P-au-P, 23 sept. 2014 [AlterPresse] --- Un an après l’arrêt 168-13 de l’Etat dominicain, visant à déchoir de leur nationalité dominicaine plus de 250 mille Dominicaines et Dominicains d’ascendance étrangère, dont une grande partie haïtienne, la situation de ces milliers de personnes menacées d’apatridie ne s’est pas améliorée sur le territoire voisin d’Haïti.
La réalité aurait même empiré pour beaucoup de personnes, affirme la plateforme Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (Garr), lors d’une conférence-débat, ce mardi 23 septembre 2014 à Port-au-Prince, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
Entre des prises de position internationales, un programme de régularisation, des manifestations, entre autres, la situation des personnes visées, considérées comme des apatrides, ne s’est pas arrangée entre le 23 septembre 2013 et le 23 septembre 2014.
Exprimant son insatisfaction, la plateforme Garr réclame le retrait de l’arrêt de la cour constitutionnelle dominicaine en date du 23 septembre 2013.
Intervenant sur l’histoire de la République Dominicaine et celle d’Haïti, le professeur d’université Watson Denis qualifie cet arrêt d’« insipide » et de discriminatoire ».
« Un grand nombre de ces personnes sont aujourd’hui des apatrides, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas de nationalité, qu’elles n’ont pas de documents légaux et administratifs. En un mot, elles n’ont pas d’identité », souligne-t-il, avançant la nécessité de continuer à lutter pour le retrait de cet arrêt.
Pour le professeur Denis, qui insiste sur des périodes, événements et dates-clés dans l’histoire des deux pays, les relations haitiano-dominicaines demeurent un éternel défi.
Soufiane Adjani, représentant du Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés en Haïti (Hcr), insiste, pour sa part, sur la responsabilisation « totale » d’Haïti pour lutter contre l’apatridie.
Tout en espérant des actions de suivi, Adjani déclare observer un travail de fond et des engagements, qui font qu’actuellement un projet de loi sur la nationalité haïtienne a été préparé.
« Un apatride est une personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation », rappelle-t-il, signalant combien persistant est le phénomène d’apatridie.
Plus de 10 millions de personnes sont en situation d’apatridie, aujourd’hui, dans le monde.
D’autres risquent de l’être si rien n’est fait, relève Adjani, manifestant la préoccupation du Hcr sur une telle situation.
Suite à l’adoption de la sentence du 23 septembre 2013 par la cour constitutionnelle dominicaine, un Plan national de régularisation des étrangères et étrangers en situation migratoire irrégulière (Pnre) a été mis en place par la République Dominicaine.
De son côté, Gustave Acacia, membre du cabinet du ministre des Haïtiens vivant à l’étranger (Mhave) a abordé le programme d’identification et de documentation des Immigrants Haïtiens (Pidih) en pleine implémentation, visant à faciliter l’acquisition des documents requis par les Dominicains pour la régularisation des Haïtiennes et Haïtiens.
Le Pidih constitue un programme du gouvernement haïtien, ambitionnant de doter de papiers (actes de naissance, passeports et cartes d’identification nationale) des migrantes et migrants haïtiens en situation irrégulières dans d’autres pays, dont la République Dominicaine.
Le fonctionnaire gouvernemental a mis en exergue le caractère international du Pidih et les défis que connaît l’exécution du programme en République Dominicaine, où 15 mille Haïtiens sont déjà enregistrés.
L’objectif visé de 300 mille enregistrés serait, semble-t-il, loin d’être atteint.
Acacia a également épinglé des difficultés, liées au contexte dominicain et qui empêcheraient la pleine réussite d’une telle initiative.
Entre autres défis, ont été identifiés le coût exorbitant du programme d’enregistrement, le manque d’encadrement du personnel du programme et la date d’échéance d’octobre 2014 de la loi 164-14 permettant aux filles et fils de migrants étrangers de bénéficier du programme de régularisation du gouvernement dominicain.
Le processus de régularisation tendrait de plus en plus vers l’échec, dénonçait, la semaine dernière, la plateforme Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr), qui a exprimé ses craintes par rapport à un éventuel rapatriement massif et à l’accueil d’apatrides en Haïti.
Un an après l’arrêt 168-13 du Tribunal constitutionnel dominicain du 23 septembre 2013, enlevant la nationalité dominicaine de plusieurs centaines de Dominicaines et Dominicains, la controverse persiste autour de cette disposition, en dépit des formules mises en œuvre par l’État dominicain, officiellement pour pallier ses effets. [mm kft rc apr 23/09/2014 15:00]