P-au-P., 6 Sept. 04 [AlterPresse] --- Au moment où les ex militaries s’acharnent à vouloir imposer leur ordre dans plusieurs regions d’Haiti, une cérémonie d’investiture a été organisée le 3 septembre à l’Académie nationale de police pour l’investure officielle de Léon Charles, un mois après qu’il ait été confirmé dans ses fonctions de directeur général de la police par un arête en date du 4 aout.
La cérémonie a eu lieu en présence notamment de plusieurs représentants de l’Exécutif, du Corps diplomatique et de responsables de la Mission de stabilisation des Nations
unies en Haïti (MINUSTAH).
Léon Charles a indiqué que sa confirmation à la tête de la PNH témoigne de l’importance que le gouvernement accorde au travail accompli par les policiers de tout grade depuis mars 2004.
Elle représente aussi dans ce contexte particulier, a ajouté le numéro 1 de la police, le soutien du gouvernement à l’unique institution chargée de protéger et servir la population et les institutions démocratiques.
Auparavant, le ministre de la justice avait vanté les mérites du directeur général de la police et souligné l’immensité de la tâche qui l’attend. Parmi ces défis, Bernard Gousse a évoqué la reconstruction de la force de police et l’installation de la sécurité dans le pays que d’autres, a-t-il dit, ont voulu défigurer.
Léon Charles a en outre félicité les policiers et policières pour leur « courage, leur professionnalisme et leur sens du devoir ».
Le chef de la PNH s’est notamment réjoui du fait que les membres de l’institution ont « su, malgré de faibles moyens de travail, des menaces et provocations de toutes sortes, préserver l’esprit de corps et rester du côté de la légalité et de l’Etat de droit ».
« En ces moments de graves appréhensions, votre directeur est à vos côtés. Votre patience et votre détermination à rester fidèle aux lois de la République nous aideront bientôt à triompher des moments de doute et d’incertitudes ».
Léon Charles faisait probablement ici allusion aux déploiements, depuis tantôt une semaine, des militaires démobilisés dans diverses villes de provinces - Jacmel (Sud-Est), Petit Goâve (Ouest) et Gonaïves (Nord Ouest) - et la prise de contrôle par ces derniers de plusieurs édifices publics.
Ces anciens militaires exigent notamment dix ans d’arriérés de salaire et la restauration de l’armée.
« Les commissariats doivent être repris. Cela a déjà commencé », a martelé le ministre de la justice à l’occasion de la cérémonie de confirmation de Léon Charles au poste de directeur général de la police.
Bernard Gousse estime que, au-delà de l’affront fait à la PNH, ces actions participent d’une stratégie concertée d’attenter au prestige et à la dignité de l’Etat.
Le ministre qualifie d’éminemment suspecte la géographie de ces occupations. « Leur persistance ou leur élargissement à d’autres régions du pays vise à vider l’autorité de l’Etat de toute substance », a renchéri Me. Gousse, tout en affirmant que « cela ne sera pas toléré ».
Bernard Gousse donne la garantie que « le problème des militaires démobilisés sera résolu par les instances compétentes du gouvernement qui ont annoncé ou annonceront des mesures pertinentes ».
Plusieurs anciens militaires sont actuellement en entraînement en vue de leur intégration au sein de la police nationale et les portes de l’institution policière restent ouvertes, a déclaré le ministre de la justice tout en annonçant la publication avant peu d’avis de recrutement.
« Mais ce n’est pas en envahissant les édifices publics qu’on imposera ses vues. Utiliser la force pour faire valoir des revendications catégorielles porte atteinte aux institutions de l’Etat. Toute ambiguïté à cette attitude ne peut s’apparenter qu’à une complicité », a lancé Bernard Gousse.
Plus de cinq mois après le départ pour l’exil du dictateur Jean Bertrand Aristide sous la pression conjuguée de la rue, d’insurgés (anciens militaires et ex-paramilitaires) et de certaines puissances étrangères, le pays affronte une situation des plus délétères.
Le gouvernement et la Mission de stabilisation des Nations unies en Haïti ne sont pas parvenus jusqu’ici à convaincre de leur capacité réelle à relever le défi du désarment.
Sur les quelque vingt mille armes que le régime du dictateur Jean Bertrand Aristide aurait distribués à ces partisans, selon certaines estimations non officielles, seulement quelques centaines ont été récupérés par la MIF, la force multinationale intérimaire qui a précédé la MINUSTAH.
D’un autre côté, l’administration Alexandre / Latortue a fait montre, pendant environ six mois, d’un laxisme déconcertant face au dossier des militaires démobilisés au point que cette question est devenue aujourd’hui le principal talon d’Achille du gouvernement.
Les nouveaux développements enregistrés dans ce dossier ces derniers jours et la persistance d’actes d’insécurité, dont le plus spectaculaire a été la fusillade dont a été la cible le 29 août dernier à Cité Soleil (plus grand bidonville de Port-au-Prince) le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères français Renaud Muselier, font peser de sérieuses inquiétudes quant à la réussite de la transition politique.
« Cette fusillade : c’est probablement un ordre venu d’Aristide », avait déclaré le Premier ministre Gérard Latortue peu après cet attentat manqué. Le chef du gouvernement avait souligné « la facilité de communication dont dispose Aristide en Afrique du sud avec ses partisans en Haïti ».
Les élections devant couronner l’actuelle transition politique sont prévues en 2005. Mais le climat propice à la tenue de ces joutes n’est pas encore au rendez-vous. Le gouvernement et la MINUSTAH ont annoncé pour le 16 septembre 2004 le lancement effectif de la « campagne de désarment ». Il n’est que d’attendre. [vs apr 09/06/2004 04:15]