P-au-P, 15 avril 2014 [AlterPresse] --- En dépit des inquiétudes suscitées par les déclarations menaçantes de certaines autorités à l’endroit de la Presse, des responsables de médias, les directrices et directeurs des salles de nouvelles restent quand même sereins, tout en rappelant aux dirigeants combien le temps de museler les médias est dépassé, dans des prises de position à AlterPresse.
La tendance pour cette administration politique de s’en prendre aux médias semble avoir la vie dure et rappelle la dictature des Duvalier (1957-1986).
La dernière attaque est celle du Conseil national des télécommunications (Conatel) qui accuse des médias de « diffuser de fausses informations » et les menace de sanctions, dans une note datée du 8 avril 2014.
Une sortie, très mal perçue par les responsables de salles de nouvelles de certaines stations de radio privées de la capitale.
La note du Conatel est « choquante », estime Jean Evilfleur Denisca, de la Radio Vision 2000.
Son confrère de la Radio Télévision Caraïbes (Rtvc), Gérin Alexandre, la juge également « mal venue ».
À Radio Ibo, la note du Conatel a été reçue « avec beaucoup d’inquiétude », indique Marie Raphaëlle Pierre, responsable de la salle des nouvelles.
Une inquiétude, partagée par l’association nationale des médias haïtiens (Anmh).
Il s’agit d’une « tendance systématique de recours du pouvoir à l’autoritarisme » vis-à- de la presse, des « manifestations anti-démocratiques », qui ne sont que des « signaux avant-coureurs de graves menaces sur les conquêtes obtenues (…) », déclare l’Anmh.
L’actuelle équipe au pouvoir « commence à montrer tout ce dont elle est capable (…) », en particulier sa capacité de violer la liberté d’expression, estime Evilfleur Denisca.
Pour lui, cette note vient confirmer que « la liberté de la presse est menacée ».
Gérin Alexandre, directeur de la salle des nouvelles à Rtvc, souligne à l’attention des responsables que « c’est une erreur en plus » de croire qu’ils peuvent « museler la presse ».
« Ce n’est plus possible ! », affirme t-il.
Tous les responsables de salles de nouvelles, joints par AlterPresse, rappellent au Conatel qu’il est plutôt chargé de faire « un travail technique » et qu’il ne lui appartient pas de prendre, ni de parler de sanction contre les médias.
« En ce qui a trait à la diffusion (de fausses) d’information(s), le Conatel pourrait justement nous appeler en justice », craint Denisca.
Il faut que « les réflexes autoritaires, face au constat de dérives réelles ou prétendues, soient abandonnés », soutient l’Anmh.
Trois jours avant la publication de la note du Conatel, le nouveau ministre de la communication, Rudy Hérivaux, issu du replâtrage gouvernemental du 2 avril 2014, a, lui aussi, accusé la presse.
Pour lui, les journalistes seraient des agents de « pollution » de l’environnement politique, au sein d’une presse qui conduit une « campagne d’intoxication » contre les autorités.
Sans aucune couverture légale, le ministère de la communication, sur son site Internet, a la velléité de placer sous sa tutelle le Conatel, qui relève, jusqu’à date et selon sa loi organique, du ministère des travaux publics, transports et communications (Mtptc).
Pour les journalistes interrogés, ces attaques n’influenceront en rien le travail des salles de nouvelles.
« Nous ne voulons pas que le gouvernement contrôle la presse. C’est à la corporation de prendre les dispositions qu’il faut pour devenir plus professionnelle », rassure la responsable de nouvelles à Radio Ibo.
« Pas question de changer la manière de traiter ou de diffuser les informations », renchérit Gérin Alexandre de Rtvc.
En effet, les journalistes ne sont pas là « pour faire de la propagande », mais pour faire « un travail digne en tant que professionnels », signale-t-il.
Ils reconnaissent, par contre, que certains journalistes, parfois, ne prennent pas le temps de vérifier certaines informations.
Ce qui ne saurait justifier, en rien, le comportement des autorités.
En août 2011, le président Michel Martelly a intimé l’ordre à la Presse de se taire.
Passant par la fin d’une certaine « récréation » annoncée, un nouveau commissaire de gouvernement, près le tribunal civil de Port-au-Prince, Francisco René, y est allé de ses menaces et intimidations deux ans plus tard, en août 2013.
[apr 15/04/2014 9:45]