Une partie des arachides et du maïs haïtiens serait contaminée aux aflatoxines. Lors d’une récente étude, des chercheurs ont décelé des taux inacceptables d’aflatoxines dans 18 des 20 échantillons de beurre d’arachide, prélevés en octobre et décembre 2010. Des aflatoxines ont été détectées sur presque tous les échantillons d’arachides et de beurre d’arachide haïtiens examinés... Au courant du problème et du danger de dommages sur la santé, les autorités sembleraient faire peu de cas de mesures systématiques de prévention à adopter…
Enquête
P-au-P, 17 juin 2014 [Ayiti kale Je / AlterPresse] --- En Haïti, une toxine, présente dans des produits alimentaires circulant sur le marché, pourrait être l’une des causes du plus haut taux antillais de retard de croissance (http://www.usaidbest.org/docs/haitiReport.pdf) et d’autres maladies chez les enfants, ainsi que du cancer du foie (http://informahealthcare.com/doi/abs/10.3109/15563650.2013.849350 ) chez les grandes personnes, ce à l’insu de la plupart des agricultrices /agriculteurs ainsi que des consommatrices et consommateurs haïtiens, selon les résultats d’une investigation conduite pendant plusieurs mois par Ayiti Kale Je (Akj).
Peu de gens sont au courant du fait qu’il y a des aflatoxines – une toxine produite par les champignons Aspergillus (Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus) [1] – dans les cacahuètes et le beurre de cacahuètes haïtiens, plus connu sous le nom de manba à travers le territoire national.
Des interviews et la consultation de récentes études ont permis à Akj de découvrir un fait que de nombreux scientifiques savent déjà.
Les aflatoxines peuvent également se développer dans le maïs et le sorgho, où elles posent un risque pour la santé humaine, directement ou via l’alimentation animale. Car, elles peuvent contaminer la viande de l’animal, qui en a consommé, et se retrouver jusque dans le lait et les œufs.
Dans de nombreux pays riches, les organismes gouvernementaux soumettent régulièrement les produits alimentaires à des analyses et retirent du marché ceux qui sont nocifs pour la santé des consommatrices et consommateurs.
En Haïti, le laboratoire (national) vétérinaire et de contrôle de qualité des aliments de Tamarinier (Lvcqat) effectue, sur demande, des tests de produits alimentaires. Mais, il n’y aurait pas de programme systématique de contrôle des produits alimentaires avant leur mise en vente sur le marché national.
Les gens consomment des cacahuètes, du maïs et d’autres produits qui pourraient être dommageables pour la santé.
Un danger connu, mais méconnu
Le public haïtien est loin d’être au courant des dangers qui se cachent dans un œuf, un plat de semoule ou un simple sandwich au beurre de cacahuète.
« Malheureusement, bien des gens – les petits marchands et les producteurs de beurre de cacahuètes – ignorent comment les cultiver et produire le beurre en toute sécurité », explique l’ingénieur-agronome Eddy Jean Etienne, qui travaille pour MFK. [2]
« La situation n’est pas critique. Mais, il faut que les agriculteurs apprennent à bien faire sécher leurs produits. Dès la récolte, ils doivent faire sécher les produits au soleil pendant un à trois jours, et parfois même quatre. D’après moi, nous pouvons facilement résoudre le problème. C’est une question de conscience collective ».
L’exposition chronique aux aflatoxines, même en faible quantité, peut avoir de sérieuses conséquences à long terme sur la santé publique, tandis qu’une forte exposition peut s’avérer fatale.
Des résultats troublants en Haïti
Il ne fait aucun doute qu’une partie des arachides et du maïs haïtiens serait contaminée aux aflatoxines.
Lors d’une récente étude, des aflatoxines ont été détectées sur presque tous les échantillons d’arachides et de beurre d’arachide haïtiens examinés. Les chercheurs ont décelé des taux inacceptables d’aflatoxines dans 18 des 20 échantillons de beurre d’arachide, prélevés en octobre et décembre 2010.
Par exemple, une des marques en vente sur le marché haïtien – tant « pimenté » que « nature » – comporterait des taux d’aflatoxines, considérés comme dangereux pour la santé humaine au Canada, aux États-Unis d’Amérique et dans d’autres pays.
Les échantillons de beurre d’arachides de la marque en question présentaient des taux de 64.3 ppb (pimenté) et de 93.7 ppb (nature).
Une marque produite au Cap-Haïtien ne comptait que 23 ppb dans sa version pimentée, mais la version nature en comptait 201 ppb. Une autre, toujours produite au Cap-Haïtien, fracassait les records, à raison de 710 ppb.
Aux États-Unis d’Amérique, les produits destinés à la consommation humaine comportant plus de 20 parties d’aflatoxines par milliards, ou « ppb », sont considérés comme dangereux.
Lorsque l’Agence canadienne d’inspection des aliments a analysé, en 2009, une des marques les plus cotées sur le marché haïtien, les fonctionnaires ont émis un avis public de danger pour la santé, déconseillant « la consommation du beurre pimenté de marque (…) ». [3]
Cancer du foie et kwashiorkor liés aux aflatoxines ?
En Haïti, aucun décès n’a été documenté, mais, selon un document qui vient d’être publié, le pays compterait le plus haut taux de cancer du foie dans les Antilles.
« Chez les Haïtiens, le taux normalisé selon l’âge est de 27.9 cancers du foie pour 100,000 hommes, dont 26.8 mortalités pour 100,000 hommes », selon les conclusions de J. R. Schwartzbord, E. Emmanuel et D. L. Brown, (Haiti’s food and drinking water : A review of toxicological health risks”, Clinical Toxicology 51, 2013). [4]
Paradoxalement, les aflatoxines, que l’on retrouve dans les arachides riches en protéines, contribueraient également à la malnutrition par carence en protéines, appelée également « kwashiorkor ».
En 2012, près de 40 % des enfants haïtiens souffraient de « dénutrition », ou encore d’« insuffisance pondérale », de « retard de croissance » et d’« émaciation », révélait une étude du gouvernement haïtien.
Mondialement, la dénutrition cause près de la moitié des cas de mortalité infantile chez les enfants de cinq ans et moins.
Pendant que les taux de malnutrition se sont améliorés en Haïti, au cours des dernières années, le pays affiche le pire bilan dans les Antilles.
Près de 22 % des enfants présenteraient un « retard de croissance ». Dans le département du Nord-Est, un tiers des enfants tombent dans cette catégorie. [5]
Lors d’une autre étude, en 2011, l’équipe de Schwartzbord a analysé des échantillons sanguins, prélevés sur 178 patients dans les Centres dénommés Groupe haïtien d’étude du syndrome de Karposi et des infections opportunistes (Gheskio) de Port-au-Prince.
Ils ont établi des liens entre la consommation d’arachides et la présence d’aflatoxines dans le sang de 76 % des patients.
« Je crois que nous avons un sérieux problème », admet Schwartzbord dans une entrevue accordée à Ayiti kale je.
« Ceux, qui ont des aflatoxines dans leur système, ont des problèmes immunitaires et résistent moins bien aux infections. Il y a aussi les problèmes liés à la malnutrition, qui sont encore plus importants en Haïti. Lorsque les aflatoxines sont présentes chez les personnes malnutries, elles rendent la métabolisation des protéines plus difficile ».
Plusieurs cas d’intoxication aux aflatoxines, documentés à travers le monde
En 2004 et 2005, deux vagues d’intoxication aux aflatoxines ont fait 150 victimes et affecté des centaines d’autres personnes au Kenya. Par la suite, les études ont révélé que le maïs contaminé était la source de ces intoxications. [6].
4,5 milliards de personnes à travers le monde pourraient être chroniquement exposées aux aflatoxines, estime l’agence étasunienne, Centers for disease control (Cdc) [7].
Le controle de qualité chez Pidy et Rebo
« C’est le Laboratoire vétérinaire et de contrôle de qualité des aliments de Tamarinier (Lvcqat) qui fait maintenant le contrôle de qualité pour nous sur l’aflatoxine, sur pratiquement chaque production de pistaches et de manba. Cela permet de ne pas retrouver les mêmes problèmes que mes prédécesseurs avaient eus », affirme à Akj Claude Derenoncourt, consultant en matière de contrôle de qualité à Pidy (entreprise qui existe depuis 1916).
Des tests systématiques sont effectués tous les 4-5 jours sur la pistach (arachide) et le manba à Pidy.
« Dans les flux de production, nous avons des ingénieurs de contrôle de qualité qui ont comme tâche de s’assurer que nous fonctionnons dans des paramètres acceptables. Lorsque nous sortons des paramètres, nous corrigeons et retournons à la norme », souligne Derenoncourt qui fait partie, depuis fin 2012, de l’équipe de la compagnie privée de production de manba.
Au lieu d’un standard international, les pays s’inspirent, à son avis, de directives internationales, comme le codex alimentarius [8] pour établir une législation propre.
Le codex alimentarius ferait partie de la législation en Haïti.
« Le produit Pidy est très accepté et très demandé », malgré l’incident au cours duquel un importateur canadien – qui avait acheté du manba Pidy – avait retrouvé un taux irrégulier d’aflatoxines, fait savoir Derenoncourt.
« Il n’y a pas eu de réclamation de clients. La publicité négative dure plus longtemps que les bonnes choses, particulièrement dans ce pays ».
Cependant, « la norme relative aux aflatoxines au Canada est plus stricte qu’en Haïti. Pour exporter les produits Pidy au Canada, je devrais faire 4 fois plus d’attention qu’en Haïti. Si Pidy devait se référer aux normes en vigueur au Canada, elle suspendrait sa production ou se tournerait vers la République Dominicaine pour s’approvisionner en arachides », admet Derenoncourt.
« Nous avons commencé à faire le triage des grains afin d’enlever ceux qui sont affectés. Nous avons réduit, depuis 2010, notre taux en-dessous des 30 ppb, soit entre 25 à 30 ppb qui sont acceptés par la Food and drug administration (Fda). C’est ce qui explique que nous sommes (Rébo) le manba haïtien probablement le plus cher et le moins compétitif », déclare à Akj Jean Marc Ewald, manager de production et de qualité à Rébo S.A.
« Ayant pris connaissance des taux d’aflatoxines, après 2010, nous avons réalisé, dans les premiers tests faits à ce moment-là, que nous travaillions sur 40 ppb. Contrairement aux 20 pbb avancés - qui sont les principes de l’association américaine des producteurs d’arachides -, la limite américaine est de 25 ppb et la limite européenne de 10 ppb ».
Pour Ewald, le codex alimentarius constitue des règles que le ministère du commerce et de l’industrie (Mci) essaie de faire appliquer en Haïti.
« Je suis obligé de jeter plus de 30 à 35% des arachides que nous recevons, tant le pourcentage d’aflatoxines s’est aggravé. Si je ne le faisais pas, j’atteindrais un taux de 400 voire de 500 ppb. Si vous reprenez un autre échantillonnage en Haïti, j’en suis sûr et certain, ce serait encore plus effrayant que ce que vous aviez vu en 2011 et 2012. Parce que, de nos jours, soit depuis 3-4 ans, j’ai remarqué, au contraire, combien la quantité d’aflatoxines ne fait qu’augmenter ».
« En Haïti, maintenant la grande majorité de notre production d’arachides est contaminée par les aflatoxines ».
Ewald considère que 80 à 90% des beurres d’arachides ou manba, consommés en Haïti, sont fabriqués de manière artisanale et vendus par des gens qui tirent leur subsistance de ces petits commerces.
« Ces manba-là sont, en général, les plus contaminés aux aflatoxines », dit Ewald qui signale d’autres risques, plus graves que les aflatoxines, auxquels sont exposés les consommatrices et consommateurs en Haïti, tels « la grosse majorité de produits consommés en Haïti, de manière commerciale, mais qui ne sont pas du tout testés ».
« Nous sommes dans un pays, où 80% de notre alimentation ne passe pas par une chaîne industrielle et contrôlée ».
A Rébo, la pistach reçue (les arachides) est l’objet d’un triage pour enlever les déchets inacceptables, avant d’être séchée au soleil pour lui faire perdre un excès d’humidité.
« La propagation des aflatoxines se fait à cause de champignons, qui meurent si la pistache est bien séchée. Lorsque cette pistache a été réduite à 9% d’humidité, elle est remise en dépôt. A la production, elle est ré inspectée et objet d’un test aux aflatoxines ».
L’entreprise dispose d’un laboratoire de contrôle de qualité de tous les produits mis en vente sur le marché, indique Ewald.
« Cependant, je ne peux pas être juge et partie à la fois. Je fais le test par acquis de conscience ».
« Nous avons un permis d’export de la Fda qui contrôle régulièrement Rébo. Mais, nous n’avons aucun certificat de laboratoire certifiable. Etant donné que je ne suis pas certifié par un laboratoire, je ne peux pas dire à tout le monde que mon manba (ma pistach) est certifié et sans aflatoxine ».
Au sujet de Medika manba, qui œuvre dans le Nord du pays, Ewald estime qu’il s’agit d’une organisation non gouvernementale (Ong) « n’ayant rien à perdre, même si son produit monte à 100.00 dollars le pot ».
« C’est une Ong qui fait cadeau de son produit et qui fait rentrer des pistach (arachides). Ce que nous-mêmes, nous n’avons pas droit de faire ».
Tentatives de recherche de solution aux aflatoxines
La présence d’Aspergillus, qui produit l’aflatoxine, aurait poussé MFK à travailler avec des agriculteurs locaux [9].
MFK produit également du beurre d’arachide enrichi de vitamines, qui est distribué aux enfants dans les écoles.
Selon ses propres calculs, elle estime avoir « sauvé 100,000 enfants » depuis 2003, dont 90,000 depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010, grâce à ses actions et à son beurre d’arachide.
D’après un rapport de l’organisation, publié en mai 2012, même si son usine est entourée d’une plantation de cacahuètes et des paysans qui les cultivent, « le plus grand obstacle demeure la qualité et la quantité des cacahuètes produites ».
Outre les dangers sanitaires, que représente l’Aspergillus, ce genre de champignons imparfaits (deutéromycètes), pourrait aussi réduire le rendement des récoltes.
MFK serait ainsi contrainte d’importer des cacahuètes pour pallier ce manque, en plus d’avoir à travailler avec les planteurs pour améliorer la qualité des récoltes.
« L’Aspergillus flavus est présent dans le sol et dans l’air. La contamination des cacahuètes peut apparaître à tous les stades, de la pré-récolte au stockage, et provoque le développement d’aflatoxines dans les graines. Or, le moment le plus dangereux se situe après la récolte », d’après l’ingénieur-agronome Etienne.
En plus d’organiser des ateliers de formation pour les planteurs et de les aider à améliorer leurs récoltes, MFK leur offre gratuitement des fongicides et du matériel de stockage. Dans les champs, elle observe et guide les travaux des planteurs, en plus d’y participer.
Elle s’assurerait également de la bonne qualité des arachides, afin que son produit puisse répondre aux normes internationales.
Dans les champs, l’institution réalise un premier test à partir d’un échantillon prélevé, pour s’assurer que les arachides comportent moins de 10 ppb d’aflatoxines.
Les tests se font à répétition, tout au long de la chaîne de production. Avant de produire le manba, les arachides doivent comporter un maximum de 2 ppb d’aflatoxines.
Ce contrôle de la qualité des arachides, dans la zone de Quartier Morin, serait très bénéfique, tant pour les planteurs que pour MFK. Cependant, l’Aspergillus serait présent partout dans le pays, d’après Schwartzbord.
« Le problème de l’aflatoxine est dû au manque de contrôle de qualité dans toutes les zones d’Haïti, parce qu’il n’y a pas de programme pour tester le manba ou le maïs », dit-il.
Une usine, dirigée par Partners in Health, dans le Plateau central, et qui produit un autre beurre d’arachide enrichi, analyse également ses arachides et son beurre.
Témoignages de paysans
Dans le jardin de Joanis Clercilus, un planteur d’arachides du Bas Limbé (Nord), l’ingénieur-agronome Etienne donne des directives sur l’alignement des plantes et identifie les feuilles attaquées par des champignons.
Longeant le côté gauche de l’allée piétonnière, plusieurs autres jardins entourent ce lopin de terre verdoyant, où poussent le maïs et les cacahuètes.
À l’ombre d’un arbre, Clercilus, qui vend toute sa récolte à MFK, contemple les feuilles matures des cacahuètes et le maïs de son jardin.
« Auparavant, une fois nos arachides récoltées, nous les mettions n’importe où. Mais aujourd’hui, grâce à la formation, nous comprenons mieux ce qu’il faut faire », explique-t-il.
« Ils nous ont fourni également des bâches de plastique, car, en laissant les arachides au sol, nous les exposions à l’humidité. Sur la bâche, elles sèchent facilement. MFK nous a également fourni des sacs qui permettent à l’air de circuler ».
Saintenord Oxil, un autre cultivateur de la commune du Bas Limbé, a déjà amélioré ses techniques.
« Avant d’arriver à maturité, la feuille de cacahuète est parfois attaquée par une maladie qui réduit la récolte, et nous ne savons que faire pour lutter contre cette maladie », note-t-il.
« Les formations de MFK nous aident à identifier le mal et leur distribution de fongicides nous permet de combattre les champignons et d’obtenir de meilleures récoltes ».
Que fait le Marndr pour combattre l’Aspergillus et réduire les aflatoxines ?
« Les aflatoxines sont des toxines, présentes autant dans les arachides que dans le maïs », admet Guiteau Laurore, chef de la Direction de la protection des végétaux au Ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (Marndr).
« Après une consommation prolongée, la consommatrice ou le consommateur peut développer un cancer ».
Les autorités haïtiennes sont au fait du problème et du danger.
Dans le compte-rendu d’un récent séminaire, l’ingénieur-agronome Laurore s’est montré satisfait du travail de sa direction par rapport à un autre produit, cette fois destiné à la consommation étrangère :
« C’est grâce à la direction de la protection végétale que nous continuons nos exportations de mangues Francisque vers les États-Unis d’Amérique », s’est-il félicité, d’après Haiti infoplus.
Cependant, quand Akj l’a interrogé au sujet de l’Aspergillus et de la présence des aflatoxines, dans des produits haïtiens, qui sont consommés par les Haïtiennes et Haïtiens, Laurore n’a pas affiché la même satisfaction.
Il déclare que sa direction n’intervient pas dans ce domaine.
« Le Ministère de l’agriculture et de la protection des végétaux doit jouer son rôle, mais il n’est pas seul à prendre ces dispositions », note Laurore.
Pour lui, l’institution la plus concernée serait la Direction de contrôle de qualité et de la protection des consommatrices et consommateurs, basée au Ministère haïtien du commerce et de l’industrie (Mci).
La position du Mci
« Ce n’est pas important d’avoir une entrevue sur ce sujet, parce qu’il relève davantage du Ministère de l’agriculture, notamment de la Direction de protection des végétaux. À la Direction de contrôle de qualité et de la protection des consommatrices et consommateurs, nous faisons des études sur des produits spécifiques », s’est contentée de dire à Akj , la responsable à l’unité Direction de contrôle de qualité et de la protection des consommatrices et consommateurs au Mci, Roberta Jean-Baptiste.
Quelle est la mission du laboratoire de Tamarinier ?
Relevant du ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (Marndr) et intervenant, en maintes fois, de concert avec le ministère de la sante publique et de la population (Mspp), le Laboratoire vétérinaire et de contrôle de qualité des aliments de Tamarinier (Lvcqat) réalise plus de 25 mille analyses d’échantillons chaque année, indique à Akj Dr. Alain Louis, directeur de cet organisme.
Malgré tout, ne disposant pas de fonds suffisants (il reçoit, de temps à autre, des financements de la Banque mondiale / Bm et de la Banque interaméricaine de développement / Bid, - laquelle a supporté, en 1996, le renforcement de ses installations -, le Lvcqat n’atteint pas 25% de ses capacités, les demandes étant trop faibles.
Le laboratoire, qui comporte beaucoup de cadres, a besoin de beaucoup d’appareils et d’équipements.
Les traitements des fonctionnaires du laboratoire (qui évolue sans budget de fonctionnement) et des contractuels sont couverts dans le budget du Marndr. Le laboratoire soumet toujours des fiches d’identification et d’opérationnalisation de projets (Fiop).
Les fonds, générés par les analyses (faites sur demande des consommateurs et des producteurs), permettent de financer les réapprovisionnements en matériels. [10]
« Nous faisons une analyse de la qualité des aliments, de concert avec la direction de contrôle de qualité au Mci et aussi avec le service d’hygiène du Mspp. Les résultats obtenus attestent de la contamination ou non des aliments ».
Les analyses de détection des microtoxines supposent la disponibilité d’infrastructures appropriées (de différents kits Elisa, entre autres), permettant d’effectuer la comparaison de différents tests (sur différents types d’aflatoxines : A, B, M, etc., par exemple) sur le manba et le maïs.
Le laboratoire répond aux sollicitations de plusieurs entreprises (Pidy pour manba, Rébo pour le café et d’autres produits). Récemment, il a analysé des produits devant être exportés au Venezuela.
« Pour l’instant, nous oeuvrons pour porter l’Etat à faire du contrôle de qualité une priorité et à exiger le respect des normes internationales de toutes les entreprises de production et de vente d’aliments, y compris les supermarchés, les restaurants fixes et mobiles de rues, en vue d’assurer la protection de la citoyenne et du citoyen haïtiens. Toute violation de ces normes devrait être sujette à des sanctions, au terme de la loi. Comme organe de diagnostic, le laboratoire national de Tamarinier aura à placer son mot en délivrant un certificat », fait ressortir Dr. Alain Louis.
La santé des Haïtiennes et Haïtiens en danger ?
Les arachides, le beurre d’arachide, le maïs et la semoule de maïs font tous partie de la diète haïtienne typique.
L’Haïtien typique, de 70 kilogrammes, consomme quotidiennement environ 8.07 microgrammes d’aflatoxine B1, ou 115 nanogrammes par kilogramme de poids corporel, indique l’étude de Schwartzbord, Emmanuel et Brown, citée plus haut.
Selon Schwartzbord, le gouvernement haïtien devrait trouver une façon d’éduquer les productrices et producteurs d’arachides ainsi que d’autres cultivatrices et cultivateurs, en plus d’analyser les produits qui risquent d’être contaminés par les aflatoxines.
Avec les plus haut taux de cancer du foie, de malnutrition et de mortalité infantile, ne faudrait-il pas insister sur l’urgence de s’attaquer à ces champignons, qui sont au moins partiellement responsables de la situation ?
Malheureusement, pour les agricultrices et agriculteurs ainsi que les consommatrices et consommateurs haïtiens, les deux agences gouvernementales - qui seraient normalement responsables de promouvoir des techniques agricoles saines - sembleraient avoir abdiqué leur responsabilité. [akj apr 17/06/2014 10:00]
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Ayiti Kale Je » (http://www.ayitikaleje.org/) est un partenariat établi entre AlterPresse (http://www.alterpresse.org/), la Société d’Animation et de communication sociale (Saks -http://www.saks-haiti.org/), le Réseau des femmes animatrices des radios communautaires haïtiennes (Refraka), les radios communautaires et des étudiants de la Faculté des sciences humaines (Fasch)/Université d’État d’Haïti (Ueh).
[1] Les aflatoxines sont des mycotoxines produites par deux espèces d’Aspergillus, un champignon que l’on trouve surtout dans les régions chaudes et humides. Étant donné que les aflatoxines sont reconnues comme génotoxiques et carcinogènes, leur exposition à travers les aliments doit rester la plus faible possible.
[2] MFK est une agence étasunienne, basée à Quartier Morin (Nord), qui produit un beurre de cacahuètes enrichi pour les hôpitaux, les orphelinats et les agences internationales, comme le Programme alimentaire mondial (Pam) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), en vue de traiter la malnutrition chez les enfants.
Son produit est un mélange de cacahuète, de lait en poudre, d’huile, de sucre, de vitamines et de minéraux.
[4] Lors d’études récentes, avec son équipe, un chercheur de l’Université de Cornell, aux États-Unis d’Amérique, Jeremy Schwartzbord, a constaté en Haïti des taux élevés d’aflatoxines dans les cacahuètes, le beurre de cacahuète et dans le sang de certaines personnes.
Selon lui, la situation serait très préoccupante.
« Après une exposition chronique ou prolongée aux aflatoxines, par une grande consommation de beurre de cacahuètes, de maïs et autres denrées agricoles contaminées, les gens risquent de développer un cancer du foie. Les enfants courent des risques supplémentaires : troubles immunitaires et retards de croissance », explique Schwatzbord, qui a mené une recherche dans le Nord d’Haïti en 2013, de concert avec l’organisation MFK ou Meds and Food for Kids (Médicaments et aliments pour les enfants).
[5] Report with stunting figure - http://www.usaidbest.org/docs/haitiReport.pdf
[8] Le codex alimentarius est une norme alimentaire internationale établie conjointement par l’Organisation mondiale de la santé (Oms) et la Fao, confirme le laboratoire national de Tamarinier.
L’Organisation internationale de normalisation (Iso) est une fédération mondiale d’organismes nationaux de normalisation (comités membres de l’Iso). L’élaboration des normes internationales est, en général, confiée aux comités techniques de l’Iso. Chaque comité membre, intéressé par une étude, a le droit de faire partie du comité technique créé à cet effet. Les organisations internationales, gouvernementales et non gouvernementales, en liaison avec l’Iso, participent également aux travaux. L’Iso collabore étroitement avec la Commission électrotechnique internationale (Cei) en ce qui concerne la normalisation électrotechnique.
[9] Fondée en 2003, l’organisation MFK travaille en collaboration avec certaines universités étrangères et avec le réseau international NUTRISET (http://www.nutriset.fr/en/homepage-nutriset.html), qui dispose de 14 usines « Plumpy Nut », dont 12 dans des pays en développement.
[10] Le champ du travail du Laboratoire vétérinaire et de contrôle de qualité des aliments de Tamarinier (Lvcqat) – qui a vu le jour, en 1984, à partir d’un reliquat de fonds de l’agence américaine pour le développement international (Usaid) sur la peste porcine classique africaine) comprend plusieurs domaines ou sections :
Bactériologie générale, y compris alimentaire (analyse de l’eau, des aliments, etc.) ;
Zoonose (sur les maladies transmissibles des animaux aux êtres humains et vice versa, comme la rage) ;
Virologique (virus comme le New Castle, la peste porcine africaine, Techen, etc.).
Il dispose également des unités suivantes :
Un laboratoire de parasitologie (interne et externe) ;
Un laboratoire d’histo-pathologie (qui concerne les viscères dans les cellules, les effets des agents pathogènes sur les tissus
Un laboratoire de bromatologie (qui se penche sur les valeurs alimentaires, les taux de protéines et les taux de lipides…, le niveau de tous les métaux lourds susceptibles d’être retrouvés dans les aliments) ;
« Un laboratoire de toxicologie (qui traite du niveau de pesticides, qui sont dans les aliments, et des nicotoxines, c’est-à-dire les aflatoxines retrouvées dans les arachides ou le maïs, et qui demeurent très cancérigènes) » ;
Un laboratoire dénommé Pcr (polymerase chain réaction), qui offre la possibilité de revérifier plus en profondeur les ADN des gênes ou de comparer les tests préalablement effectués dans d’autres domaines. Les résultats, obtenus par la méthode Pcr, ne souffriraient d’aucune contestation. La méthode Pcr est utilisee pour déterminer des marques indirectes d’une exposition professionnelle aux mycotoxines : repérage des conditions météorologiques propices au développement des moisissures pro ductiles, détection des moisissures productrices de mycotoxines par culture.
Le Lvcqat étudie également les aucratoxines, un produit cancèrigène identifié dans le café et le cacao.