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Haïti-Sécurité alimentaire : Une bonne campagne de printemps en perspective… si la pluie le veut bien

Tendance à la baisse dans la disponibilité de la main-d’œuvre agricole

Les jeunes cherchent, de plus en plus, à migrer vers le milieu urbain ou la République Dominicaine...

Parallèlement, les institutions - qui distribuent des semences depuis les vingt dernières années - « n’ont pas mobilisé beaucoup de ressources » pour la campagne actuelle...

Une plus faible production locale suppose une faible disponibilité alimentaire.

Par Karenine Francesca Théosmy

P-au-P, 19 mai 2014 [AlterPresse] --- Les signes pluviométriques, visibles depuis mars 2014, augurent une bonne campagne agricole de printemps.

Mais, des menaces, comme la tendance de dépréciation de la gourde par rapport au dollar (US $ 1.00 = 46.00 gourdes ; 1 euro = 65.00 gourdes aujourd’hui), pèsent encore sur la securité alimentaire en Haïti, indique le dernier bulletin de la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (Cnsa) consulté par l’agence en ligne AlterPresse.

Les pluies, débutées en mars 2014, devraient continuer normalement jusqu’à fin juin, annonce la Cnsa, dans ses « Perspectives de la sécurité alimentaire couvrant la période d’avril à septembre 2014 », s’appuyant sur les prévisions de la Caribean climate outlook forum (Caricof).

Une bonne nouvelle pour la campagne de printemps, qui commence en mars-avril.

La plus importante du pays, en termes de production agricole, la campagne de printemps fait suite, cette année 2014, à une période agricole particulièrement difficile et éprouvante, marquée par une sécheresse persistante et des pertes de récoltes, notamment à la fin de l’année 2013.

« Entre juillet et septembre (2014), le déficit au niveau de la disponibilité alimentaire des ménages pauvres pourra être significativement comblé par les récoltes de printemps, si les scénarios de clémence climatique se confirment (pas de cyclone, bonne distribution des pluies) », selon les perspectives qui se dessinent.

Mais si la pluie est une bonne nouvelle, la situation de la sécurité alimentaire n’est pas à l’abri de menaces.

Déjà, la région Nord (départements du Nord-Ouest, Nord et Nord-Est), le haut Artibonite, certaines communes de l’Ouest, le Sud-est et les Nippes (une partie du Sud-Ouest) connaissent un retard sur la saison pluvieuse.

Combiné au phénomène El Nino, en juin, ce retard pourrait perturber les récoltes.

Or, ces départements se trouvent dans une situation alimentaire, particulièrement critique.

« Les ménages pauvres voient, pour le moment, leurs revenus chuter d’environ 20 pourcent, pendant que plus de 80 pourcent des produits consommés doivent être acquis au marché. Les marchés, quant à eux, affichent une tendance haussière. Cette situation demeurera jusqu’au mois de juin (2014), retenant, du coup, les ménages pauvres en situation de crise (phase 3 de l’Ipc [1]) pendant le trimestre avril à juin », souligne la Cnsa.

D’après les données de l’Ipc, les ménages pauvres des montagnes et plaines sèches du Nord et haut Artibonite sont en phase de stress ou crise, relève la Cnsa.

Près de 182 mille personnes, vivant dans ces zone,s sont en situation de crise alimentaire.

« Malgré les remous, suscités par la situation de crise alimentaire dans le Nord-Ouest, aucun programme d’assistance humanitaire n’est, à l’heure, en phase d’exécution », ajoute-t-elle.

Outre une pluviométrie incertaine sur certaines zones, la tendance à la dépréciation de la monnaie locale, la gourde par rapport au dollar, les prochaines élections, le manque de disponibilité de semences, entre autres, pourraient avoir des conséquences.

« D’après les agriculteurs, la disponibilité en main-d’œuvre tend à la baisse, à cause de la migration, de plus en plus grande, des jeunes vers le milieu urbain ou la République Dominicaine », souligne la Cnsa.

Entre-temps, la disponibilité des engrais chimiques est plutôt réduite.

Ce qui favorisera l’augmentation de leurs prix, alors qu’ils sont déjà inaccessibles aux petits producteurs ayant de faibles moyens économiques.

En même temps, les institutions - qui distribuent des semences depuis les vingt dernières années - « n’ont pas mobilisé beaucoup de ressources » pour la campagne actuelle.

« Le ministère de l’Agriculture apportera quelques centaines de tonnes, ce qui semble insignifiant au regard des besoins. Il est probable que les superficies emblavées soient moindres, par rapport aux années où les agriculteurs reçoivent des dons de semences. Cette situation pourrait se traduire par une plus faible production par rapport à 2009 et 2013 », prévoit la Cnsa.

Une plus faible production locale suppose une faible disponibilité alimentaire.

Néanmoins, la Cnsa précise que les produits importés garantissent la disponibilité alimentaire dans les marchés. La moyenne des importations, prévues entre juillet 2013 et juin 2014, est de 415 mille tonnes.

Le prix de ces produits importés est plutôt stable, tandis que celui des produits locaux est sujet à des variations, d’après le bulletin. [kft rc apr 19/05/2014 1:00]


[1Classification intégrée des phases de l’insécurité alimentaire