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Haiti / Conjoncture

Alerte, Risque d’explosion !

Prise de position de la Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes

Soumis à AlterPresse le 8 septembre 2004

Une fois de plus, la Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes, CONAP, se trouve dans l’obligation d’indexer les pratiques politiques en cours au pays. Ces pratiques, basées sur la loi du plus fort, sont loin de pouvoir nous mener sur le chemin d’une société de justice et d’équité, tant réclamée par les populations. Notre société semble être atteinte de la maladie du « gwo ponyèt ». « Gwo ponyèt » sur les plus faibles, « gwo ponyèt » contre ceux et celles qui se retrouvent en face, « gwo ponyèt » pour faire passer les revendications. Bref, tout se règle par la force.

Le recours à la force se retrouve tant du côté des tenants du pouvoir que de ceux et celles qui veulent faire entendre leur voix. Et le danger avec un tel type de comportement est, nous le savons toutes et tous, le risque d’explosion.

La réaction du gouvernement face aux critiques des organisations des Droits Humains est une bien triste illustration de ces pratiques. Après que l’Etat haïtien ait prouvé son incompétence à satisfaire les aspirations de justice des populations, en n’ayant pas recours à toutes les provisions judiciaires possibles dans de tels cas, le gouvernement, incapable d’apprécier la critique, se retourne contre les contestataires. Le droit à la parole, le droit à la critique est de nouveau banni. Les menaces pleuvent. Caractéristique manifeste de pratiques de gouvernance basées sur la force. On se croit revenu au triste temps de l’apprenti dictateur Aristide, au triste temps du FRAPH ou des Duvalier.

De leur côté, des groupes voulant faire passer leurs revendications utilisent eux aussi la force. Les groupes de soi-disant « militaires démobilisés » et de chimères, partisans du chef des hors-la-loi déchu, ne cessent de nous démontrer vers quelle voie ils veulent mener le pays. Et, contrairement au cas des organisations des Droits Humains, le gouvernement fait preuve d’un laxisme inacceptable à leur égard. C’est avec effroi que nous assistons au déploiement de groupes armés se réclamant de l’ancienne Force Armée d’Haïti (FADH) - ce, nonobstant le questionnement légitime des procédures de dissolution des FADH en 1994 - dans certaines zones du pays, faisant régner leur loi à la force de leurs baïonnettes au vu et su de toutes et de tous. C’est encore avec plus d’effroi que nous comptons les victimes des exactions des chimères dans les quartiers populaires de Port-au-Prince, le vandalisme de patrimoine national perpétré par ces mêmes groupes et leur arrogance lorsqu’ils déclarent être maîtres incontestés de Cité Soleil. En laissant ces différents groupes agir ainsi, le gouvernement, une fois de plus, fait montre d’un déficit de volonté à instaurer un Etat de Droit où l’autorité étatique se ferait valoir sur toute l’étendue du territoire.

Tout ceci se passe dans un contexte de grande difficulté de gouvernance où l’articulation des différents organes appelés à conduire notre destinée durant la transition n’est pas de tout repos où chaque élément semble vouloir phagocyter l’autre. L’exécutif se cache derrière la multiplication des « commissions » pour éviter de prendre ses responsabilités, sans aucun souci de participation citoyenne. Le gouvernement multiplie les actes d’incohérence. Le Conseil des Sages semble éprouver beaucoup de difficultés à se transformer en Conseil d’Etat au risque de s’isoler complètement des populations. Le Conseil Electoral Provisoire, outre que de s’entre-déchirer en public, semble ne pas pouvoir mettre en place des mécanismes pouvant nous conduire vers des élections basées sur une véritable citoyenneté participative. Les populations se sentent de plus en plus livrées à elles-mêmes, sans service public, sans protection, dans un climat d’insécurité généralisé où le viol devient la règle du banditisme social, comme cela a été instauré par le FRAPH et le Lavalas.

Face à tous ces risques, la CONAP se sent obligée de lancer un cri, un autre cri de femmes : alerte, risque d’explosion ! Notre nation risque d’exploser !

Nous devons nous ressaisir ! Donnons-nous les moyens de construire sur du solide. Les garanties du solide résident entre autres choses sur une entente nationale basée sur les intérêts majeurs de la nation. L’urgente nécessité d’un « Woumble » de Fondation Nationale s’impose et nous exigeons du gouvernement de prendre des dispositions nécessaires pour garantir dans un délai très bref sa réussite.

Nous avons un pays à construire, donnons-nous les moyens de le bâtir sur des principes de droit !

Port-au-Prince, le 08 septembre 2004

Pour le Comité Exécutif de la CONAP

Myriam Merlet, ENFOFANM