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Haïti : Retour sur « Sometimes in April » à l’occasion du 20ème anniversaire du génocide rwandais

P-au-P, 16 avril 2014 [AlterPresse] --- Le film titré « Sometimes in April » (Parfois en avril) du réalisateur haïtien Raoul Peck a été projeté, en sa présence, le dimanche 13 avril 2014, au local de la Fondation connaissance et liberté (Fokal) à l’occasion des 20 ans du génocide rwandais.

Le film, une fiction, retrace la réalité du génocide rwandais, survenu en avril 1994 après l’explosion de l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana.

Orchestré par les Hutus extrémistes contre des Tutsis minoritaires au Rwanda, le génocide d’avril 1994 s’est soldé par 800,000 morts en 100 jours.

Plusieurs Hutus modérés, qui se sont montrés solidaires des Tutsis appelés péjorativement « des cafards », ont été tués comme traîtres, expose le film.

Le film a fait salle comble à la Fokal, ayant attiré de nombreux jeunes, a constaté AlterPresse.

Etait également présent, à cette projection-débats animée par la présidente de la fondation, Michèle Duvivier Pierre-Louis, Luc Côté, un ancien procureur au tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha pendant les cinq ans qui ont suivi ce génocide.

La grande première de ce film a eu lieu sur écran géant, en 2004, devant environ 30 mille personnes au stade de Kigali, un lieu de grande répression lors du génocide.

Une scène de cette fiction retrace la manière dont des militaires hutus ont massacré, sans remords, des dizaines d’écolières à l’école catholique romaine de Sainte Marie, parce que celles-ci ont refusé de dénoncer leurs camarades tutsies.

Des corps sans vie, soit assenés de coups de machettes soit criblés de balles, témoignent de l‘horreur qui a prévalu durant ces 100 tristes et longs jours.

Le film souligne le rôle propagandiste de la radio Mille Collines RTLM, qui a contribué vivement et constamment à alimenter la haine et la répression violente contre les Tutsis.

Mugansa, l’acteur principal du film, est un Hutu.

Ce choix s’explique parce que Peck ne cherche pas à prendre uniquement parti pour les Tutsis.

« C’est facile de choisir le camp des victimes. L’histoire est beaucoup plus grande que les victimes », dit-il lors du débat ayant suivi la projection.

Les Rwandais ont eu la capacité et le courage de demander à plus de 250 organisations non gouvernementales (Ong) de laisser le pays en moins d’un an après le génocide, applaudit-il, par ailleurs.

Appelant à reconnaître le courage et la sagesse des Rwandais qui ont pu reconstruire leurs pays, Peck soutient que le Rwanda est l’un des rares pays africains à pouvoir montrer une croissance économique importante, accompagnée d’acquis démocratiques.

La mise en place de tribunaux locaux ou populaires, pour juger les coupables, a permis aux victimes de poser des questions aux assassins, se réjouit-il, regrettant le fait qu’on n’ait jamais appliqué ce type de jugement en Haïti après la chute de la dictature de Jean-Claude Duvalier (1971-1986).

Ce film donne une image modérée de la justice internationale, critique Luc Côté, qui relève, pourtant, combien ce documentaire expose les tergiversations de la communauté internationale à admettre le génocide rwandais.

Plusieurs puissances occidentales, comme les Etats-Unis d’Amérique, ont refusé d’intervenir au Rwanda pour éviter ce bain de sang.

Le tribunal pénal international a été une manière pour la communauté internationale de panser les plaies, c’est-à-dire de se donner bonne conscience, estime Luc Côté.

Il applaudit, quand-même, le fait qu’il y ait eu des procès contre des officiers et dirigeants ayant eu un lien assez direct avec le génocide.

Mais, c’est une opération qui a été, toutefois, trop longue et coûteuse pour un résultat assez restreint, nuance-t-il.

Débuté en 2001, le tournage au Rwanda du film « Sometimes in April » a pris fin en 2004.

Produit par la chaîne câblée américaine HBO, « Sometimes in April » a été projeté en Haïti, pour la première fois, au Ciné Impérial à Port-au-Prince le 4 mars 2005. [emb kft gp apr 16/04/2014 11:25]