Par Milo Milfort
P-au-P, 07 mai 2014 [AlterPresse] --- « Par le biais d’un accord mutuel, le dialogue bilatéral avec la République Dominicaine, prévu le jeudi 8 mai (2014) est reporté à une date ultérieure ».
C’est en ces termes que le premier ministre haïtien Laurent Salvador Lamothe annonce sur son compte Twitter, vers 10:15 locales (14:15 gmt), ce mercredi 7 mai 2014, un 5e report de la 3e réunion de haut niveau entre Haïti et la République Dominicaine.
« Les ministres d’Haïti et de la République Domicaine vont se rencontrer durant la journée du 8 mai pour préparer la prochaine réunion », poursuit Lamothe dans un second tweet dont a pris connaissance AlterPresse.
Si le premier ministre haïtien n’a pas révélé la liste des ministères impliqués, la presse dominicaine souligne que prendront part, à cette rencontre préparatoire, les ministres de la santé, du tourisme, de l’industrie et du commerce des deux pays.
La signature de différents accords entre les deux pays serait en perspective.
« La réunion des commissions de haut niveau aura lieu quand toutes les parties impliquées seront prêtes à continuer le dialogue », indiquait à AlterPresse, la veille (6 mai 2014), le coordonnateur haïtien de la commission binationale, Nesmy Manigat.
« Mais il n’y a pas de rupture », assure-t-il, admettant qu’il peut toujours avoir des rencontres entre les équipes techniques des deux pays (partageant l’Ile d’Haïti) et qu’elles continuent à travailler, chacune de leur côté.
La tenue d’un 3e round de dialogue aura lieu en fonction des avancées. Ces avancées ou non sont constatées au fil du temps, confie Manigat à AlterPresse.
Les reports se suivent, mais ne se ressemblent pas
Encore une fois, tout en manifestant sa volonté de poursuivre les rencontres binationales, Haïti dit maintenir sa position relative à la sauvegarde de la nationalité des personnes affectées par la sentence de la cour Constitutionnelle dominicaine, prise le 23 septembre 2013.
Mais aucune avancée concrète n’a été constatée en ce sens.
La troisième réunion du dialogue de haut niveau, prévue pour le mardi 6 mai, devait avoir lieu le jeudi 8 mai 2014, annonçait, quelques jours auparvant, la presse dominicaine se référant à une demande du chancelier de la République bolivarienne du Venezuela, Elias Jagua.
Pour des raisons logistiques, cette session devrait se dérouler à Port-au-Prince (Ouest) et non à Jacmel (Sud-Est), contrairement à ce qui était prévu depuis le mois de mars 2014.
La santé, le tourisme et le commerce devraient être les principaux thèmes à aborder lors du troisième round de dialogue entre les deux pays partageant l’Ile d’Haïti, dont la date n’est pas encore fixéee.
La première rencontre entre Haïti et la République a eu lieu en janvier 2014 dans la ville frontalière (avec Dajabon) de Ouanaminthe, la deuxième à Jimani en février.
En moins d’une semaine, le dialogue binational a été ajourné à deux reprises.
Des reports suscitant des doutes
La plateforme Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr) se dit « grandement préoccupée de l’avenir du dialogue, enclenché depuis le début de l’année 2014 entre Haïti et la République Dominicaine. Elle s’inquiète d’autant plus de l’issue de ces pourparlers ».
Le dialogue bilatéral a été entamé entre les deux pays à la suite de la décision de la Cour Constitutionnelle dominicaine, rendant apatrides plusieurs milliers de Dominicaines et de Dominicains, pour la plupart d’ascendance haïtienne.
Ce report « renforce le doute qui planait sur l’issue de ce dialogue, où les deux acteurs tendent à mettre de côté les problèmes cruciaux de droits humains entravant les relations de bon voisinage entre les deux peuples de l’île, au profit d’autres sujets non prioritaires, comme la santé, le tourisme et le commerce », estime la plateforme Garr.
« Cela s’apparente à une stratégie pour faire passer le temps, alors que, d’un côté, des milliers de Dominicaines/Dominicains d’ascendance haïtienne continuent de souffrir du retrait de leur nationalité, suite au prononcé de l’arrêt TC 168/13, le 23 septembre 2013. D’un autre côté, des immigrantes et immigrants haïtiens continuent de subir des violences de toutes sortes sur le territoire dominicain, sans que les coupables ne soient inquiétés », dénonce la plateforme de défense des droits des migrantes et migrants.
Elle critique la passivité des autorités haïtiennes qui ne se montrent pas à la hauteur de leurs responsabilités dans ce dialogue, dont les objectifs primordiaux devraient être l’amélioration des conditions de vie des travailleuses migrantes et travailleurs migrants haïtiens en territoire voisin, et l’annulation, pure et simple, de la sentence raciste du Tribunal constitutionnel dominicain.
L’organisation de défense des droits des migrantes et migrants s’insurge du fait que les responsables haïtiens n’exercent aucune pression sur les autorités dominicaines pour les porter à envisager, dans l’immédiat, des mesures qui faciliteraient aux citoyennes/citoyens dénationalisés le recouvrement de leur nationalité dominicaine. [mm kft rc apr 07/05/2014 11:50]