P-au-P, 28 mars 2014 [AlterPresse] --- « Lorsque je suis rentré, j’ai trouvé ma maison sens dessus dessous… Ils ont dit qu’ils reviendraient et m’arrêteraient coûte que coûte, que je ferais mieux de quitter l’Ile-à-vache ».
C’est le témoignage de Kenold Alexis, membre de Konbit peyizan ilavach(Kopi), habitant de cette petite île, située au sud du pays, où le gouvernement compte implanter un projet touristique.
Le projet implique plusieurs bouleversements dans la vie de la population, qui vit de l’agriculture et de la pêche.
Parmi ces bouleversements, est dénoncée la probable relocalisation d’une centaine de familles.
« Ma vie est en danger », déclare Kenold Alexis dans une interview à AlterPresse.
« Lourdement armés, des agents de la brigade d’intervention motorisée (Bim) ont fait irruption à mon domicile et opéré une fouille sans la présence de juge de paix », raconte-t-il.
« J’étais en salle de classe au moment des faits. Des voisins me rapportent que les agents de la Bim auraient agi en compagnie d’un des agents exécutifs intérimaires et d’un frère de ce dernier », indique l’instituteur Alexis.
AlterPresse a tenté, sans succès, de joindre au téléphone l’agent exécutif intérimaire mentionné.
Depuis le début de l’année 2014, plusieurs autres cas de répressions contre la population ont été rapportés.
Des organisations haïtiennes de droits humains ont diligenté des enquêtes, mais c’est le silence du côté des autorités.
« Je ne quitterai pas l’ile-à-vache. Ils veulent que toutes les personnes conséquentes, qui sont contre leur projet, quittent l’ile…Pourquoi ? Parce que nous sommes membres de Kopi et que nous ne voulons pas que l’île soit vendue », martèle, résolu, Kenold Alexis, ajoutant que les agents de la Bim, lourdement armés, patrouillent matin et soir.
Auparavant, l’ile ne comptait que deux policiers, selon certains habitants.
Depuis l’intensification du mouvement de protestation contre le projet touristique gouvernemental, plusieurs dizaines d’agents de la Bim ont été déployés sur l’ile.
Selon la titulaire du ministère du tourisme, Stephanie Balimir Villedrouin, il s’agit de « protéger les intérêts du gouvernement ».
Le projet, baptisé destination touristique Ile-à-vache, avoisine les 250 millions de dollars américains (US $ 1.00 = 45.00 gourdes ; 1 euro = 65.00 gourdes aujourd’hui).
Le mercredi 26 mars 2014, la ministre du tourisme ainsi que Rose Anne Auguste, ministre déléguée auprès du premier ministre, sur la question des droits humains et de la lutte contre la pauvreté extrême, ont rencontré des représentants d’organisations sur l’île.
Selon Jerome Charles [1], habitant de Kay kok, la rencontre n’a pas abouti à grand chose.
« La ministre [Rose Anne Auguste] devait rester deux jours de plus pour aller à la rencontre des habitants. Mais, vu notre mécontentement, nous n’avons pas donné de garantie qu’elle passerait un bon séjour, qu’on resterait là à marcher en compagnie d’une ministre, alors que nos revendications ne sont pas satisfaites », explique-t-il, soulignant que la population « a écouté » les ministres.
Selon Kenold Alexis, certaines routes étaient bloquées dans la matinée du jeudi 27 mars 2014.
Les agents de la Bim auraient, cependant, libéré la circulation en enlevant les barricades.
Alexis signale aussi qu’une pétition des organisations, réclamant la libération de Jean Matilnès Lamy, le retrait du décret déclarant zone réservée et d’utilité publique l’Ile-à-Vache, ainsi que le départ des agents de la Bim, a été ignorée lors de la réunion. [apr 28/03/2014 15:54]
[1] Nom d’emprunt