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Haïti-Santé : Les producteurs peu informés de la présence de poison dans les arachides transformées en « manba »

P-au-P, 30 juin 2014 [AlterPresse] --- Aflatoxine. Le mot atteint lentement des transformateurs de produits agricoles et éleveurs haïtiens qui découvrent à peine ce qui est pourtant considéré par une étude comme un grand danger pour la santé.

L’aflatoxine est une mycotoxine produite par les champignons Aspergillus (Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus) proliférant avec la chaleur et l’humidité. Il peut provoquer à des taux élevés le cancer du foie et un retard de croissance chez les enfants.

Une étude conduite par des chercheurs américains en 2010 a démontré des taux considérables d’aflatoxine dans des échantillons de beurre d’arachides [manba] haïtien. Les aflatoxines peuvent aussi se retrouver dans le maïs, le sorgho, mais aussi les œufs, le lait, la viande si l’animal a consommé un produit contaminé.

« Je viens de prendre connaissance de cette information via un mail. J’ai transmis l’information aux autres membres et éventuellement nous aurons une rencontre avec notre partenaire, la faculté d’agronomie », indique Yvon Faustin de l’Association nationale des transformateurs de fruits (Anatraf).

Yvon Faustin se montre prudent. Pour lui il est encore tôt pour parler sur le sujet car les informations manquent. Il se dit cependant surpris.

« Je connais les conditions de production dans le pays et une telle nouvelle n’est pas étonnante. Ce qui m’étonne c’est qu’on indique que les autorités haïtiennes sont au courant et ne font rien, même pas faire circuler l’information », réagit-il.

L’Anatraf est la plus grande plateforme de transformation de produits agricoles. Ses ateliers transforment non seulement les fruits comme les mangues mais entre autres aussi la pistache de terre, le maïs et le manioc.

Comme la plupart des associations de transformation, cette plateforme achète auprès des producteurs agricoles et n’a pas de contrôle direct sur la production.

« Nous utilisons nos produits mais quand cela ne suffit pas nous achetons auprès des paysans à Cerca-Carvajal, Thomassique et sur le marché Hinche », explique Muller Michel, coordonateur de l’équipe technique du mouvement paysan Papaye (Mpp).

Le Mpp produit un beurre d’arachides dont le label est très connu sur le marché. Muller Michel dit n’avoir pas eu connaissance de l’étude au sujet des aflatoxines, toxines qui se libèrent surtout quand le produit n’est pas suffisamment séché.

« Pour les cacahuètes nous faisons un tri manuellement » pour enlever les déchets « et si le pourcentage d’humidité est trop élevé nous les séchons [à nouveau] au soleil », assure-t-il, précisant que la détermination de ce taux d’humidité est manuelle.

La découverte d’aflatoxine dans le beurre d’arachides soulève la question des conditions de production, la manière d’entreposer les produits notamment, mais aussi celle du contrôle de la qualité au niveau de l’agriculture et de l’élevage.

« La faiblesse persistante des institutions haïtiennes se traduit par des déficiences graves en matière de cadre réglementaire et légal du contrôle de qualité en Haïti, qui n’a pas évolué depuis plus d’un demi-siècle », indique le ministère de l’agriculture dans le plan d’investissement sur la croissance du secteur agricole sur son site

Dans ce document le ministère reconnait qu’il n’y a pas de système national de contrôle de qualité.

« La plupart des lois sont désuètes ou incomplètes. Des projets de règlements et de lois ont été préparés mais n’ont jamais été déposés au Parlement. Le manque de coordination entre les institutions publiques impliquées dans l’application des normes (MARNDR, MSPP, MCI) aggrave le problème de contrôle de qualité des produits », ajoute le ministère. Ce contrôle de qualité qui pourrait être fait particulièrement au niveau des produits d’élevage.

Othon Laventure, coordonnateur du Mouvement des paysans victimes dans le Nord (Mpvn) indique qu’il n’est pas au courant de la présence d’aflatoxines dans les produits que les animaux peuvent consommer.

Des tentatives de discussions avec certains paysans ne lui ont pas fourni plus d’informations.

« A chaque fois que l’on avance une chose, je préfère faire des recherches avant de parler. On ne peut pas s’avancer sans trop savoir de quoi il en est », indique-t-il.

Les animaux élevés par les paysans du mouvement auquel il appartient sont surtout des porcs, des bœufs et des poulets. Ces derniers sont nourris de céréales (maïs, riz).

« C’est seulement maintenant que l’on commence à voir une petite évolution. Les paysans achètent parfois de la nourriture industrielle spéciale pour les animaux », explique-t-il.

Mais cela vaut rarement pour les bœufs et les cabris car l’élevage libre est en général pratiqué. Les animaux mangent alors ce qu’ils trouvent dans les champs.

Par ailleurs, dans le Nord, les paysans font face aux vols de plus en plus fréquents de bétails. Ces vols augmentent à l’approche des fêtes champêtres. Désespérés, les éleveurs cherchent à vendre au plus vite leurs animaux et ce à des prix dérisoires.

« Tout le monde veut vendre alors que la demande est au plus bas », rapporte Othon Laventure.

Les vols de bétails ont fait plus de 10 mille victimes dans le Nord en 2013, et demeurent au-delà des maladies qui frappent les animaux, la principale préoccupation de ces éleveurs. [apr 30/06/2014 12 :15]