P-au-P, 09 juin 2014 [AlterPresse] --- Les opérations de démolitions de bâtiments et de maisons au centre-ville de Port-au-Prince, entreprises depuis une semaine par le gouvernement, sont entachées d’irrégularités selon des experts joints par AlterPresse.
L’avocat Osner Févry, membre du barreau de Port-au-Prince, dénonce les actions en cours au centre-ville, qui n’ont pas suivi la procédure normale prévue par la loi haïtienne.
Les deux lois spéciales traitant d’expropriation pour cause d’utilité publique datent respectivement de 1951 et de 1979 et imposent une procédure en 2 phases.
Une phase administrative amiable et une autre étape technique ou contentieuse qui commence à partir du moment où le propriétaire ne souhaite pas livrer son bien à l’État.
Une phase visiblement amiable aurait été entreprise via le cabinet d’un notaire de la capitale. La plupart des personnes concernées auraient été dédommagées, ont fait savoir les autorités, ce que réfutent des propriétaires.
Févry appelle à la « normalisation jurido-technique » et à « l’arrêt des opérations de démolition » de bâtiments et de maisons qui ont déjà provoqué des situations où des personnes se retrouvent sans abri.
Pour le bureau du premier ministre, seule les personnes qui n’ont pas présenté de bons papiers n’ont pas encore été indemnisées.
Pourtant, démarrer le processus de démolition suppose que « toutes les indemnisations préalables ont été faites », a expliqué l’architecte Ginette Chérubin, jointe par AlterPresse.
Les opérations débutées le 31 mai dernier, se poursuivent dans une ambiance très chaotique. Une armée de pilleurs menaçants accompagne les bulldozers des Travaux publics et parfois les précèdent sans que la police parvienne à maitriser la situation. Même des bâtiments non inclus dans les prévisions de démolition et situés dans le périmètre ont été attaqués, comme la 1ère Église baptiste de Port-au-Prince, vandalisée.
Absence d’un projet global
L’architecte Olsen Jean Julien, ancien ministre de la culture, évoque d’autres aspects anormaux dans la démarche en cours et la perspective de l’établissement d’une cité administrative.
Il dénonce « l’absence d’un projet global » concernant le centre-ville et un projet qui prend en compte le logement des gens qui « habitent le centre-ville ».
Cette tendance négligente du gouvernement est également manifeste à d’autres niveaux, particulièrement l’aspect que la ville est vivante et est gérée par une assemblée municipale et un conseil communal or aucune élection n’a été organisée pour remplacer ces gens dont les mandats sont arrivés à terme depuis au moins 2 ans.
« Il n y aucune institution qui a légalement la capacité d’opérer sur la ville », soutient l’architecte Jean Julien.
Actuellement « tout se fait de manière arbitraire », selon lui, même sur le plan technique, car « les règles d’intervention sur les centres anciens » ne sont pas non plus prises en compte.
L’architecte Jean Julien descelle toute une série de d’interactions importantes négligées par le processus mis en œuvre. Celles-ci impliquent l’individu, le collectif, l’espace, les valeurs du paysage urbain historiques et touchent la petite économie.
Le centre-ville a été déclaré d’utilité publique par arrêté présidentiel dans un premier temps par René Préval, en septembre 2010. Cette mesure a été revue par Michel Martelly en mai 2012 avec une redéfinition du périmètre à exproprier et à démolir.
Il est prévu officiellement que la zone devra servir à la construction d’une cité administrative. « Une renaissance qui donna lieu sans doute à une zone désertique après les heures de bureau », critique l’architecte Olsen Jean Julien. [srh 09/06/ 2014 09 :10]