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Haïti-Logement : Violences policières contre des personnes déplacées au Camp Caradeux

Mise en cause, l’Oim dément être impliquée dans les dérapages enregistrés

Par Lafontaine Orvild

P-au-P, 25 avril 2014 [AlterPresse] --- Alors que les personnes déplacées protestaient contre un processus d’enregistrement de la population dans le Camp Caradeux (au nord-est de la capitale), par l’Organisation internationale pour les migrations (Oim), elles ont été l’objet de jets de gaz lacrymogènes et de coups de matraques de la part des forces de l’ordre, selon les témoignages obtenus par l’agence en ligne AlterPresse.

L’incident s’est produit, dans la matinée du jeudi 24 avril 2014, suite à une intervention d’une équipe de volontaires de l’Oim, basée à Caradeux, en vue de procéder à l’enregistrement de la population du camp.

Brutalité : des bébés dans un état critique

Tôt dans la matinée du 24 avril, une dizaine de chars blindés ont sillonné les 14 blocs du camp, répartis en six villages : « Terrain Canaan », « Réfugié », « Bénédiction », « Toussaint Louverture », « St-Louis », « Terrain Toto », confient des sans-abris.

Des tirs nourris ont éclaté.

Des agents de l’unité départementale de maintien d’ordre (Udmo) et de la Brigade d’intervention motorisé (Bim) ont lancé des grenades lacrymogènes pour disperser les personnes déplaçaient qui, craignant d’être éjectées du site, ont manifesté leur fureur et désapprobation.

« Les bébés se trouvent dans un état critique après avoir inhalé du gaz lacrymogène. Plusieurs jeunes femmes et hommes ont été tabassés par les agents d’Udmo et de la Bim », déclare Ernst Jean-Baptiste, coordonnateur adjoint de gestion au village Caradeux (Cogevic).

« Je me suis évanoui après avoir reçu plusieurs gifles et des coups de matraque. Même une vieille femme de 111 ans n’a pas été épargnée des grenades lacrymogènes », ajoute-t-il.

Des sans-abris non alertés ?

« L’Oim ne nous a pas avertis d’un processus de recensement de la population au Camp Caradeux. D’ailleurs, nous ne savons même pas ce que dissimule ce projet qui vise à nous jeter hors du camp », craint Mme Mousson Registre, coordonnatrice du terrain « Canaan ».

Ni le gouvernement n’aurait informé, non plus, les personnes résidant dans le camp de la démarche de recensement envisagée.

« Je me rappelle la réalité vécue par tant de personnes déplacées « laissées-pour compte », qui ont dû évacuer les places publiques après avoir négocié 20,000.00 gourdes (US $ 1.00 = 46.00 gourdes ; 1 euro = 65.00 gourdes). Nous risquons de subir, ici, le même sort », fustige Registre.

« Que l’Oim nous mitraille ! Nous ne partirons pas du Camp Caradeux », s’exlame-t-elle avec indignation.

« L’Oim tente de faire pression pour nous évacuer du site. La récompense, après plus de quatre ans de péripéties, s’accompagne de grenades de gaz lacrymogène », dénonce Frandy Bernard, membre du Comité de gestion du terrain « Canaan ».

Précisions de l’Oim

« Pas question d’expulser les personnes déplacées. Il s’agit d’une requête du gouvernement haïtien, auprès de l’Oim, pour recenser la population dans les camps », clarifie le responsable de la coordination et de la gestion des camps à l’Oim, Fabien Sambussy.

Les dérapages enregistrés se sont produits en dehors du cadre d’enregistrement, répond l’Oim aux accusations des personnes déplacées.

« L’Oim a envoyé une équipe de volontaires sur le terrain en vue d’expliquer, à la population, la démarche de l’opération. Les gens ont refusé de se faire enregistrer et l’équipe s’était vite retirée du camp », explique-t-il.
Tout en déclinant toute responsabilité dans les violences rapportées, l’Oim dit condamner les brutalités policières rapportées.

« Effectivement, nous avons appris une manifestation anti-Oim. Mais l’Oim avait déjà vidé les lieux, au moment où la protestation a eu lieu », ajoute-t-il.

Plus de 13 mille personnes ont été hébergées, après le séisme, dans le camp Caradeux.

Certaines vivent dans des T-shelters, d’autres dans des bâches, des cases d’oripeaux.

Sévèrement affectées, ces familles déplacées pataugent dans une extrême pauvreté et sont hébergées dans des conditions effroyables, quasiment sans les services de base.

Elles se plaignent d’une grave détérioration de leur situation depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010. [lo kft rc apr 25/04/2014 14:00]