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Procès Chamblain - Joanis : Le Conseil des Sages se prononce

"Le Conseil des Sages déplore vivement le fait que le verdict ait été prononcé sans demande de pourvoi en cassation par le Ministère Public, dont la responsabilité est de défendre la société. Cette demande aurait pu être faite dans les trois (3) jours francs, à partir de la date du prononcé du jugement, comme le prévoit la Loi.
Une telle démarche aurait eu le mérite de démontrer la volonté politique des Pouvoirs en place d’user de tous les recours légalement possibles ce, dans un souci de garantir les intérêts de la société et de refuser toute logique d’impunité."

Extrait d’un avis relatif au jugement de l’ex para-militaire Louis Jodel Chamblain et l’ex Capitaine Jakson Joanis le 17 août 2004, pour l’assassinat en 1993 du commerçant et militant politique Antoine Izméry

Emis par le Conseil des Sages à Port-au-Prince le 26 aout 2004 et signé par la Conseillère porte-parole, Danielle Magloire

Soumis à AlterPresse le 27 aout 2004

1. Le Conseil des Sages, attentif aux préoccupations des populations, partage leur émotion et leurs interrogations, suite aux conclusions du procès de Louis-Jodel Chamblain et de Jackson Joannis, acquittés le mardi 17 août 2004.
Le verdict de non-culpabilité prononcé, au terme d’une (1) journée de ce procès, a suscité des critiques diverses qui interpellent les Pouvoirs en place.

2. Le Conseil des Sages prend acte de la célérité mise à la tenue de ce procès, comme prévu dans les textes de lois régissant la matière.
L’acte d’accusation et l’ordonnance de renvoi indiquaient que les accusés cités avaient été jugés par contumace en 1995. Louis-Jodel Chamblain s’était rendu à la justice, en avril 2004, et Jackson Joanis en août 2004. Les accusés ont comparu tous deux (2), le lundi 16 août 2004, pour leur implication dans le meurtre perpétré sur la personne d’Antoine Izméry, assassiné le 11 septembre 1993.

3. Le Conseil des Sages relève les insuffisances et les inadéquations du Système Judiciaire haïtien qui, d’une part, ne permet pas de reprendre la procédure de l’instruction en cas de jugement par contumace et, d’autre part, en absence de Partie Civile constituée, n’admet pas la révision du procès par la Cour de Cassation. Le procès est donc, par ce fait même, forclos.

4. Le Conseil des Sages déplore vivement le fait que le verdict ait été prononcé sans demande de pourvoi en cassation par le Ministère Public, dont la responsabilité est de défendre la société. Cette demande aurait pu être faite dans les trois (3) jours francs, à partir de la date du prononcé du jugement, comme le prévoit la Loi.
Une telle démarche aurait eu le mérite de démontrer la volonté politique des Pouvoirs en place d’user de tous les recours légalement possibles ce, dans un souci de garantir les intérêts de la société et de refuser toute logique d’impunité.
Bien que ne pouvant objectivement laisser présager d’autres suites, compte tenu des limites imposées par notre cadre juridique, la démarche de pourvoi en cassation aurait mis la Cour de Cassation en situation de pouvoir se prononce sur le peu de consistance du dossier de l’instruction, apparemment bâclée en 1995 selon les informations disponibles. Cet Arrêt de la Cour de Cassation aurait été d’un intérêt certain pour l’avenir de la justice haïtienne.

5. Le Conseil des Sages réitère la souveraineté de l’Etat haïtien ce, en dépit des faiblesses et insuffisances notoires du Système Judiciaire actuel.
Le non respect d’une décision judiciaire, préoccupante à plus d’un titre, mais prononcée en référence aux textes de lois en vigueur, ouvrirait la porte à des dérives, dans un pays qui tente difficilement de construire un Etat de Droit.

6. Le Conseil des Sages, dans le cadre de ses prérogatives :
6.1. Recommande aux autorités judiciaires et au Ministre de la Justice de prendre toutes les dispositions utiles pour les nouveaux procès d’Assises déjà engagés ce, en prenant soin, cette fois, de procéder aux vérifications de documents, dossiers et textes réglementaires, autorisant ces reprises d’actions en justice que les populations réclament et sont en droit d’attendre.
6.2. Recommande au Ministre de la Justice et aux instances judiciaires, d’agir avec une plus grande célérité et une plus grande conviction en vue de la réforme du Système Judiciaire, de telle sorte à ce que les décisions judiciaire soient véritablement fondées dans la justice, l’équité et le respect de l’esprit de la Constitution, pour ce qui est de la protection des intérêts de la société.
6.3. Recommande au Gouvernement de Transition de créer, dans les meilleurs délais :
6.3.1. Une Commission d’Enquête Indépendante, chargée d’analyser le dossier des procès en cause, pour en tirer toutes les conclusions utiles en vue de l’amélioration du Système Judiciaire ; et
6.3.2. Une Commission de Travail chargée d’une part, de l’analyse critique des textes de lois en vigueur et, d’autre part, de leur révision et de la mise en cohérence qui s’imposent.
Les conclusions apportées devront se traduire en propositions de Lois, Règlements, etc. qui seront déposés, par le Conseil des Sages sortant, par devant la prochaine Législature pour les suites nécessaires.
6.4. Invite fermement les services du Ministère de la Justice et ceux de l’Office de la Protection du Citoyen et de la Citoyenne (OPC), à vulgariser auprès des populations, les droits et devoirs encore méconnus et à apporter les assistances nécessaires pour que les citoyens et citoyennes jouissent pleinement de leur droit de rechercher justice.
6.5. Invite les populations à faire preuve de compréhension et de vigilance, et à bien prendre la mesure du fait que, nombre des lois qui nous gouvernent aujourd’hui sont inadéquates, émanent de régimes faisant peu cas des Droits de la Personne. Le Code Pénal date de 1835.
6.6. Exhorte les citoyens et citoyennes, les ayant droits et les familles de victimes, à faire valoir leurs droits, malgré les difficultés qui se posent.
Porter plainte, au moment opportun, et se constituer Partie Civile sont des actes citoyens responsables ; Des actes qu’il importe de poser avec vigilance et dans le strict respect des Lois.

7. Le Conseil des Sages considère que, durant cette période de Transition, une plus grande vigilance s’impose à tous les niveaux et dans toutes nos institutions. La vigilance des Pouvoirs en place et la vigilance citoyenne sont garantes de la nécessaire refondation de notre société.