P-au-P, 08 août 2014 [AlterPresse] --- En présence de policiers nationaux, lourdement armés, et d’agents du conseil municipal intérimaire de Port-au-Prince, une opération de déguerpissement forcé, à l’aide de tracteurs, a eu lieu, ce vendredi 8 août 2014, au camp établi sur l’ancien espace technique des Télécommunications d’Haïti (Téléco) à Sans Fil (au nord-est de la capitale), selon les témoignages recueillis par l’agence en ligne AlterPresse.
Cette opération de destruction de tentes survient, environ trois jours après une lettre d’avertissement adressée aux occupantes et occupants de ce camp de personnes, déplacées au lendemain du tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Un enfant aurait été blessé, au cours de l’opération de démolition, et acheminé à l’hôpital, rapporte un membre du camp joint par AlterPresse.
Beaucoup de ces occupantes et occupants se sont plaints, dans la presse, du caractère « méchant » de l’opération de déguerpissement, réalisée dans l’après-midi du 8 août.
« Nous ne savons pas où nous allons pouvoir nous loger ce soir », répétaient-ils.
Le programme 16/6 assume l’opération du 8 août 2014
La forte présence policière, au cours de cette opération de déguerpissement, a constitué une « disposition dissuasive », en fonction de la zone qui est sensible, fait savoir à AlterPresse l’ingénieur Clément Bélizaire, en charge du projet gouvernemental de relocalisation, baptisé 16/6 et débuté en septembre 2011 dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince.
« Nous avons été très cléments envers ce camp, le dernier qui existe dans la zone », déclare Bélizaire, soulignant que « le dernier versement de dédommagement [des familles déplacées à Sans Fil] a été fait le mercredi 6 août (2014) ».
948 familles, enregistrées dans ce camp, ont reçu, chacune, le montant agréé standard de 20 mille gourdes (environ 400 dollars américains) pour se trouver un logement, selon le principal responsable du programme 16/6.
La veille de l’opération, des locataires au camp de Sans Fil affirmaient qu’ils « ne laisseront pas le camp sans être dédommagés » par les autorités.
Réclamant des logements décents et l’annulation d’un ultimatum de 3 jours (remis par lettre le mardi 5 août 2014) pour abandonner l’espace, ils avaient même organisé au moins 2 journées de mobilisation, durant laquelle la circulation dans la zone a été paralysée.
« Les gens, qui sont disqualifiés, ont été déjà dédommagés dans d’autres camps voisins. Ils n’ont tout simplement pas leurs noms sur la liste des personnes qui habitent dans le camp, vu qu’ils n’étaient pas là lors de l’enregistrement effectué au milieu de la nuit », d’après Clément Bélizaire.
Ce sont aussi des sinistrés qui disent « n’avoir aucune pièce d’identité ».
Cette dernière pratique serait une manière, pour eux, de se faire compenser une nouvelle fois, avance Bélizaire.
Une fois l’espace libéré, il devra servir à l’établissement d’un nouvel hôpital, annonce Clément Bélizaire.
Depuis le lancement du programme 16/6, en septembre 2011, environ 1,385 camps (sur 1,555) auraient été libérés dans l’aire métropolitaine et dans d’autres zones affectées.
La population dans les camps serait passée d’1 million 500 mille (après le 12 janvier 2010) à 103 mille personnes déplacées aujourd’hui (août 2014).
Le programme 16/6 devrait être achevé d’ici le mois de décembre 2014.
Signes avant-coureurs à la veille de l’opération de déguerpissement du 8 août
« Nous sommes environ 400 familles, rudement éprouvées dans ce camp. Nous sommes tous des victimes et n’avons pas demandé à être là », déclarait à AlterPresse un des locataires du camp de Sans Fil.
Il invitait le président Michel Martelly et le premier ministre Laurent Lamothe à décaisser, s’il le faut, leur propre argent pour dédommager les familles déplacées.
Dans le camp, établi sur un terrain appartenant à l’État haïtien, qui abritait un ancien centre technique des Télécommunications d’Haïti, un vent de tension a régné durant les deux derniers jours.
Les gens craignaient des attaques armées. Des barricades de pneus usagés enflammés ont été érigées à la rue Sans fil.
La Force de réflexion et d’action sur le droit au logement (Fòs refleksyon ak aksyon sou koze kay / Frakka) plaçait l’initiative de déguerpissement sous le compte d’ « individus » mal intentionnés.
C’était la confusion autour de l’auteur exact de la lettre : le bureau du premier ministre, le conseil municipal intérimaire de Port-au-Prince, la protection civile ou une organisation non-gouvernementale impliquée dans la relocalisation ?
Contacté par AlterPresse, le porte-parole du premier ministre, Michel Brunache, « ne savait pas de quoi on parle ».
Une responsable du conseil municipal intérimaire à Port-au-Prince, jointe au téléphone, affirmait ne pas être au courant ...
Même cas de figure chez la Protection civile de l’Ouest.
L’organisation internationale pour les migrations (Oim), qui travaille également dans les camps, reconnaît l’existence du camp, mais « n’a jamais travaillé dans ce camp », expliquait Fabien Sambussy, chargé (au sein de l’Oim) du projet de retour des personnes déplacées.
C’est dans ce contexte que s’est déroulée l’opération de déguerpissement, dans l’après-midi du vendredi 8 août 2014.
En juillet 2014, une personne avait été blessée par balles à la suite d’un un mouvement de mobilisation des personnes déplacées au camp Sans Fil, pour réclamer des logements décents. [srh rc apr 08/08/2014 16:12]