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Haïti-Cinéma : « Meurtre à Pacot » attendu à l’automne 2014 (Texte/Photos/Audio)

Interview

Par Gotson Pierre

P-au-P., 11 mai 2014 [AlterPresse] --- Le réalisateur haïtien Raoul Peck s’apprête à entamer le montage de son nouveau film « Meurtre à Pacot » qu’il souhaite terminer d’ici septembre prochain, pour le présenter au Festival international du film de Toronto ou à la Mostra de Venise, annonce le cinéaste lors d’une interview accordée à AlterPresse.

« Meurtre à Pacot » est une fiction inspirée du contexte du terrible séisme de 2010, sur lequel Peck a précédemment réalisé le documentaire critique « Assistance mortelle ».

Le séisme a détruit une bonne partie de la capitale Port-au-Prince ainsi que de plusieurs autres villes, a causé la mort de 300.000 personnes, fait autant de blessés et laissé 1,5 million de sans-abri.

Revisiter le traumatisme du séisme

« Le tremblement de terre a une grande place dans ma vie ces dernières années. Les premières idées pour ce film sont venues pendant que je tournais ‘Asistance mortelle’… Je voyais parmi les maisons détruites toutes ces grandes villas (à Pacot, secteur est) avec des piscines, réduites à néant. Un quartier totalement déserté, or c’était un quartier très riche ! »

« Quelque part ça m’a fasciné aussi (de voir) que les riches étaient tout aussi atteints, matériellement dans un premier temps, mais aussi douloureusement… ils ont perdu du monde. Je me suis mis à imaginer une histoire qui se passerait dans ce décor ».

L’histoire, c’est celle d’un couple de la classe moyenne aisée qui tente de reconstruire leur vie après le séisme, au milieu des décombres de leur maison à Pacot (secteur est). Le couple loue ensuite l’unique pièce de la maison laissée intacte par les secousses à un travailleur humanitaire. Ce dernier de son côté nouera une relation avec une jeune fille de milieu modeste « Andrémise » qui se révélera « une intrusion toxique ».

C’est « une manière de revisiter le traumatisme du tremblement de terre. Traumatisme social, avant même d’être psychologique. Période flottante où les classes sociales avaient disparu. Tout le monde était dans la rue (et) sur les pelouses… Petit-à-petit une tension était revenue, car les repères s’étaient déplacés », analyse Peck.

Un scénario écrit à trois mains

Le scénario a été écrit à « trois mains », indique Raoul Peck, qui se réjouit d’avoir bénéficié de l’apport de l’écrivain, scénariste et réalisateur français Pascal Bonitzer ainsi que de celui de l’auteur haïtien Lyonel Trouillot.

« Quand on veut travailler à partir de son pays, il faut travailler avec les talents de ce pays », dit-il en parlant de la collaboration avec Trouillot avec lequel il a eu une première expérience en 1986.

« Je pense qu’il a la capacité de souligner le présent tout en lui donnant une dimension universelle », ajoute-t-il.

Découverte d’acteurs haïtiens performants

Le tournage du film a duré 5 semaines de 6 jours dans le quartier de Pacot. C’est une « étape importante » durant laquelle « les personnages prennent corps, les émotions naissent, l’histoire se construit ».

Faisant le bilan de cette période, le réalisateur révèle qu’il y a eu sur le plateau « quelques cas de maladie. Certains des membres de l’équipe ont été touchés par les épidémies en cours (dont le chikungunya) et ont du s’arrêter un ou deux jours ».

Le casting est composé de stars de cinéma et de télévision dont Alex Descas, Thibault Vinçon, et pour la première fois à l’écran la chanteuse d’origine allemande et nigériane Joy Olasunmibo Ogunmakin (nom de scène Ayo) ainsi qu’une jeune débutante haïtienne Lovely Kermonde Fifi.

« J’ai eu le réel plaisir de découvrir des acteurs haïtiens performants, notamment celle qui joue un des rôles principaux, Lovely Kermonde Fifi. Une excellente actrice, qui a la capacité de jouer dans n’importe quel film professionnel. Une belle découverte ».

Un « low budget » qui « me permet de travailler en toute liberté »

Produit par la société de production de l’auteur, « Meurtre à Pacot » est un « low budget » du point de vue du cinéma international (moins d’un million de dollars).

« Mais ce niveau de production me permet de travailler en toute liberté, sans avoir à répondre à qui que ce soit… J’ai pu me payer une équipe de très haut niveau. Ce sont les mêmes qui ont travaillé sur pas mal de mes films (Sometimes in april, Moloch tropical). La générosité de pas mal de gens… y compris de certains sponsors… »

De la préparation du plateau à la fin du tournage, il y a eu par moment sur le chantier entre 60 et 100 techniciens, acteurs et figurants, la plupart des Haïtiens, mais aussi des Dominicains, Cubains et Français, indique Raoul Peck.

A part les emplois temporaires créés, le réalisateur se félicite de l’expérience partagée avec les ressources locales. « On a formé des gens, qui savent travailler… qui ont reçu une vraie expérience de cinéma… ». [gp apr 11/05/2014 14 :00]

Interview Raoul Peck sur "Meurtre à Pacot" - Par Gotson Pierre - Mai 2014 by Alterpresse on Mixcloud