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La France ne veut pas perdre du terrain en Haïti

P-au-P, 4 août 2014 [AlterPresse] --- Le président du Sénat français, le socialiste Jean-Pierre Bel, évoque « la responsabilité » de la France d’accompagner le processus de développement d’Haïti et de maintenir son influence dans ce seul État francophone de la Caraïbe, eu égard à « l’histoire commune » entre les deux Républiques.

« Nous devons absolument être présent. Si je suis ici c’est pour affirmer cette volonté d’être aux cotés des Haïtiens et aussi de jouer notre rôle dans un pays francophone », déclare Jean-Pierre Bel à la veille de la fin de son séjour de 5 jours en Haïti (29 juillet au 2 août 2014).

« C’est vrai que nous avons besoin de le faire (…) parce que nos amis américains, le Brésil sont ici présents. Nous savons que les haïtiens aussi ont besoin de voir des Français », ajoute le sénateur dans une interview accordée à quelques journalistes.

Depuis l’occupation militaire américaine de 1915 à 1934, les Etats-Unis ont une influence majeur en Haiti, tandis que le Brésil joue le rôle de leader des troupes de la Mission des nations-unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) depuis 2004.

« Nous avons un accompagnement aussi à apporter pour que la France soit présente, pour que le Français soit parlé autant qu’il l’a été dans le passé », insiste le parlementaire qui n’a pas manqué d’évoquer la coopération de son pays dans les domaines de l’éducation et de la culture.

En visite en France en février 2014, le président haïtien, Michel Joseph Martelly, n’a-t-il pas considéré son pays comme un prolongement de la France dans la région des Amériques ? Martelly a aussi jugé « important » que l’Hexagone renforce sa présence en Haïti.

Esclavage : le sensible sujet de la réparation

L’histoire des relations de la France avec Haïti est marquée notamment par la réduction des haïtiens et haïtiennes en esclavage durant plus de deux siècles (1625 – 1804), ce qui est, selon Bel, un « problème moral, historique (et) éthique ». C’est « une reconnaissance que nous devons avoir », souligne-t-il.

Pour Bel, la question des réparations de la France à Haïti par rapport aux torts de l’esclavage ne doit pas être considérée du point de vue financier comme une « repentance, une manière de solder ces sujets uniquement par des moyens financiers »

« La question financière est de voir comment nous contribuons à aider Haïti à se redresser mais pas en faisant référence à ces moments d’histoire qui sont très très importants », poursuit-il.

Le 21 mai 2001, une loi a été adoptée en France pour reconnaître l’esclavage et la traite négrière comme crimes contre l’humanité. Cette loi nourrit l’ambition de sortir la traite de l’oubli notamment dans les manuels scolaires français oùelle est passée sous silence.

L’actuelle ministre de la justice française, Christiane Taubira, députée guyanaise à l’époque et qui a initié cette loi, a compris l’œuvre de réparation des pays colonisateurs à l’égard des anciennes colonies comme une politique économique « moins inégalitaire qu’aujourd’hui ».

Au sénat français, cette histoire entre les deux peuples se trouve analysée dans « des moments importants » organisés à cette fin, informe Bel rappelant que chaque 10 mai, l’abolition « des esclavages » est commémorée en France et le président de la république y prend part.

Le sénateur souligne aussi l’importance des rencontres dites « mémoires croisées » sur la période du colonialisme et de l’esclavage.

« C’est donc pour les Français, d’abord une responsabilité et un rappel à notre propre histoire », dit-il.

Toutefois, le sénateur socialiste ne veut pas « simplement s’en tenir à l’histoire » - comprise dans le sens de passé. Le parlementaire évoque la contribution de la France dans les actions de développement post séisme qui se chiffre à 326 millions d’Euros dont le financement de la reconstruction de l’hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (Hueh), l’un des principaux centres hospitaliers du pays.

Après la visite de chantiers dont l’Hueh, la Cour de Cassation et le centre culturel Triomphe à Port-au-Prince, le président du Sénat français garde des « impressions liées à un pays qui a vécu un drame profond (…) mais aussi qui est dans une volonté de reconstruction avec beaucoup de difficulté ».

« Stabilité », développement et investissement étranger marchent de pair, conclut Bel qui dit faire « confiance aux responsables politiques de ce pays » pour progresser. [efd gp apr 04/08/2014 06:00]