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Haïti-Justice : Avis partagés sur l’assignation à résidence d’Aristide et la levée de sa sécurité officielle

P-au-P, 15 sept. 2014 [AlterPresse] --- Plusieurs secteurs ont partagé des avis divergents et nuancés sur l’assignation à résidence surveillée de l’ancien président Jean Bertrand Aristide Aristide (2001-2004), selon les informations recueillies ou compilées par l’agence en ligne AlterPresse.

Le Conseil de l’ordre des avocats de Port-au-Prince considère l’assignation à résidence comme une atteinte à la liberté et une mesure prise en dehors de toutes dispositions normatives.

Il se dit profondément inquiet face « aux atteintes graves aux normes fondamentales de sécurité juridique des citoyennes et citoyens dans un Etat démocratique », dans une note datée du vendredi 12 septembre 2014.

« Cette série d’actes attentatoires aux libertés publiques atteint les limites de l’inacceptable », fustige le Conseil pointant du doigt des responsables de l’application de la loi qui s’autoproclament législateurs en transposant dans le droit positif haïtien des attributions restrictives de liberté comme l’assignation à résidence surveillée.

La plus récente assignation à résidence surveillée est celle adoptée contre l’ancien président Jean-Bertrand Aristide par le juge d’instruction Lamarre Belizaire dans le cadre d’un dossier de corruption, de blanchiment d’argent, de trafic illicite de la drogue dans lequel il serait impliqué avec plusieurs de ses proches.

Cette mesure prise, peu de temps après une interdiction de départ et un mandat d’amener lancé contre Aristide, a été jugée « illégale » par les avocats de l’ancien président parce que celle-ci, disent-ils, ne fait partie de la législation haïtienne.

Il est vrai que les lois haïtiennes ne prévoient pas d’assignation à résidence mais, dans la politique c’est une pratique courante, réagit Sauveur Pierre Étienne, coordonnateur du parti politique Organisation du peuple en lutte (Opl), dans une interview accordée à AlterPresse.

Le problème existant aujourd’hui est lié à notre système politique où les principes élémentaires de la séparation des pouvoirs ne sont pas respectés, explique t-il.

Il appelle à l’instauration d’un système politique dans lequel le pouvoir exécutif ne considère pas le pouvoir judiciaire comme son appendice.

« Nul n’est au dessus de la loi », affirme, toutefois, Pierre Étienne souhaitant un réel traitement du dossier d’Aristide en dehors de toute persécution politique.

Il y a une escalade dans les différentes mesures prises par le juge Lamarre Belizaire, critique, pour sa part, la secrétaire générale du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (Rdnp), Mirlande Hyppolite Manigat, jointe au téléphone par AlterPresse.

Elle fait allusion aux diverses décisions liées à l’interdiction de départ, au mandat d’amener et à l’assignation à résidence surveillée, émise contre Aristide.

« L’attitude du juge n’a aucun fondement juridique », condamne t-elle.

Aucun texte législatif ou réglementaire n’autorise un juge d’instruction à placer en résidence surveillée un inculpé, rappelle le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), dans un communiqué de presse en date du 12 septembre 2014.

Le Rnddh critique l’attitude arbitraire du juge Lamarre Belizaire dans ce dossier.

« Ceux qui exécutent cette décision s’exposeront à des poursuites pénales suivant les dispositions de l’article 27 de la Constitution haïtienne », met en garde le Réseau.

Suivant cet article : « Toutes violations des dispositions relatives à la liberté individuelle sont des actes arbitraires. Les personnes lésées peuvent, sans autorisation préalable, se référer aux tribunaux compétents pour poursuivre les auteurs et les exécuteurs de ces actes arbitraires, quelles que soient leurs qualités et à quelque corps qu’ils appartiennent ».

Levée de la sécurité officielle d’Aristide, représailles ou mesure fondée ?

Aristide a été privé de sa sécurité officielle dans la nuit du jeudi 11 au vendredi 12 septembre 2014, a confirmé Me Mario Joseph, l’un des avocats de l’ancien président.

« Logiquement, quand un président a été élu et que son mandat arrive à terme, l’Etat doit garantir sa sécurité pendant cinq ans », explique le coordonnateur de l’Opl.

Aristide a été en exil le 29 février 2004 suite à sa chute au pouvoir. Il est revenu en Haïti le vendredi 18 mars 2011, après avoir passé 7 ans en Afrique du Sud.

La sécurité officielle accordée à Aristide après son retour dans le pays n’a été qu’une courtoisie du pouvoir de l’époque. Celle-ci ne dépendait que des caprices des autorités en place, souligne Pierre Etienne.

Me Kedler Augustin, porte-parole de la Primature va dans le même sens et ajoute qu’il aurait été incohérent qu’un citoyen, ayant des démêlés avec la justice au point d’être l’objet d’un mandat d’amener, continue à être protégé par les forces de l’ordre.

Toutefois la dirigeante de Fanmi lavalas (parti proche d’Aristide), Maryse Narcisse dénonce cette levée de la sécurité officielle de l’ancien président et dénonce un complot visant à l’assassiner.

La privation d’Aristide de sa sécurité officielle semble participer d’une tentative de représailles dans le contexte actuel, pense aussi, de son côté, le bâtonnier de l’ordre des avocats, Carlos Hercule.

Qu’est ce qui justifie qu’on la lève aujourd’hui ?, s’interroge Hercule estimant qu’il devrait au moins y avoir une notification.

« La personne a droit au respect, il y a une façon de la traiter », dit-il. [emb apr 15/09/2014 15 : 30]