P-au-P, 19 sept. 2014 [AlterPresse] --- « Rapatriements massifs et accueil d’apatrides en Haïti », si rien n’est fait pour corriger les manquements : telle est la crainte, exprimée par la plateforme Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr) autour des résultats du programme d’identification et de documentation des immigrants haïtiens (Pidih) et du plan national de régularisation des étrangers en République Dominicaine (Pnre).
En fonction du « très très faible pourcentage » d’étrangers régularisés jusqu’ici, le Pnre « tend vers l’échec », présage Jean-Baptiste Azolin, coordonnateur de la plateforme Garr.
Quand au Pidih, le « taux de participation est plus ou moins ».
Cependant, si les problèmes - liés à la sensibilisation, l’accessibilité et la proximité des bureaux par rapport aux lieux de fréquentation des migrantes et migrants - ne sont pas résolus, ce programme risque de passer à côté de son objectif de toucher 300 mille personnes au total.
Fin août 2014, le Ministère des haïtiens vivant à l’étranger (Mhave) a parlé de 8,700 demandes d’application au Pidih.
« Selon les chiffres communiqués par Ramón Fadul, ministre de l’intérieur et de la police dominicaine, 117,000 migrantes et migrants haïtiens se sont déjà inscrits au Pnre. Cependant, seulement 52,000 détiennent un type de documents d’identification. Ramón Fadul continue, toutefois, d’insister sur l’éventuelle expulsion massive de toutes ressortissantes étrangères et de tous ressortissants étrangers qui n’auront pas respecté la date fixée, fin juin 2015 », souligne une note du Garr transmise à AlterPresse.
Alors qu’une « mission de supervision » du Pidih a été dépêchée en République Dominicaine, le 15 septembre 2014 (selon un communiqué du Mhave), des travailleurs migrants haïtiens de plusieurs bateyes revendiquent la gratuité des documents.
Appel lancé pour des documents gratuits
La délégation doit visiter les travaux d’aménagements des « principaux sites sélectionnés pour desservir les populations haïtiennes de 4 villes principales, dans lesquelles le Pidih sera implémenté : Santo Domingo, Santiago de los Caballeros, Higuey et Barahona », indique le Mhave.
Des institutions, telles les Archives nationales, l’office national d’identification (Oni) et l’Immigration devraient s’installer sur les sites.
Par centaines, les travailleurs ont défilé, pour la deuxième fois à Santo Domingo, le 17 septembre 2014, pour « exiger des autorités haïtiennes des documents d’identité gratuits », deux jours seulement après l’arrivée de la délégation du Mhave, conduite par Gustave Acacia, coordonnateur du programme en Haïti, rapporte la plateforme Garr.
« Nous exigeons, de manière gratuite, du gouvernement [du président Joseph Michel Martelly et du premier ministre Laurent Salvador Lamothe], nos documents d’identité », ont scandé les manifestants sur le parcours les menant devant les locaux de l’ambassade d’Haïti en terre voisine.
L’Etat haïtien devrait se pencher, au cas par cas, sur la situation « des plus vulnérables », préconise la plateforme Garr, considérant comme « abordable » le tarif de mille pesos ( 1 peso = 1.10 gourde ; US $ 1.00 = 46.00 gourdes ; 1 euro = 65.00 gourdes aujourd’hui) pour l’acquisition des documents d’identité par les travailleurs migrants haïtiens.
Un tiers de la population des travailleuses et travailleurs serait dans l’impossibilité de trouver les mille pesos, selon les estimations de la plateforme Garr.
« Ce sont surtout celles et ceux qui sont dans l’agriculture, puisqu’ils sont sous-payés », précise Jean-Baptiste Azolin.
« Le salaire mensuel d’environ 40,000 travailleurs et retraités des champs de canne-à-sucre dominicains ne dépasse pas 120 dollars américains », souligne Jesús Núñez, porte-parole de l’Union des travailleurs de canne-à-sucre, dont les propos sont relayés par la plateforme Garr.
Nuñez presse l’Etat haïtien d’agir rapidement pour que les travailleurs de canne-à-sucre retraités puissent bénéficier du « programme limité, mis en place par les autorités dominicaines » et aussi percevoir leur pension.
L’Ambassadeur d’Haïti à Santo Domingo, Fritz Cinéas, aurait réagi à la demande des travailleurs migrants, pour leur informer que le gouvernement haïtien n’est pas en mesure de leur fournir des documents d’identité gratuits.
L’arrêt 168-13, pris le 23 septembre 2013 par le tribunal constitutionnel dominicain pour dénationaliser des milliers de Dominicaines et Dominicains d’ascendance étrangère, spécialement haïtienne, a envenimé les rapports haitiano-dominicains.
Le dialogue binational de haut niveau, entamé en janvier 2014 entre les deux républiques de l’Ile d’Haïti, est pour le moment bloqué.
Une réunion, annoncée pour le lundi 15 septembre 2014, n’a pas eu lieu. Les autorités haïtiennes restent muettes sur les raisons du report à une date ultérieure. [efd kft rc apr 19/09/2014 15:00]