associations de femmes, a révélé la journaliste. En réalité, militantes féministes et hommes d’église se sont séparés sur des désaccords.
Selon plusieurs observateurs et observatrices haïtiens et étrangers, la législation haïtienne à ce sujet est « dépassée », « démodée » et « pernicieuse », donc ne répond plus aux réalités présentes.
« La voie de la dépénalisation et d’une libéralisation très encadrée, dans le cas notamment thérapeutique va-t-elle s’ouvrir ? », se questionne Agathe Logeart estimant qu’encore faudrait-il que ce texte ne reste pas confidentiel et qu’un projet de loi soit un jour déposé au parlement.
179 années après sa promulgation, soit le vendredi 19 septembre 2014, le président Michel Martelly, le ministre haïtien de la justice et d’autres responsables gouvernementaux ont ouvert à Port-au-Prince un forum visant à réfléchir sur la révision du code pénal haïtien.
Peut-être va-ton aboutir à une révision de l’article relatif à la pénalisation de l’avortement ?
Jusqu’à présent aucun signe de suivi n’est donné à la résolution du Ministère haïtien de la santé, constate AlterPresse.
Selon des sources concordantes, cette situation résulterait de blocages socioculturels, du poids énorme de la religion dans le pays, de la mauvaise organisation du système sanitaire en Haïti et des mythes liés à la contraception.
Avec 530 décès maternels pour 100 000 naissances, dont plus de 100 surviennent après des avortements, Haïti présente le plus fort taux de mortalité maternelle dans tout le continent américain.
Actuellement Médecins du monde mène une campagne mondiale visant à exiger « un accès universel à la contraception et à l’avortement sûr et légal » pour « que chaque femme, chaque jeune fille ait le droit d’avoir ou non des enfants, sans risquer sa propre vie ». [mm kft gp apr 25/09/2014 12 :05]