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Haiti-Droits humains : Mobilisation en France pour la libération de Jean Matulnès Lamy

Par Jacques NÉSI et
Odéël DORCÉUS

Soumis à AlterPresse le 3 septembre 2014

Jeudi 28 août 2014, des organisations franco-haïtiennes et françaises se sont entretenues avec l’ambassadeur désigné sur le cas du prisonnier Jean Matulnès LAMY à l’ambassade de la République d’Haïti à Paris (France).
Les associations et comités solidaires des peuples d’Amérique latine et des Caraïbes ont envoyé, le 11 juillet 2014, à Madame Vanessa MATIGNON (ambassadeur désigné de la République d’Haïti en France) un courrier pour porter à son attention le cas d’un citoyen haïtien détenu au pénitencier national pour une raison manifestement d’engagement social, depuis février 2014, sans inculpation, bien qu’il ait été présenté à un juge en avril 2014, et sans que quiconque ait porté plainte contre lui.

Lors de cette entrevue, M. Fabien COHEN (secrétaire général de France Amérique Latine) rappelle que selon les échos, le projet sur l’Ile-à-Vache semble être très important pour le gouvernement haïtien au niveau national et il ne pourra être aussi important pour la population au niveau local que si les intérêts des deux parties sont garantis et sauvegardés. Cet équilibre, aujourd’hui rompu, ne peut être obtenu que dans le cadre d’un climat serein qui permet aux deux parties de parvenir à un accord ; or, ce compromis ne peut se faire que si Jean Matulnès LAMY est libéré.

De son côté, M. Jacques NESI, représentant de la PAFHA et président du « Comité pour la Libération de Matulnès – Europe », précise que la revendication principale de la population locale et des organisations est la libération sans condition de Jean Matulnès LAMY. Il préconise l’ouverture d’un dialogue avec les habitants de l’île, car ce projet est un sujet de débat et ce débat ne peut pas se faire en violation des droits de l’homme. Quand on sait que ce régime a fait sien le projet de renforcer l’Etat de droit et entreprend en permanence une politique de communication autour de ce thème, en proposant la création d’un plan national de défense des droits de la personne, le gouvernement, n’a aucun intérêt à intensifier la répression sur l’île. C’est une attitude improductive, car elle contribue à dégrader le climat social.

Ensuite, M. Jean-Pierre GIORDANI (Centre Anacaona Droits Humains Haïti) se basant sur le rapport d’enquête des organisations des droits humains en Haïti (DESAFRODH, DOP, FRAKKA, GARR, JILAP, PAPDA, POHDH, RNDDH) du 2 avril 2014, « Rapport d’enquête sur la situation de tension à l’Ile à Vache », indique que le passage en force du projet du gouvernement et la répression ne sont pas la solution. La population a le droit constitutionnel de manifester sa réprobation. Un premier signe d’apaisement serait la libération de Jean Matulnès LAMY.

Pour sa part, Mme Maryvonne FELLIATRE (ambassadeur de l’IHRC- International Human Rights Commission) souligne les conséquences sociales de l’emprisonnement arbitraire de Jean Matulnès LAMY. Sa famille est privée de ressources car il en est le « poto mitan ». Sa fille ne nourrit aucun espoir de poursuivre ses activités scolaires, sa prise en charge n’étant pas assurée par les autres membres de la famille. On est en présence, de surcroit, d’un cas humanitaire qui interpelle tout citoyen. Selon Mme FELLIATRE, les conditions de détention de M. LAMY sont effroyables et son organisation souhaite que la sécurité de M. LAMY et de sa famille soit assurée.

Enfin, M. Emmanuel BOUTTERIN (Vice-Président exécutif de l’AMARC-Association Mondiale des Radios Communautaires), magistrat, a pris connaissance de certains éléments du dossier. Il fait une présentation juridique du cas de M. LAMY avec précision, et pointe les ambiguïtés que celui-ci soulève en regard des dispositions du code pénal haïtien. Il précise que sans s’ingérer dans les affaires internes de la République d’Haïti, ni mettre en doute la compétence des juges haïtiens, l’arrestation, suivie, de sa détention n’est pas justifiée. Il rappelle que M. Jean Matulnès LAMY, très bien noté par sa hiérarchie, a exercé sa profession de policier pendant plus d’un an après le fait qui lui est reproché. Il n’a pas cherché à fuir le pays et il est toujours resté à la disposition de la justice. Ce dernier avait été arrêté à Port-Au-Prince lorsqu’il allait demander une autorisation de fréquence d’émission de radio au CONATEL car il était aussi responsable d’une radio communautaire à l’Ile à Vache [1]. Les éléments invoqués dans la procédure ne permettent pas de le maintenir en prison, conclut Emmanuel BOUTERIN.

Aux termes de ces exposés, Madame Vanessa MATIGNON (ambassadeur désigné de la République d’Haïti en France) précise qu’elle a été très réactive à la demande d’entretien qui lui a été adressée. Elle indique que le gouvernement est attaché à la remise sur pied de l’Etat de droit en Haïti, à la consolidation sur le plan institutionnel et sur le plan physique de l’Etat haïtien.

« Personnellement, déclare Madame l’Ambassadrice, je n’ai pas les éléments du dossier. ». En raison de sa formation d’avocate, elle préfère se prononcer après avoir analysé les pièces disponibles. Elle va chercher à s’informer de la situation, d’autant qu’elle tente de projeter une image positive d’Haïti à l’extérieur. Elle ne souhaite pas voir que le gouvernement et le président de la République qu’elle représente donnent l’image d’un pays qui serait comptable de violations des droits humains. « Je vais saisir de la question la ministre des Droits de l’homme », assure-t-elle, en indiquant qu’elle ne peut pas s’engager en faveur de la libération de Jean Matulnès LAMY. En revanche, elle assure à la délégation qu’elle transmettra les revendications qui lui sont parvenues. Elle invite la délégation à faire le point, pour bien montrer ses préoccupations, d’ici la fin du mois de septembre 2014.

M. Fabien COHEN a conclu sur le communiqué, daté du 25 août 2014, du Bureau de la Ministre Déléguée auprès de Premier Ministre chargée des Droits Humains et de la Lutte contre la Pauvreté Extrême qui a pour titre « Vers la mise en œuvre du Plan national des Droits de la Personne ». Il s’interroge : comment peut-on mettre en place un plan national des Droits de la Personne si des hommes et des femmes sont emprisonnés sans motifs réels ou pour des motifs politiques ?

Il rappelle aussi que les associations engagées dans cette affaire sont pugnaces. Elles attendent un retour à la suite de cet entretien. Elles envisagent de demander rendez-vous au Ministère des Affaires étrangères, ainsi qu’aux présidents des groupes d’amitiés avec Haïti, tant de l’Assemblée nationale que du Sénat. Jean Matulnès LAMY n’a commis qu’une faute : celle de dire non, ce qui ne saurait être considéré comme une faute, mais plutôt comme l’acte d’un homme libre soucieux de la défense des intérêts de ses compatriotes qui vivent sur une île qu’ils ont habitée et valorisée, depuis des années, loin des regards intéressés des passionnés de rentabilité financière.

Les participants à la réunion :

· Fabien COHEN, Nicole TEKE (France Amérique Latine),

· Jacques NÉSI (Comité pour la Libération de Matulnès – Europe et PAFHA-Plateforme des Associations franco-haïtiennes),

· Jean-Pierre GIORDANI (Centre Anacaona Droits Humains Haïti),

· Maryvonne FELLIATRE (IHRC - International Human Rights Commission),

· Emmanuel BOUTTERIN (AMARC - Association Mondiale des Radios Communautaires),

· Odéël DORCÉUS (Collectif Haïti de France),

· Wilkenson PIERRE-LOUIS (Journaliste - Animateur de l’émission "Bienvenue en Haïti" sur Radio RGB 99.2 FM).

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