Gonaïves, 11 juil. 2014 [AlterPresse] --- Situé à côté du cimetière des Gonaïves, le marché public Topa (du surnom de Stephen Moïse, ancien maire des Gonaïves décédé) est reconnu comme le siège de la prostitution aux Gonaïves, selon les témoignages recueillis par AlterPresse.
Installé en plein air dans une rue, ce marché public accueille, la nuit tombée, de nombreuses travailleuses du sexe, de jeunes femmes, âgées, pour la plupart, entre 20 et 38 ans, hélant les clients.
Les tréteaux des marchandes et marchands de vêtements et de chaussures, bordant les deux côtés de la rue, servent de lits.
Dans le silence de la nuit, les cris stridents de ces travailleuses de sexe - ajoutés aux craquements des tréteaux - font régner une ambiance érotique dans ce coin sombre, fréquenté par des gens, qui font le va-et-vient entre le centre-ville des Gonaives et les quartiers Trou Sable, Trou Couleuvre et avenue Léon Legros.
Cheri an n al fè l (Chéri, allons le faire) : c’est ainsi que les prostituées abordent quiconque fréquentant cet endroit.
Parfois, ces activités sexuelles, appelées aussi « free night » (du nom d’un retour sur consommation, offert par une compagnie de téléphonie mobile) commencent au marché Topa, au moment même où certaines marchandes ramassent leurs marchandises.
Dans ce marché public, transformé en bordel, l’amour est à bon prix, à en croire Naomie (nom d’emprunt), l’une des travailleuses de sexe, interrogées par AlterPresse.
Le prix varie de 50.00 à 100.00 gourdes (US $ 1.00 = 46.00 gourdes ; 1 euro = 65.00 gourdes aujourd’hui). Tout dépend de la capacité économique et de l’endurance des partenaires, indique Naomie à AlterPresse.
Lors de ces rapports, éclatent parfois des discussions entre prostituées et clients, rapporte Naomie.
Beaucoup de travailleuses du sexe aux Gonaïves n’acceptent pas qu’un client paie 50.00 gourdes, alors qu’il prend beaucoup de temps pour parvenir à l’orgasme.
« Quand cela arrive, les prostituées mécontentes décident de mettre fin prématurément à ce moment, sans satisfaire leur client, sauf si ce dernier consent à donner un supplément », explique Naomie.
Belou (autre nom d’emprunt), 26 ans, est aussi du nombre de ces jeunes filles qui font le commerce du sexe au marché Topa.
Originaire de Port-de-Paix (Nord-Ouest d’Haïti), elle déclare ne pas être confortable dans cette activité.
« Je suis tombée enceinte. Trois mois après la venue au monde de l’enfant, le père a refusé d’assumer ses responsabilités, prétextant que j’avais eu des relations avec d’autres partenaires », confie Belou.
« Etant donné que je n’ai personne pour m’aider, je n’ai recours qu’à la prostitution pour assurer ma survie et celle de mon enfant », déclare Belou, signalant que son père, sa mère et ses deux frères ont, tous, péri dans le tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Pour sa part, Katie (nom d’emprunt) affirme que les moments de plaisir, qu’elle passe avec ses clients, lui rapportent 2,000.00 à 2,500.00 gourdes par semaine.
« En plus de nourrir mes enfants, cet argent me permet de répondre à certaines exigences de la vie quotidienne », déclare Katie.
Les marchandes et marchands de vêtements et de chaussures critiquent les autorités communales, qui n’ont rien fait pour empêcher cette activité au marché public Topa.
Il est très courant de retrouver, tous les matins, des préservatifs usagés sous les tréteaux, devenus endommagés sous l’effet des mouvements des prostituées et de leurs clients, révèle à AlterPresse une des marchandes.
L’exercice de ce métier et le phénomène social qu’il représente tendent à gagner aussi les trottoirs de la cité de l’Indépendance.
A des heures avancées de la nuit, certaines jeunes filles - remarquées sur le trottoir, aux environs de la place Bouteille et du commissariat de police des Gonaives - proposent des relations sexuelles monnayées à des hommes.
Opinant sur cette situation, des dirigeantes d’organisations de femmes aux Gonaïves souhaitent que la prostitution soit réglementée.
« La loi n’interdit ni ne légalise la prostitution. Les autorités doivent prendre des mesures pour forcer les prostituées à exercer leurs activités dans un endroit qui ne nuit personne », estime la coordonnatrice de Koze fanm Gonayiv(Kofag), Micheline Fleurimat.
Pour sa part, la présidente du groupement des femmes en action des Gonaïves (Gfag), Ghislaine Beaubrun, plaide en faveur de l’encadrement socio-sanitaire des travailleuses de sexe.
« Les prostituées sont des travailleuses indépendantes. Les autorités doivent leur accorder une couverture sociale, qui leur permettrait d’avoir accès aux soins de santé et le respect de leur dignité », recommande la présidente du Gfag.
Il existe aussi des prostituées exerçant leurs activités dans des maisons privées aux Gonaïves.
N’ayant pas le courage de se déclarer, des jeunes filles, qui luttent pour leur survie, livrent, en toute discrétion, leur corps aux plaisirs sexuels monnayés.
Il y a, au moins, trois maisons de débauche (dont l’une comporte des ressortissantes dominicaines), fonctionnant jour et nuit aux Gonaïves, au profit de proxénètes.
Munis de clubs et bars-restaurants, ces vieux bordels sont très fréquentés par des jeunes de la cité, qui vont y passer leur soirée, au son de la musique et en buvant de l’alcool, parfois en tête à tête avec les prostituées. [apr 11/07/2014 2:35]